TEACHME [PUBLIÉ SUR KINDLE ET AMAZON LES 14 & 21 JUIN]

Chapitre 6 | Ava

Chez Ava
Lundi 11 Septembre
19 : 40

    L'ambiance est beaucoup plus légère ce soir, la preuve; je prends part à la discussion entre Drew et Nana. Mon fils raconte sa journée avec un enthousiasme étonnant en expliquant à sa grand-mère comment il s'est disputé avec un de ses camarades de classe pour pouvoir s'asseoir à côté d'Inès. Je crois qu'il est amoureux d'elle et je trouve ça trop mignon. Ses yeux s'écarquillent lorsqu'il me voit sourire et que je lui dis que si Justin recommence, il devrait poser des punaises sur la chaise pour que l'autre n'ait plus jamais envie de s'asseoir à côté d'elle. Pire conseil, ça, c'est sûr. C'est d'ailleurs pour ça que Nana m'a lancé un regard noir mais ils n'ont pas pu s'empêcher de rire. Ça fait du bien de ne détester personne ne serait-ce que pendant quelques heures. Même pas monsieur philo. Je souris en repensant à cette scène ridicule dans les toilettes.

« Ava ? Tu as l'air de bonne humeur aujourd'hui, me dit ma grand-mère avant d'avaler une rondelle de alloco.
— Hum non... Non je pensais à un truc marrant c'est tout.
— C'est bien nouveau ça. C'est quelque chose ou quelqu'un qui te fait rire ?
— Nana !
— C'est peut-êt'e le papa d'Inès, dit soudainement Drew.
— Ah et qui est cet homme ? »

    Je sers les poings. De quoi est-ce qu'il se mêle ? J'étais de bonne humeur et voilà, il a réussi à tout gâcher, comme d'habitude.

« Personne, dis-je en lui lançant un regard noir.
— Mais si ! Vous avez pa'lé su' le banc quand Inès et moi on est allé 'oué au pa'c. Peut-êt'e qu'elle est amou'euse.
— Quoi ? m'exclamé-je en même temps que ma grand-mère.
— Tu as un petit-ami ? me demande-t-elle en fronçant le peu de sourcils qui lui reste.
— Non ! je proteste.
— Mais si. Le monsieur qui...
— Ça suffit, Drew, j'ai dit non ! Mêle-toi de tes affaires, un peu ! Toujours dans mes pâtes, t'es insupportable ! »

Ses yeux s'embuent instantanément. Merde. Je ne peux plus le regarder en face, ni ma grand-mère qui me regarde sévèrement. Hors de moi, et honteuse, je sors de table et claque la porte de ma chambre. Je suis totalement en tort, ce n'est qu'un enfant, mais je ne supporte pas qu'il se mêle de mes affaires. Tout ce qu'il dit ou fait me contrarie, et mes démons me soufflent que c'est le moyen de prolonger ma souffrance. Drew est la continuité de ce que j'ai subi. Ce qui me brise, c'est que je sais que j'ai tort, je sais que je lui fais du mal et je me déteste pour ça. Surtout que je sais que je n'aurais jamais le courage de m'excuser.

    Je soupire et m'installe sur mon lit avec mon PC. En attendant qu'il s'allume, je regarde mes messages. Non pas que j'ai beaucoup d'amis mais j'ai beaucoup tendance à répondre en décaler, et les SMS s'accumulent sur ma barre de notifications. Les messages d'Adèle et d'Aïna, plus précisément. Elles sont les seules amies qu'il me reste, les seules à avoir été présentes alors même que ma détresse était si forte qu'elle m'a empêchée de parler pendant deux ans. Elles entament toutes les deux leur seconde année à l'université, et la distance ne nous a pas éloignées pour autant. Les filles me proposent une soirée pyjama chez moi, et j'accepte en souriant.

    C'est en finissant de taper mon message que je me souviens que M. Ronadone m'a laissé son numéro. Je saisis mon sac et m'empare du bout de papier. Comme une idiote, je fixe les lettres de son prénom comme s'il s'agissait d'un mot interdit. Ce prof me fait flipper. Il est intrusif, culotté, et loin d'agir en professionnel ! Mais il est... rassurant. Je ne sais pas, j'ai l'impression de le connaître. Est-ce que je suis folle ? Je tape son numéro sur mon clavier, ainsi qu'un bref message en me convaincant que c'est uniquement parce que j'ai urgemment besoin d'argent.