Berceuse oubliée (1)

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Dreamcatcher

« Sur ton lit la lune pose
Ses rayons d'argent
Quand s'apaisent gens et choses
Dors mon tout petit enfant »

Ces paroles sortirent de mes lèvres comme si je n'avais été qu'une misérable boîte à musique dont on aurait tourné la manivelle, encore et encore. Dans les rues froides du Nord de la France, la pleine Lune, unique compagne de mes nuits, me narguait de toute sa hauteur. Je me demandai alors si elle aussi aimait écouter les vieilles berceuses du Moyen-Âge une fois levée. Une buée vaporeuse s'échappa de mon soupir, se dissipant dans les vents qui n'avaient pas d'heure pour s'arrêter de jouer à trappe-trappe. Un frisson me parcourut sans pour autant qu'il me dérange, le froid est après tout mon quotidien, même dans les déserts les plus chaud de l'enfer, il reste présent, me gelant jusqu'au plus profond de mes membres. C'est désagréable au début, mais on finit par s'y habituer, surtout quand la haine et la rancoeur finisse par être nôtre principal carburant.

Quelques éclats de rire me firent tourner la tête. Hélas, les rues de France étaient loin d'être désertes, même à des heures tardives proche de minuit, on pouvait toujours trouver quelques mortels qui, insouciants s'amusaient à longer les longs corridors de pavés. Je fis quelques pas en arrière, me réfugiant dans l'ombre d'un vieil immeuble qui semblait être une vielle papeterie abandonné. Je ne me sentais pas la force d'affronter le regard inquiet de quelques humains qui possédaient le don de m'horripiler. Ils avancèrent encore afin de traverser la ruelle, leurs ombres y recouvraient la quasi totalité.

« ...la prochaine fois je te conseil d'éviter de boire autant, rigola l'unique fille du trio qui s'avançait, tu es vraiment insupportable quand t'es saoul.
—Arrete je suis pas saoul ! Pas du tout même ! Et après c'est parce que j'ai bu les verres de Damien, c'est lui le fautif.
—Comme d'habitude je présume » soupira l'intéressé.

Il continua en baissant la voix afin de ne pas être entendu.
« N'empêche, on ferait mieux d'y aller, les gens qui traînent dans ses rues ne me disent rien qui vaille. »

Tu t'es vu merdeux ? Surtout que t'en fais partie je te le rappel.
Il était évident que ce jeune homme m'avait repéré. Le rapide regard inquisiteur, que je ne vis pas très bien certes, mais que je n'eus aucun mal à entendre dans son ton et dans sa façon de se retourner furtivement, ne manqua pas de m'énerver. Sans prévenir alors, les picotements me démangèrent le bout des doigts. Faibles au début, cela en devint insupportable. Je plaquai mes mains froides sur le mur afin de gratter la pierre.

« Mais ton père est brave et rude
C'est un vieux soldat
Fais dodo sans inquiétude
Mais ne tremble pas »

Même la berceuse que je chantonnais commençait à se briser, ou bien serait-ce mon être qui manquerait d'air ? Mes démangeaisons se faisaient de plus en plus fortes, se diffusant le long de mes bras pour atteindre ma poitrine. Je haïssais cette sensation, et encore, cela était un euphémisme. Je lançai de nouveau un regard vers le groupe d'humain, mais ce ne furent pas eux que mes yeux rencontrèrent. A la place se trouvait un jeune homme également, mais un peu plus petit que les trois autres, ses cheveux noirs en épies faisaient ressortir ses yeux sombres écarlates. Ses yeux qui m'étais insupportable de regarder. Un éclair de lucidité me souffla que ce n'était qu'une simple illusion, que devant moi se trouvaient que les pauvres misérables humains qui commençaient à s'éloigner. Mais bon, je n'ai jamais été trop connu pour écouter cette chose qui me servait de raison, surtout que ce n'est pas elle qui allait faire cesser mes démangeaisons. Un sourire mauvais passa donc sur mes lèvres.La pleine Lune continuait de me regarder, se préparant à être témoin une fois de plus d'une véritable boucherie.

Les chroniques de Faucheurs Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon