Pauvre Beau

6 0 0
                                    

Il a fallu un moment à Mireille Trudeau pour décrocher. Trine Monet était même sur le point d'éteindre son téléphone portable et de le remettre dans sa poche. Puis quelqu'un à l'autre bout du fil a répondu :

"Bonjour, oui? Quelles nouvelles, Trine ?"

"Dis-moi, Mireille, tu as acheté ce tailleur-pantalon sur le site d'Unigro ?"

"Non, je pensais le commander, mais je ne l'ai pas fait. Le tissu est de qualité inférieure, tu sais... Je vais faire un tour dans les meilleures boutiques à Namur le week-end prochain. T'es-tu souvenu de l'anniversaire de mes jumelles, Trine ?"

"Bien sûr, ne te tracasse pas. Je ferai leur gâteau d'anniversaire à temps. Et ton mari? Comment va son asthme ? Et Albert n'a-t-il pas dû passer pour un nouveau contrôle pour son problème de dos ? Ont-ils augmenté son taux d'invalidité ?"

"Il a toujours ses crises d'asthme, mais elles sont juste plus espacées qu'avant. Et oui, Albert est tombé sur un bon médecin de contrôle, une femme. Elle l'a examiné minutieusement et lui a accordé une augmentation de 10 pour cent de son invalidité en raison de son mal de dos. Il est maintenant à trente-cinq pour cent. Cela signifie une augmentation importante pour son allocation d'invalidité. J'estime qu'il aura, en tout, à peu près 660 euros par mois."

"Wow, c'est beaucoup! Je suis contente pour toi."

Pourquoi ce "wow" était-il sorti de sa bouche d'un ton si jaloux, s'est demandé Trine, et quel était ce sentiment soudain de tristesse ? Mais elle a essayé de le cacher à Mireille:

"Eh bien, je suis heureuse pour toi et Albert. Fais notre bonjour à Albert et félicite-le d'avoir vu augmenter son allocation aux personnes handicapées."

En fait, cette dernière remarque était un peu blessante, mais Trine savait que Mireille n'était pas particulièrement susceptible. Elle a raccroché avec un sentiment croissant de mécontentement.

"Trine, chérie..." De la cuisine, son mari Beau lui a envoyé un baiser sur le bout des doigts et lui a souri, montrant ses dents parfaitement blanches, comme dans une publicité de dentifrice Colgate. Il venait d'enlever son short de tennis et de mettre son survêtement de jogging à la place.

"Je sors, ma chérie, encore cinq ou six kilomètres de jogging le long de la Meuse. Jusqu'à l'écluse de Hun, et puis je fais demi-tour."

"Oui, vas-y, Beau. Sois prudent. Ne glisse pas, et ne tombe pas dans l'eau."

Trine est partie à la recherche d'un mouchoir parce qu'elle savait que la boule dans sa gorge allait bientôt se transformer en larmes amères. Elle a regardé Beau par la fenêtre, Dès qu'il était sorti de la maison, il faisait déjà quelques sauts pour échauffer ses muscles avant sa course. La course à pied, oui, parce qu'il ne faisait pas de jogging. Trine savait que Beau avait un rêve qu'il ne pourrait jamais réaliser : une fois dans sa vie, il voulait participer au marathon de New York. Si jamais cela devenait possible par miracle, Beau voulait être prêt.

Trine l'a regardé de toute son attention, protégeant ses yeux du soleil de sa main ouverte, plissant les paupières pour mieux voir son mari. Vraiment, en ce qui concernait l'apparence de Beau, Trine n'aurait pas pu être mieux lotie. C' était un vrai Adonis, et elle était mariée avec lui. Beau Duchard avait l'air désespérément jeune pour son âge, beau et en bonne santé. Au lit, il était aussi un champion. Trine a sagement gardé la bouche fermée sur ce qu'il faisait là pour ne pas éveiller de jalousie inutile parmi ses amies. Au fil du temps, Beau avait eu avec elle trois beaux enfants, deux filles et un garçon. Ils portaient leur père sur leurs mains...

Chaque jour à cinq heures de l'après-midi, Beau Duchard pointait avec impatience sa carte dans l'horloge de l'usine de tuyaux IMBECO S.A. dans le zoning industriel à Sorinnes. Moins d'une demi-heure plus tard, il était déjà sur un court de tennis du Royal Racket Club à Wépion où il tentait de ne pas rater un seul coup. C'est ce qu'il a réussi à faire très souvent, plus souvent que le joueur de tennis moyen du Racket Club. L'idole de ses amis au tennis, c'était Beau, alors qu'il courait et sautait sur les courts, pendant que les dames qui le regardaient jetaient un coup d'œil avide aux muscles comparables à ceux d'un ancien lanceur de disque grec.

Pauvre Beauजहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें