Les retrouvailles

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1ère place - LaurieAntoine

Il fallait qu'elle sache. Après toutes ces années, il trouvait difficile de la laisser dans l'ignorance. Il n'envisageait pas une seconde sa vie sans elle. Il savait qu'elle le retrouverait, elle ne pourrait pas s'en empêcher. Il ne pouvait pas la laisser dans le noir, dans la souffrance. L'amour qu'il éprouvait pour elle était bien trop fort.

Jeanne sortit du travail, le cœur léger. Après des mois d'efforts, de compromis, enfin c'était arrivé ! Elle n'était toujours pas journaliste, mais son patron lui avait accordé de gérer seule une rubrique de conseils féminins. Ce n'était pas à proprement parlé son rêve, les conseils pour trouver la meilleure manière de se friser les cheveux n'étaient le rêve de personne d'ailleurs. Mais c'était l'amorce d'une carrière. Un tout petit pas, qui avait le mérite d'avoir été franchi.

Quand elle était entrée en tant que secrétaire au Quotidien parisien, elle avait secrètement espéré que son sérieux et sa motivation lui permettraient de se voir confier des tâches plus en accord avec ses ambitions. Et si ses débuts dans le journalisme devaient prendre la forme d'une recette de confiture d'abricot ou de conseils sur les formes de chapeaux, il fallait bien commencer quelque part non ?

Paul l'attendait devant l'immeuble. Une épaule appuyée contre le mur, il fumait une cigarette en regardant les passants déambuler dans la rue. Jeanne sentit son cœur se gonfler à sa vue. Il avait vraiment de l'allure dans son costume croisé, son chapeau légèrement penché sur le côté. Elle savait qu'il le positionnait ainsi pour cacher la cicatrice située sur sa tempe, permanent souvenir de la guerre dont il était revenu. Elle se fichait de cette marque ; pour elle c'était un symbole qu'il avait survécu à l'enfer, un insigne qui démontrait son courage.

Elle lui fit un signe pour capter son regard. L'apercevant, il écrasa son mégot sous sa semelle et se dirigea vers elle, l'air heureux.

— Quel grand sourire ! Lui dit-il en l'embrassant sur la joue.
— Tu as devant toi la nouvelle rédactrice de la rubrique Pour vous aider Madame ! Lui dit-elle, ne pouvant attendre davantage pour lui annoncer la bonne nouvelle.
— Tu veux dire que bientôt, grâce à toi, les parisiennes seront, malgré elles, converties au féminisme ?
— Moque-toi ! Dit-elle en riant. Et pourquoi pas ?
— Je ne me moquais pas ! Je te crois capable de tout faire. Ils ne savent pas encore que tu vas révolutionner leur journal ! Tremblez parisiens ! Déclama-t-il d'un ton volontairement mélodramatique, votre vie va bientôt changer, les femmes au pouvoir !

Il avait une telle confiance en elle. Elle n'aurait sans doute jamais eu le courage de demander un avancement si elle n'avait pas su qu'il était entièrement à ses côtés. Paul l'encourageait en permanence, la soutenait. La jeune femme avait souvent l'impression qu'il croyait plus en elle qu'elle-même.
Il lui prit la main et déposa un baiser sur son poignet.

— On va fêter ça ? Je pense que ça mérite largement une bouteille de champagne !
Elle sourit devant son exubérance.
— Laisse-moi repasser chez moi pour me changer. Si nous devons sortir ce soir, j'aimerais être belle pour toi.
— Tu es sûre ? Allons-y comme ça, tu es ravissante.

Il s'arrêta et lui déposa un doux baiser sur la joue.

— Tout ce dont nous avons besoin ce soir, c'est d'être ensemble.
Il semblait ne pas vouloir la quitter, même quelques heures. Mais elle aussi voulait fêter sa promotion, et dignement. Et pour ça, elle souhaitait faire honneur à son fiancé.
— Passe me prendre dans deux heures, insista-t-elle. Je te promets d'être prête.
— Je m'incline et te laisse aller te rafraîchir, lui répondit-il en ponctuant ses mots d'une courte révérence.

Ils se séparèrent à un coin de rue et Jeanne rejoint son logement quelques minutes plus tard. Elle entra dans le hall d'immeuble et prit son courrier en passant, dans le casier qui lui était réservé. Deux enveloppes s'y trouvaient, qu'elle décacheta pendant qu'elle montait les étages.
La première contenait une facture, la seconde une coupure de journal. Il faisait sombre dans la cage d'escalier, ce qui fait qu'elle avait du mal à voir ce qu'elle représentait.

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