Les Gardiens Invisibles - Livre 1

Chapitre 2 - Le Passage

Il est deux heures du matin quand Philippe est de retour. Il a bu, un peu trop, mais n'est pas ivre. N'ayant pas le courage de rejoindre sa chambre, il s'allonge sur le divan et se trouve en tête à tête avec son insecte prisonnier.
"Bonne nuit à toi, Monsieur X !" dit-il à sa bestiole et il s'endort.
Son sommeil est agité. Il entend des bourdonnements. À moitié endormi, il ouvre un œil. Il lui semble voir des étincelles bleutées se reflétant sur la cage de verre, mais il se rendort sans demander son reste.

Ce n'est qu'à onze heures du matin qu'il se réveille et se lève avec difficulté. Il a un peu mal au dos mais surtout au crâne !
"Un divan n'est pas un lit !" dit-il en s'étirant, puis, il se dirige vers la cuisine pour se préparer un café. En attendant que le liquide passe, il regarde par la fenêtre. Le ciel est chargé, gris. Il pleut. Philippe entrebaille la fenêtre pour faire entrer un peu d'air frais, puis, il boit son café. Il a le cerveau qui marche au ralenti ce matin. Il repense alors à ce qu'il a vu, ou plutôt, cru voir cette nuit.
"Des étincelles bleutées, il sourit. T'as trop picolé Fifi !"
Etant donné l'heure tardive et la météo maussade, il se prépare un petit déjeuner costaud : jus d'orange, yaourt, œuf brouillés, pain grillé, fruit ... et surtout café !
Le repas fini, il prend son portable et appelle son épouse.
"Allô ? répond Fabienne
- Bonjour amour, comment vous allez bien ? dit-il avec humour.
- Bonjour toi que j'aime. Ici tout va bien. Il fait beau et chaud. Les enfants sont partis avec papy Louis faire du vélo. Quant à moi, je vais au marché avec mamie. Et toi mon petit Fifi ?"
Après cet échange sympathique, voilà la question qu'il redoutait et à laquelle il répond gêné.
"Ben...hier soir René et sa femme m'ont invité et...
- Tu es rentré avec un plumet à la maison.
- Heu... Oui ,mais je n'étais pas ivre mort, tente-t-il de se justifier, confus.
- L'avantage avec toi, c'est que tu ne bois qu'en société. De plus, René... Ce n'est pas un buveur d'eau et il supporte l'alcool bien mieux que toi.
- C'est pour ça qu'il m'appelle gamin... Je me fais avoir à chaque fois.
- Que vas-tu faire aujourd'hui ? lui demande Fabienne.
- Ben, vu le temps, je sais pas trop. C'est gris et il pleut. Peut-être aller sur le Net pour des recherches sur mon... Ah oui au fait..."
Il lui raconte sa capture de l'insecte X la veille. À l'autre bout de la ligne sa femme n'en croit pas ses oreilles.
"Tu as réussi ? Tu m'étonneras toujours !
- Voilà pourquoi TU m'aimes.
- Tu me manques, dit Fabienne.
- Toi aussi tu me manques. Je t'aime."

Une fois l'appel terminé, il pose son téléphone portable sur la table de cuisine et va dans le salon. Il appuie sur le bouton d'ouverture des volets pour éclairer la pièce, allume le téléviseur, cherche la chaîne météo et écoute les prévisions :
"...32° dans le sud-ouest. L'anticyclone protège la région. Quelques petites pluies éparses signalées vers... "
"Sans blague..." répond plein d'ironie Philippe à la présentatrice. Il attrape la télécommande et change de canal pour mettre un peu de musique, puis, il se dirige vers la salle de bain.

Trente minutes plus tard, il est lavé, rasé, vêtu et parfumé.
"Tout beau, tout propre !" dit-il en revenant dans le living-room. Machinalement, il jette un œil sur l'aquarium toujours posé sur la table basse du salon. Il s'assoie dans le divan et se penche sur la petite prison de verre.
"Et comment se porte Monsieur X ce matin ? s'interroge-t-il à voix haute en cherchant l'animal. Mince il n'est plus là ! La cage de verre est vide ! Comment il a pu s'échapper ? J'ai moi-même contrôlé la ...".
Il s'empresse d'ouvrir l'aquarium. Surpris, il lâche un juron : la bestiole s'était plaquée contre le couvercle et, dès que le toit de sa prison a été enlevé, elle s'envole bruyamment en volant dans tous les sens. Philippe se lève et essaie de voir où elle va. Apparemment, elle cherche la sortie. La bestiole repère bien vite la fenêtre de la cuisine entrouverte. Fifi arrive au moment où l'insecte sort de la maison.
"Quel con... Pourquoi j'ai laissé ouvert ?" Il arrive à le suivre des yeux et voit l'insecte se diriger vers le vieux puits.
Bien décidé à ne pas le laisser lui échapper et malgré le crachin désagréable, il sort de la maison et se rend dans le garage. Il prend l'équipement d'apiculteur et un pied de biche.
Cependant, avant de faire quoi que ce soit, il retourne dans la maison et téléphone à son épouse pour la tenir au courant de ce qu'il a l'intention de faire.
"Tu me fais peur tu sais ? lui dit Fabienne.
- T'inquiètes, je maîtrise.
- Justement, c'est cela qui me fait peur !
- Pas de soucis, promis. Je t'aime."
Il raccroche et range son téléphone dans la poche de son jean. Puis, il sort de la maison et ferme la porte à clé.