Le pique-nique

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~Solal~

— J'ai un truc à te dire, lâche Erell en venant se planter devant moi alors que la récrée vient à peine de commencer.

A ces mots, Samuel siffle et Adrien et Marius font mine de s'embrasser en essayant d'être discrets. Je lève les yeux au ciel et Lou-Ann frappe son petit ami pour qu'il se taise. C'est marrant que les filles se soutiennent toujours alors que les garçons font tout pour mettre leurs amis dans des situations gênantes. Solidarité féminine, apparemment. Je suis Erell en faisant comme si je n'entendais pas les bruits étranges qui sortent de leur bouche. En vérité, j'ai un peu peur de ce qu'elle va me dire. Comme toujours, j'ai envie de dire. Même si j'ai appris à apprécier Erell, il faut avouer que la plupart du temps, elle me terrorise.

— Alors, commence-t-elle en s'appuyant contre le tronc d'un arbre. Jeudi, la prof de SVT, et Dieu soit loué, est absente. Du coup, on a quatre heures pour manger et je me demandais si tu voulais qu'on mange ensemble, en dehors du lycée.

— Comment tu sais qu'elle est pas là ? je ne fais que relever, étonné.

— Si tu utilisais les réseaux sociaux, tu verrais que c'est indiqué sur Pronote.

Bien trop heureux de la nouvelle, je ne relève pas son reproche. Si j'étais Erell, je me mettrais à faire une danse de la joie. Depuis son comportement de l'exposé, je me suis mis à détester Madame Cilla. Elle se croit supérieure à nous et tout ce qui l'intéresse, c'est le programme et elle-même. J'aurais pu mourir en plein cours qu'elle aurait continué à faire passer les groupes au tableau.

— On croise les doigts évidemment pour qu'elle ait une maladie si terrible qu'elle doive rester dans son lit pendant un mois.

— Euh, t'es pas censée être chrétienne ?

— Pourquoi tu dis ça ?

— Ben, tu souhaites le malheur à ton prochain, t'as pas peur d'aller en Enfer ?

— Je m'en fiche, elle ne mérite pas que je veuille son bonheur.

Puis, voyant le sourire qui se dessine sur mes lèvres, elle ajoute :

— T'es con, franchement. Je croyais que t'étais sérieux.

Mais l'insulte n'est pas réelle parce qu'elle éclate de rire. Je ne peux rester de marbre et il nous faut quelques minutes avant de redevenir sérieux. Elle finit par me relancer sur le vrai sujet de discussion :

— T'es ok pour qu'on mange ensemble ?

— Je sais pas...je réponds, un peu gêné. Les gars ont peut-être prévu quelque chose.

— Ils savent pas encore qu'elle est pas là. T'es le premier informé. Avec un peu de chance, ils le sauront qu'une fois devant la salle, et on sera déjà loin.

Je comprends que mon excuse n'est pas acceptée, et j'essaye de trouver autre chose. L'appeler ou aller la voir sur un coup de tête est une chose, mais prévoir un rendez-vous, ça me paralyse. En plus, ça ressemble beaucoup à un date.

— Au pire, dis-leur qu'ils sont invités aussi, propose-t-elle en haussant les épaules.

Mes épaules s'affaissent à sa phrase et je n'arrive pas à comprendre ce qui me dérange. Cependant, le fait que ce soit plutôt un repas entre amis me soulage. Elle ne me voit que comme un ami.

— Non c'est bon, t'inquiète. Ça me va, je lui assure avec un sourire.

— Parfait alors, parce que tout était déjà planifié et ça m'aurait soûlé de tout modifier.

Nos sentiments voilésWhere stories live. Discover now