Le Royaume De Hel

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L’engouement des Schtroumpfs envers les Champignons magiques

Tu te regardes dans le miroir.

Tout autour de toi, il y a les murs crasses des toilettes de la brasserie. Tu viens tout juste de vomir. Tu voulais saouler ta peine, l'enterrer sous les rives de la boisson.

Tu as échoué.

Tu te passes la main sur ton visage blême avant de prendre ton manteau et sortir. Le propriétaire du pub te regarde. Il semble méfiant, inconfortable face à cette image de toi.

Tu l'ignores.

Tu pousses la porte et tu te retrouves devant une agglomération d’appartements gris et de commerces tout aussi laids. Cette vision qui s’étend devant toi t’évoque étrangement la décadence poétique et la fantasmagorie éclectique des temps modernes.

Fast-foods, stripclubs, bars et boulevards indécents s’entremêlent les uns par-dessus les autres en recréant quasiment l’image d’une orgie sauvage. À ta gauche, un vaste réseau de raffinerie pétrolière. À ta droite, une route interminable qui semble s'enfoncer à même la neige qui tombe du ciel.

Tu sors ton cellulaire et appelles chez toi. Pourquoi? Tu ne le sais pas. Tu le fais et c'est tout. C'est comme un automatisme qui t'a pris. Ta fille décroche. Tu lui dis que tu n'as pas le goût de cuisiner. Elle ne te dit rien, ne répond pas. Tu l'invites à aller manger au resto italien au bas de la rue. Tu lui dis que tu t'en viens.

Tu lui raccroches la ligne au nez avant même qu'elle n'ait le temps de te répondre. Tu remontes le col de ton manteau avant de t'enfoncer dans le nuage de flocons blanc qui tourbillonne autour de toi telle une spirale démentielle dans laquelle tu serais en train de tomber.

Foutu hiver!

Tu tournes à peine le coin pour remonter la rue jusqu’à chez toi que, déjà, tu aperçois toute la misère, toute la laideur qui ronge les lieux.

Les ruelles, les rues, les gens. Tout ici est laid!

Les maisons sont les pires. Elles sont toutes dépravées. Toutes, sans exception, sont des HLM. Même le tien.

Ici règne la laideur en maître, en roi, en dieu.

Et moi je vis dans cette misère là depuis beaucoup trop longtemps.

À côté de toi, tu vois un jardin. Plutôt ce qu’il en reste. Quelques branches réussissent péniblement à passer sous l’épaisse couche de neige. L’été, à cet endroit, c’est joli. Maintenant c’est plus que quelques branches tordues qui ressortent en espérant avoir ici un brin de soleil.

Ne savent-elles pas qu’ici, personne n’a de soleil?

Le paysage tout autour n’est rien d’autre qu’une nature morte, rigide, stoïque. Une personne normale essaierait de voir le bon côté, essaierait d’y voir une trace de beauté. Pourtant, toi tu ne ressens rien.

C’est laid et ça va le rester.

Même les arbres sur les trottoirs ont l’air morts sous ton regard de glace. Toute la nature – tout le quartier – semble morte!

D’autres HLM à ta gauche. Grands blocs de petits appartements abritant des exilés sans maison, des réfugiés d’ailleurs, des étrangers dans un autre pays qui leur est, à eux-mêmes, étranger.