Chapitre 1

19 3 7
                                    


« Ce qui est macabre dans la mort, ce n'est pas la séparation du corps et de l'esprit, c'est ce qui reste. Une sombre copie inerte, impuissante, exposée à la vue de tous les curieux. »

Dielle Doran

Un mois auparavant...

Thosel et moi progressions dans la forêt à pas de loup, affamés. Mon ventre gargouillait et il faisait noir, mais nous n'avions pas encore attrapé assez d'animaux pour revenir au palais. À l'approche de l'hiver, la plupart de nos proies faisaient leur provision et hibernaient jusqu'au printemps suivant. Il n'y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent... et le peu d'animaux que l'on trouvait n'avait que la peau sur les os.

Nous étions pourtant obligés de chasser, malgré la faim, le froid et la fatigue. Le roi avait décrété que nous ne rentrerions pas avant d'avoir rapporté assez de gibier pour le marché, qui avait lieu demain.

— Je pense qu'on devrait tenter du côté de la forêt des Tremblants, fit mon compagnon après plusieurs minutes de silence.

Je le regardai, interdite. Avais-je bien compris ? Souhaitait-il réellement se rendre dans la forêt la plus dangereuse de notre territoire ? Il reprit la parole avant que je n'aie le temps d'en placer une.

— Le peuple compte sur nous pour leur ramener à manger, et je ne sais pas pour toi, mais j'aimerai bien me remplir l'estomac. Les animaux ont l'habitude d'être pourchassés ici, ils savent très bien qu'au moindre bruit inhabituel, ils doivent détaler. Personne ne va dans la forêt des Tremblants, alors je suis sûr qu'il doit encore y avoir de la viande là-bas !

— Tu oublies que ce sont les terres des Tremblants. S'ils nous y prennent, nous sommes morts !

— Ils ont autant peur de nous, que nous d'eux. Ils savent très bien que notre roi n'attend qu'une chose, c'est d'avoir une raison de les attaquer, me fit-il remarquer. Ce n'est pas parce que nous leur permettons de chasser sur ces terres, que nous n'y avons plus du tout accès.

Je soupesai le pour et le contre. Ces créatures faisaient partie des contes que l'on nous racontait, petits. Vous savez, ces méchants qui viennent kidnapper les enfants qui n'obéissent pas à leurs parents ? La seule différence avec les contes normaux, c'est que ce n'était pas un mythe. Ils existaient réellement, et ils s'en étaient déjà pris à nous par le passé.

En réalité, nos deux peuples étaient en guerre depuis la nuit des temps. Un massacre abominable avait conduit à la signature d'un traité de paix, vingt ans auparavant. Je n'avais que cinq ans à l'époque, mais je m'en souvenais comme si c'était hier.

Depuis, nos tensions s'étaient apaisées et nous avions presque des relations amicales. Presque, parce que ce n'était qu'une façade. En réalité, le traité était encore bien trop frais dans nos têtes : des deux côtés, nous avions un sentiment de guerre inachevée. Varae, notre roi, montait et surentraînait son armée en attendant le jour où nous devrons reprendre les armes contre eux. Et les Tremblants devaient sûrement en faire de même...

Deux peuples aussi différents ne pouvaient pas cohabiter. L'un vivait à la surface, dans un palais entouré de forêts et de villages à perte de vue. L'autre avait établi ses quartiers dans des Tunnels sous-terrain. Le traité leur avait permis de bénéficier d'un de nos bois pour se substanter, mais une légende racontait qu'ils se nourrissaient surtout de vers de terre. Peut-être que cela expliquait pourquoi ils étaient si maigres et leurs peaux si pâles, presque bleues.

La plus grosse différence entre nos deux peuples était le fait qu'ils pratiquaient la magie noire. Contrairement à nous, où seuls les soldats et les rois étaient dotés de pouvoirs magiques, chaque Tremblant pratiquait une forme sombre de magie. À tout moment, ils pouvaient décimer notre peuple entier sans même avoir besoin de l'accord de leur roi.

Raven (T1) - A PARAÎTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant