Chapitre 3

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Il faut à Seiran de gros efforts pour émerger du cocon de sensations dans lequel s'est noyé son esprit. Bercé par la douce chaleur de la couverture qui le borde et le protège du froid et de l'humidité d'une pièce qu'il ne connaît pas, il tarde encore un moment avant d'ouvrir les yeux. Pour profiter autant que pour prendre le temps de repasser dans sa mémoire les dernières images qui ont précédé sa perte de conscience : celles d'une silhouette éthérée, d'un regard perçant, d'une dentition aussi éclatante que redoutable, et d'une étreinte dangereuse. Un tableau qu'il aurait dû juger effrayant, qui devrait même précipiter son réveil, mais qu'il recompose pourtant sans une once de panique. Flirter avec la mort ne l'a pas impressionné autant que cela aurait dû. L'onmyōji irait presque jusqu'à considérer l'expérience intéressante. Surtout qu'à aucun moment, il n'a songé que Valoïs pouvait le tuer de cette morsure brutale. S'il ne devait y avoir qu'une ombre pour obscurcir ce qu'il a vécu, ce serait cette douleur ressentie à travers tout son être et cette brûlure persistante à l'endroit de la marque de ses crocs.

Quittant sa torpeur, parvenant enfin à ouvrir les paupières et à sortir doucement une main de sous les draps, Seiran se met en quête de la plaie et prend le temps de la dessiner de ses doigts longs et fins, d'en tracer les contours. Un simple effleurement lui arrache une grimace, sans qu'aucun son ne franchisse pourtant ses lèvres. Loin de lui l'idée de se montrer douillet, il a enduré bien pire lorsque la maladie maltraitait son pauvre corps. Et puis, s'il devait être tout à fait honnête, il avouerait volontiers apprécier cette empreinte sur sa peau, semblable au baiser possessif d'un amant. Combien de temps depuis que plus personne ne l'a embrassé, n'a laissé la preuve de son affection sur lui ? Un an ? Deux ans ? Il a perdu le compte, lassé par la solitude. Il pensait d'ailleurs son cœur éteint, avant de croiser le regard pénétrant de Valoïs. Ce petit soubresaut éprouvé lui a rappelé qu'il est en vie, et qu'il pourrait peut-être aimer de nouveau ?

Seiran sent soudain ses joues rosirent à l'idée. Non, vraiment, le seul point négatif qui entame son moral reste cet état de faiblesse, ce manque de forces qui le cloue au lit et lui fait douter de pouvoir ne serait-ce que mettre un pied par terre.

Sur ce point, il remarque que son hôte s'est montré prévenant en lui offrant un endroit digne de ce nom pour récupérer. La chambre est grande, illuminée de nombreuses chandelles, et arrangée avec soin, bien que surchargée par une décoration lourde et trop diversifiée. Impossible d'énumérer tout ce qui s'expose sur les meubles et les étagères. Des bustes à l'effigie de personnages inconnus, des vases à n'en plus finir, des horloges indiquant toutes des heures différentes et même des mobiles suspendus au plafond, inondent ce paysage déjà trop coloré par les rideaux, les tentures, les tapis et les oreillers sous lesquels croule la pièce. À dire vrai, il ne distingue plus un pavé ou un pan de mur libre de respirer hors de cette marée chatoyante. Au point qu'il tarde à remarquer le plateau de victuailles posé bien en évidence sur sa table de chevet. Une attention qui lui arrache un sourire, l'amenant à songer que le maître des lieux est peut-être plus généreux qu'il ne le laisse à penser.

Tiraillé par la faim, Seiran n'attend pas longtemps pour abandonner son tour d'horizon, rendu difficile en raison de sa vision trouble, et s'emparer des denrées qu'il ramène sur ses genoux. Il se jette dessus avec une avidité qu'il ne supposait pas et avale tout dans l'espoir d'être vite rassasié.

Un quart d'heure plus tard, il ne reste rien du repas préparé à son intention. Seiran est repu et se laisse retomber en arrière, toujours épuisé, dans les confortables oreillers qui ont supporté son sommeil. Il envisage néanmoins de se lever pour remercier son hôte et voir avec lui ce qu'il en est de la requête qu'il est venu lui soumettre. Dans son esprit, seul compte Hanano.

Temet Nosce (Les Chroniques de Sorohar - T4) [MM/BL/Yaoi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant