💧Les dieux oubliés : Poséidon et Amphitrite💧

Chapitre 1

Saviez-vous que si un humain saute du sommet d'un immeuble, il a toutes les chances de mourir avant de percuter le sol ? Le cœur lâche pendant la chute. Le suicide n'étant pas une manière de faire chez les Néréides, je me demande si notre constitution plus résistante nous éviterait l'arrêt cardiaque en cours de route. Il faudrait que je tente de pousser l'une de mes trop nombreuses cousines depuis le haut d'une des tours du manoir. Pour la science, vous voyez ? J'ai déjà deux trois noms en tête.

— Phita.

J'ignore délibérément ma mère pour continuer de lire. La seconde anecdote de mon article intitulé « le savais-tu ? » est celle-ci : les noix de coco tuent plus que les requins. Puisque les animaux marins ne dévorent pas les êtres de notre espèce, pour le coup les noix de coco gagneraient la bataille sur les Néréides. C'est à la fois ridicule et très drôle.

— Phita, je sais que tu m'as entendue, ferme ce magasine stupide. Tu pourrais montrer à ta sœur que tu la soutiens, c'est important pour elle.

— Ma seule présence ici démontre que je la soutiens.

— Dis-nous donc ce que tu penses de cette robe alors, insiste-t-elle en agitant les bras, l'air agacé.

Moi qui voulais y échapper. À contrecœur, je lève les yeux des pages glacées. Je les gardais baissés pour éviter de détailler cet affreux amas de tulle rose barbe à papa que vient d'enfiler ma grande sœur. Ce truc est encore pire que la robe violette qu'elle a essayée juste avant. Je prends une grande inspiration en affichant un sourire figé. Lorsque je croise les yeux de Thétis, je remarque qu'elle n'a pas l'air spécialement convaincue non plus.

— Des tas d'adjectifs me viennent à l'esprit, mais je vais abréger par : gastroentérite. C'est une maladie qui touche principalement les mortels et qui fait ressortir les principaux flux du corps à la fois par la bouche et le...

— Arrête ça tout de suite, soupire ma mère.

— C'est trop rose, conclus-je. Puis, elle ressemble au gâteau de mariage de Shelby Stuart. Tu te souviens, Thétis ?

— Oui, je m'en souviens. C'est si horrible que ça ?

— Tu connais la réponse, frangine.

Notre mère secoue la tête, hésitant presque à s'arracher les cheveux. Le bal pour lequel elles se préparent toutes les deux est d'une extrêmement importante, je le sais bien. Une partie de mon comportement sert à détendre cette adorable grande blonde qui sera l'une des invitées d'honneur. Thétis me décoche un sourire reconnaissant. Elle a toujours aimé mon franc-parler, contrairement à beaucoup de monde.

— Viens plutôt nous aider, s'énerve ma génitrice, à bout de nerfs.

Une armée d'employés court partout dans la pièce depuis une heure, on dirait des abeilles en train de butiner. Les fleurs de ma comparaison représentaient ici par les tas de robes éparpillés dans le dressing.

— Vous n'avez clairement pas besoin de moi pour préparer la future princesse. Je vous serai inutile.

— Je suis sûre que non, intervient Thétis avec douceur. Et puis, rien ne dit que je serais choisi, alors bon. Raffe, peut-on opter pour un peu moins de volume ?

Le styliste personnel de ma mère et de ma sœur est l'une des abeilles les plus affolées de l'essaim. Il est si stressé qu'il pourrait bien claquer d'un arrêt cardiaque. Je le plaindrais volontiers si je ne le détestais pas.

Pardon, s'il ne me détestait pas.

— Et moins de longueurs, ajouté-je. Le prince tombera raide dingue de ses jambes si on les dévoile un peu.