Deuxième partie

Depuis le début
                                    

Silencieusement, Laurio acquiesça. Léonora soupira, ennuyée qu'il préférât aider les autres plutôt que l'accompagner vagabonder sur ses terres. C'était égoïste, mais n'était-elle pas la reine ?

« Tu sais bien que je t'accompagnerai si tu me l'ordonnes, précisa-t-il finalement en prenant place à côté d'elle.

– J'aurais préféré que tu le choisisses. »

Elle marmonnait, bougonne. Ha, ne s'était-elle pas dit qu'elle ne se permettrait pas de caprices ? Avec son vassal, son époux, c'était différent toutefois. Elle l'aimait plus que tout au monde.

« Tu veux trop me monopoliser, Léo. »

Son ton était léger, il plaisantait. Léonora, elle, non. Parce qu'elle voulait vraiment le monopoliser. Et, dans le même temps, elle ne se sentait pas capable de l'enfermer dans ses préjugés.

Elle soupira, laissa choir sa tête sur son épaule et ferma les yeux. Aussitôt, la jeune femme sentit les doigts de son époux se glisser sur les siens, s'entremêlant avec douceur. Un léger sourire étira ses lèvres, apaisée. Elle n'imaginait pas sa vie sans lui. Elle allait régner et, évidemment, il serait là avec elle pour régner à ses côtés.

Leur première nuit sur Deldya fut à l'image de leur relation : tendre, calme, tranquille. Léonora s'endormit dans les bras de Laurio sans difficultés, à l'aise dans ses bras si délicats. Elle s'y sentait en sécurité, sereine. Il n'y avait pas de meilleur endroit au monde, elle le savait.

Le lendemain, quand elle quitta Nativia avec quelques-uns des siens, elle avait le cœur léger et le sourire aux lèvres. Son époux resta auprès de ceux qui ne pouvaient encore voyager, pour diverses raisons, comme la maladie, la fatigue, ou même la peur. Laurio les rassurerait, les protègerait ; Léonora savait que là était sa place, mais elle ne pouvait s'empêcher d'être triste de ne pas faire sa première exploration en sa compagnie.

Heureusement, elle pouvait compter sur la présence de ses camarades pour chasser sa peine. Edhel Aslan, Gethin Feardocha, Milhrod Meirh, Nevena Ragnhild... Ses plus fidèles compagnons, ses plus vieux amis. Qui, comme elle, rêvaient de ce monde où ils allaient régner. Un monde coloré, immense, qui n'attendait qu'à être découvert sous toutes ses facettes.

De vastes plaines, parées de fleurs de toutes les nuances, parfois cachées entre les herbes, parfois vaillantes au pied d'arbres esseulés. Léonora en décrivit quelques-unes dans un carnet, tandis que Nevena s'arrêta plus longuement pour les dessiner et laissa des commentaires sur les quelques comportements qu'elle avait observés. Edhel chassa un oiseau, plutôt petit et léger, brun et crème avec quelques plumes rouges sur la tête et la queue. Puis un autre, de la même espèce : ils picoraient dans la terre en groupe et ne fuyaient que lorsque
les chasseurs en tuaient un. S'ils ne les effrayaient pas, ces volatiles se laissaient approcher, pas le moins du monde apeurés par les bipèdes qu'étaient Léonora et les siens. C'était un signe évident qu'ils en connaissaient d'autres.

Ils mangèrent – quelle joie de manger autre chose que du poisson ! –, puis continuèrent leur chemin. Vers l'est, où au loin de hauts pics perçaient l'horizon jusqu'au ciel. Des montagnes... Combien de temps les séparait-il encore de ces sommets incroyables ? Les montagnes nivéennes de Daemobia lui paraissaient désormais si minuscules. Un sourire satisfait fendit le visage de Léonora : son royaume serait plus majestueux que celui de Celys, par sa beauté, par sa grandeur.

Ils marchèrent quatre longs jours jusqu'à s'arrêter face à une grande étendue d'eau. Un lac, dont le bleu indigo lui rappelait celui des lacs du Vahok. Léonora s'avança jusqu'à la rive, seule, s'accroupit face à l'eau foncée dont les reflets violacés brillaient avec l'éclat du soleil. Elle leva les yeux pour observer la surface, pensive. Il n'était pas question de s'y aventurer, même en radeau : impossible de savoir ce qui se cachait sous ces eaux troubles.
Et si un monstre aquatique s'y tapissait, prêt à fondre sur la moindre chose qui aurait le malheur de se poser sur les vagues ?

Depuis les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant