Oblivion

Le monstre

Jasper s'arrêta de respirer, il y avait quelqu'un dans la pièce, avec lui. La lumière vacilla puis se ralluma une seconde plus tard. Le vieil homme faillit défaillir en voyant une gigantesque ombre s'avançait vers lui. La '' chose '' ne possédait pas de visage défini, elle était très grande et habillé d'une cape noire. On ne discernait que deux yeux jaunes qui semblait sonder l'entièreté de l'âme de Jasper. 

- Qu'est ce que vous êtes ? dit Jasper la voix tremblante, les larmes aux yeux. 

C'était bien trop, lui qui avait vécu isolé de la civilisation durant toutes ces années ne supportait pas cette succession d'images toutes aussi terrifiantes les unes que les autres. 

- Je n'ai pas vraiment de nom. 

Le soixantenaire prit une longue inspiration, il tenta d'assembler ses idées. Son corps lui disait de hurler pour qu'on le détache, mais son cerveau lui conseillait de ne pas contrarier cet masse noire qui faisait deux fois sa taille et dont il ne connaissait pas la nature. 

- Qu'est ce que vous me voulez ?

- Je suis là pour t'aider à passer dans l'autre monde. 

- Mais je n'ai pas besoin d'aide, si vous voulez provoquer ma mort, allez y. J'attends ça depuis longtemps. 

- Ce n'est pas aussi simple que ça Jasper. Tu dois t'ouvrir à moi pour pouvoir partir. 

- Comment ça ? 

Jasper sentit sa respiration s'accélérait, il sentait la crise de panique qui rodait autour de lui, prête à le saisir à la gorge et le faire suffoquer. Il voulait partir d'ici plus que tout. 

- Tu vas devoir t'ouvrir à moi Jasper, me montrer qui tu es vraiment. J'ai rarement vu un esprit aussi fermé que le tien. Tu vas devoir me dire toutes les erreurs que tu as commise, sans rien omettre. 

Jasper hurla, il donna de violents coups pour se détacher de cette fichue chaise, mais ses liens semblaient se resserrer encore plus. Il ne voulait pas reparler de cette histoire, il ne voulait plus reparler d'elle. Elle était sa principale erreur, et en même temps son plus grand regret.

- Plus tu résisteras, plus cela sera long Jasper. 

- FERME LÁ ! hurla Jasper. 

La tonitruance de sa voix le surprit lui même. 

- Il te faut surement un électrochoc pour que tu me parles. Je ne suis ni ton allié, ni ton ennemi. 

Tout à coup, la pièce se modifia pour se transformer en un petit parc. L'odeur du printemps emplit les narines de Jasper. Il regarda avec horreur la verdure prendre place. Encore une fois, il savait ce qui allait se passer. Sa panique se démultiplia, encore plus que lorsque il avait vu sa mère se faire frapper quelques minutes auparavant. 

- Non, je vous en supplie, je ne veux plus jamais y penser, j'ai réussi à oublier, je ne veux pas la revoir. 

La Chose ne répondit pas, elle s'éloigna, hors du champ de vision du vieil homme. Et c'est là que Jasper l'aperçut, de dos. Ses longs cheveux blonds et sa robe bleue volant au rythme de la brise printanière. 

C'est alors que Jasper vit un jeune garçon, aux cheveux noirs et à la peau très pale assis en dessous d'un arbre une dizaine de mètre plus loin. C'est avec horreur qu'il réalisa que ce garçon, c'était lui, lorsqu'il avait 8 ans. Il vit l'enfant se lever et eut honte de sa maigreur et de sa tenue. Ses parents n'avaient jamais eut assez d'argent pour l'habiller correctement, et même si il l'avait eu, celui ci aurait surement été dilapidé dans de l'alcool et du tabac pour son père. La maigreur de Jasper lui avait collé à la peau toute sa vie, même à soixante ans passées. 

Le vieil homme fondit en larmes. Il avait compris comment la Chose faisait pour faire parler les mourants : en les mettant face à leur passé, de force. 

- Tu te reconnais ? demanda la Chose à Jasper. 

Le vieil homme laissait échapper des larmes silencieuses, il sentait sa gorge se resserrait comme un étau au fur et à mesure que le petit Jasper s'approchait de la petite fille. 

- Comment s'appelle la fille ? 

- Becky. 

La dénommée Becky se retourna lorsque le petit Jasper s'approcha. Leur conversation était inaudible aux oreilles de la Chose et de Jasper. Les deux enfants partirent ensemble tandis que la pièce redevenait neutre. 

- C'est ce jour là que tu l'as rencontré ? demanda la Chose

- Non... Je... Je l'a connaissais déjà, mais elle non. Je n'étais pas le genre de garçon que l'on remarquait, articula Jasper. 

La Chose acquiesça, satisfaite de la réponse. 

- Pourquoi tu as fais ça Jasper ? Pourquoi ne l'as tu pas laissé ? 

- Elle m'a abandonnée, je pouvais pas vivre sans elle, dit Jasper en fixant pour la première fois dans le yeux la Chose.