Grète le Barde

Mistral la Sorcière grincheuse

Grète le barde se délectait de sa liberté nouvelle. Debout en haut des marches du tribunal, il observait la foule d'un oeil attentif, un grand sourire plaqué sur le visage. Un juré dans la robe verte pâle des jurés sortit et l'évita.. ou lévita, un très court instant, avant de dégringoler les marches sur son séant en poussant des petits cris d'une voix étonnamment grave. Grète se précipita jusqu'en bas de l'escalier pour l'aider.

"Monseigneur ! Comment allez-vous ?" S'écria-t-il, se surprenant lui-même de sa voix retrouvée.

Il se figea dans sa pose, la main tendue vers le pauvre homme, et leva la tête vers les cieux.

"Merci..." Murmura-t-il. "MERCI !" Cria-t-il aux nuages noirs.

Grète après avoir déclamé un poème de remerciement à la gloire de sa voix retrouvée, baissa le regard vers l'infortuné juré vêtu de la robe verte pâle des jurés (au cas où ce détail vous auriez échappé), mais celui-ci avait disparu. Grète replia lentement l'auriculaire, puis l'annulaire, puis tous les doigts. Il ramena son bras le long de son corps. Il médita quelques secondes sur la magie obscure qui avait permis à cet homme de disparaître ainsi...

Enfin ! Ce n'était pas si important ! Il parti dans une direction inconnue pour pratiquer son art, vivre de nouvelles aventures ou alors... semer la zizanie ?

Mistral regardait à droite... Mistral regardait à gauche... Mistral regardait en bas... Mistral regardait en haut... Mistral regardait... Bon ! Il suffit ! Mistral cherchait le misérable imbécile qui lui avait échappé. Alors qu'elle se glissait entre deux badauds battis comme des cuves à vin telle une gluante pâte mochi, elle se retrouva nez à nez avec un tas de cheveux qui lui chatouillèrent les narines tel des plumes de corbeau. Elle sentit ses poils la hérisser, sa membrane olfactive la piquer et éternua si fort que les oisifs passants s'écartèrent soudainement. Elle observa le cercle parfait autour d'elle d'un air satisfait. Elle appréciait d'avoir enfin un peu de place ! Une mélodie se glissa jusqu'à son oreille...

"Sa magique voix en or en nous claironna,

Par mont, par vaux, dans les égouts même les rats,

Toute ouïe ils écoutâmes quand elle s'esclaffa

En étonnant le Royaume et ses cancrelats !

Douce et chantante, cette harmonie s'envola,

Les oreilles des plus chanceux cela ravira.

Semblable à l'aube du chaud soleil qui se lèva,

De son gosier, elle charmera les délicats !

Mais où, mais où, mais où trouver une telle demoiselle ?

Vue, entrevue, perçue, aperçue, entre-aperçue...

Mais quand, mais quand, mais quand reverrons-nous une telle demoiselle ?"

C'était la voix du crapuleux flâneur. Mistral l'aurait reconnue entre mille. Elle ne parvenait à voir au-dessus des épaules de la foule avoisinante. Elle décida donc de se glisser à nouveau entre les curieux en serrant les dents.

Lorsqu'elle aperçut enfin le bout du luth de Grète le Barde, elle le héla d'un ton décidé.

"Hola ! Vous ! Veuillez me suivre, nous avons à parler."

Grète le Barde, reconnaissant la sublime voix qu'il cherchait depuis environ trente-deux minutes cinquante, lui répondit à son tour, continuant sa balade improvisée.