Les filles avaient l'impression de couvrir un secret, celui de la mort de Jeanne. Dans leurs têtes, elles en étaient responsables. Il n'y en avait pas une seule qui ne s'était pas mordue les doigts, promettant l'une à l'autre de l'enterrer six milles pieds sous terre pour que le secret ne fasse jamais surface.

C'était la seule chose qui les avait lié pendant leur dernière année scolaire.

- Tu fais quoi toi comme études maintenant Céleste ?

- Rien.

Sophia acquiesça en ouvrant la porte du taxi pour qu'elles se placent à l'arrière.

- Adresse mesdames ?

- 20 rue des fossés saint-jacques.

Le chauffeur s'empara du volant pour rejoindre l'adresse convenue. Du cinquième arrondissement au cinquième arrondissement, elles n'auraient mit qu'une quinzaine de minutes à pied. Mais c'était déjà bien trop pesant de devoir se retrouver en compagnie de personnes avec qui la relation n'avait plus rien de limpide.

- T'es sure qu'ils y seront, Sophia ?

- Mon mec travaille là-bas, c'est lui qui m'a confirmé, répondit Salomé à la place.

Céleste avait les poings serrés, essayant de maintenir son calme. Dans un premier temps il s'agissait de revoir Ken, et bien que dans son idéal elle s'en moquait éperdument, ce n'était pas fondamentalement de lui dont il était question. Elle le détestait, au plus au point.

Mais il devrait se remercier de ne pas l'avoir placé en protagoniste dans leur chanson, où il aurait rencontré un ouragan qu'il n'avait jamais connu jadis. Pire que les ténèbres, Céleste était devenue quand on s'en prenait à elle.

Le chauffeur sortait de la voiture en ouvrant la portière du coté trottoir, et chacune sans exception le remercia. Salomé s'empressa de retrouver un grand blond, un badge autour du cou, devant le bâtiment en l'embrassant.

- J'vous présente Simon.

- Enchantée, Céleste.

Il s'approcha d'elle pour lui faire la bise, et elle ne comprit qu'après coup que cette manière de saluer s'était complètement perdue dans sa mémoire.

- Tu me balances pas hein, Salomé ? J'veux pas perdre mon taff pour vos bails. J'vous laisse rentrer, vous réglez vos comptes et vous vous cassez.

Elles restèrent toutes silencieuses en le remerciant tout de même pour l'opportunité. Il présenta son badge en les laissant rentrer dans l'enceinte du bâtiment, puis leur indiquait où il fallait qu'elles se dirigent pour les retrouver:

- Vous montez au deux, vous allez tout droit et c'est le studio tout au fond du couloir. Bonne chance, il finit par embrasser sa copine, ces derniers mots ne lui étant que dédiés.

Le silence ne fut pas une seule fois corrompu. Même pas dans l'ascenseur. Béatrice se demandait ce qui allait se passer, concrètement. C'était pourtant elle qui avait insisté parce qu'elle était bien au courant qu'échanger avec eux par message n'aurait aucune répercussion sur les paroles de leur chanson. Le mal était fait.

Et pourtant.

- J'angoisse, j'peux pas, elle se résigna à dire.

- C'est pas l'moment d'se défiler, allez. J'ai pas sauté dans un avion pour perdre mes sous moi, répondit Céleste avec arrogance.

C'est d'ailleurs elle qui ouvra grand la lourde porte en bois insonorisée alors que les trois derrières étaient terrorisées, presque prêtes à faire machine arrière.

nova (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant