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KEN
PARIS , PETITE CEINTURE DU 15EME

-00:02-
-29 j u i n d e u x - m i l l e s s e p t-

Elle marchait en gardant toujours sa tête relevée vers le ciel, et parfois, le sol irrégulier la faisait trébucher. Alors elle serrait fort ma main pour se raccrocher à quelque chose. Elle parlait peu, comme la première fois où je l'avais raccompagné.

Je savais qui Céleste était cette première fois. Ce n'était pas non plus la première fois que je la voyais en soirée. Les gens la remarquaient quand elle était au milieu de la pièce principale, mais étrangement les gens ne la repérait jamais quand elle se trouvait au fond d'un couloir, quand elle s'enfermait dans les toilettes pendant une trentaine de minutes et qu'elle en ressortait le visage mouillé.

A chaque soirée, je me demandais qui était Céleste. Celle qui ne me voyait pas, celle qui ne posait son regard sur rien hormis le vide. Le genre de fille pour qui l'on ne se sent jamais légitime de son attention. Et parfois, elle s'estompait derrière sa meilleure amie qui semblait être son pilier, cette meilleure amie au charme insensé, celle qui ne laissait transparaître aucune douleur, celle que toutes les filles rêvaient d'être.

Céleste ne souffrait de rien d'autre que de la maladie de notre planète. Elle allait en mourir à petit feu. Son sang devait être pollué comme les mers et les rivières, et ses poumons comme le plafond de la fumée de nos villes. C'était l'idée que je m'étais faite d'elle. Pour elle, tout était gris, tout puait, tout était triste. Tout valait la peine d'être retracé, d'être redessiné à son image. Son crayon et son rouge à lèvres étaient ses meilleures armes.

Je cernais les gens comme Cupidon qui tire sur ses cibles. Céleste n'était pas tant mystérieuse qu'elle le laissait paraître, il suffisait simplement de dévisser le capuchon de la bouteille pour laisser l'eau couler.

- Je savais même pas que y'avait des passages comme ça dans Paris putain..

Je pouffais de rire en souriant, évidemment.

On marchait encore cinq bonnes minutes, main dans la main. Au bout de son auriculaire droit se trouvait une fine bague en or ornée d'un diamant. Elle me paraissait chère.

Je m'arrêtais en lui pointant du doigt le mur à notre gauche. Elle fronça d'abord les sourcils ne comprenant pas pourquoi je lui pointais un mur tagué semblable à tout les autres. Il n'avait rien de spécial aux yeux des autres. Mais l'inscription « S-Crew » le rendait unique aux miens.

- Pourquoi tu me pointes ça ? Riait-elle en s'allumant lâchement une cigarette.

- C'est notre mur. Tout c'que tu vois là, c'est nous on l'a tagué.

Elle s'approchait dangereusement du mur pour passer ses ongles dessus, comme un chat qui grattait le revêtement d'un canapé.

- Pourquoi.. S-Crew ?

- C'est l'blaze de mon groupe de rap, mon groupe de potes.

- Genre Moh', Vic' tout ça ?

Je mimais un non de la tête avant de poursuivre:

- Eux c'est mes meilleurs potes, j'suis h24 avec eux mais le S-Crew c'est mes frères. Tu captes la nuance ?

- Non, me lança-t-elle en haussant les épaules, avant de continuer à fixer le mur silencieusement.

Elle écrasa son mégot contre le tiret qui reliait le S au Crew. A ce moment là, je ne pouvais m'empêcher de me demander ce à quoi Céleste pensait. Sa tête semblait exprimer des centaines de choses à en exploser, mais son visage paraissait toujours indifférent et neutre, parfois légèrement nuancé par ma présence.

nova (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant