3 - Romain

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Je profite de ma bonne humeur et de ma motivation soudaine pour me rendre au centre commercial. Ce lieu, je le déteste. Je ne sais pas cuisiner et, à chaque fois, je ressors le caddie plein de cochonneries ou de plats surgelés. C'est un fardeau de voir de la nourriture saine sans pouvoir y toucher. Je me suis déjà essayé à la confection de recettes simples, mais, rien à faire, c'est toujours plus mauvais que ça en a l'air.

J'ai horreur des grandes surfaces, les soirs de semaine. Tous les travailleurs viennent y réaliser leurs achats dans l'urgence. Les mères de famille courent dans les allées afin d'arriver à la maison avant l'heure du dîner. Le must ? L'attente interminable à la caisse. Les gens me font chier.

Je marche quelques minutes avant de trouver l'entrée. Cela grouille de partout, pire qu'une fourmilière. Quand j'atteins le hall, je suis déjà sur les nerfs. Je tente d'être stratégique : petits-déjeuners, plats préparés, boîtes de conserve, surgelés et déodorant. Le rêve, non ?

Je ronchonne à chaque rayon, m'efforçant de dégoter quelque chose d'original. Malheureusement pour moi, les recettes proposées sont toujours aussi peu ragoûtantes. Mes achats quasiment terminés, je file dans le secteur hygiène. J'attrape plusieurs marques et les compare. Quarante-huit heures de tenue. Anti-cartonnage. Pour les activités intenses. Pour les sportifs. Soixante-douze heures d'efficacité. Je suis un brin perdu entre toutes ces conneries et mets un temps fou à me décider. Lorsque j'ai enfin choisi, je repars en direction des caisses jusqu'à ce que quelque chose atterrisse sur ma godasse.

– Pardon Monsieur, excusez-moi. La boîte est tombée et...

Elle relève son petit minois vers moi et j'ai comme un coup au cœur. La blonde. Les deux grands yeux verts qui m'ont hypnotisé pendant mon cours. Cette nana a une aura incroyable. Je l'observe plus attentivement et m'aperçois qu'elle tient plusieurs emballages de préservatifs dans les mains. Ses joues rosissent instantanément. Quel plaisir de la revoir si tôt ! Son visage parfaitement symétrique ainsi que sa bouche rouge m'ont obsédé toute la journée.

Je tente de la détendre comme je peux.

– Tout va bien. Deux fois en l'espace de quelques heures, j'ai de la chance, j'ajoute, amusé.

Elle s'empourpre à nouveau et s'enfuit à toute allure sans rien répondre. Je souligne que les boîtes de capotes sont restées au sol, mais qu'elle a pris soin d'en emporter une avec elle. Cette nana a donc un petit ami. Au moins, les choses sont claires. Ce n'est pas comme si j'étais intéressé, seulement disons que si j'avais un autre statut, j'aurais pu tenter le coup. Son physique m'attire comme un foutu aimant.

Je rejoins la caisse bondée et constate qu'elle se trouve à côté de moi. J'admire sa taille menue et me prends à rêver des courbes que cache cette jolie robe bleu marine. Elle ne me voit pas, alors j'en profite pour la mater à ma guise. Quand vient mon tour, je secoue la tête et interromps le cours de mes pensées. Arrête Lemaire, ne songe pas à elle en ces termes, tu ne le peux pas.


C'est en arrivant chez moi que je remarque les nombreux appels en absence sur mon portable. Victoria, bien sûr, puis un numéro masqué qui n'a eu de cesse de me téléphoner depuis une demi-heure. Je range mes courses et recontacte ma sœur. L'inconnu attendra. Elle décroche au bout de trois sonneries.

– Alors frangin, je veux tout savoir. Comment s'est passée ta première journée ? Ça te plaît toujours autant ? Ils ont été sages ? Dis, ils sont combien ? Tu as dû faire de la discipline ? Tu étais dans un amphithéâtre ou une salle de cours ? Oh, tu as dû utiliser un micro ?

Je ne suis pas sûr que ma sœur ait eu le temps de respirer depuis le début de sa tirade, donc pour qu'elle ne manque pas d'oxygène —mon amour fraternel me perdra —, je la coupe.

Golden (Publié chez Butterfly Éditions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant