Chapitre 1 : l'arrivée

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Les rues étaient calmes, le temps plutôt doux avait donné des envies de promenade en centre-ville, voire même de voyage improvisé hors de la métropole. Personne ne remarqua, au détour d'une ruelle, le portail étrange qui perçait la structure de l'espace.

De l'autre côté, Mélusine vérifia que son « garde du corps », officieusement renommé « garde de son laboratoire », était absent. Chaque voyage avait un léger goût de fugue depuis qu'il était là. La jeune femme passa une main dans ses boucles roses qui prirent une teinte brune plus passe-partout. On ne savait jamais. Elle passa le portail et le referma derrière elle. C'était parti pour l'exploration.

Aux vues de l'environnement, elle était dans une époque plutôt moderne. Elle commença ses observations habituelles, se promenant dans la rue l'air de rien. Plus elle marchait, moins les rues semblaient modernes. Du croisement où elle se trouvait, elle pouvait apercevoir le centre dont le brouhaha lointain donnait l'impression que toute la ville ou presque s'y était réunie ; un cimetière bien plus loin à l'opposé dont certaines croix ressemblaient à un début de forêt... Et, encore plus loin, presque à l'horizon, une vieille arche de pierre semblant mener à des ruines...
Mélusine hésita, puis se dirigea vers le centre où elle se mêla à la foule, captant par-ci, par-là, des bribes de conversations, des informations concernant le lieu, l'époque et le mode de vie de l'endroit où elle avait atterri. Elle se rendit vite à l'évidence qu'elle se démarquait beaucoup trop avec ses vêtements d'époque victorienne pour continuer plus son exploration. La jeune femme s'éloigna dans une petite ruelle plus sombre et, se pensant seule, retira son long manteau et son serre taille pour les laisser sur une poubelle. Elle passera plus inaperçue en chemise, pantalon de cuir et bottes à talon malgré ses courbes généreuses qui attiraient un autre genre d'attention.


Elle n'avait pas remarqué qu'à peine plus loin, au tournant du dédale qui s'assombrissait, une silhouette patientait. Un homme imposant enveloppé d'une cape, pas vraiment moderne non plus, tentait de garder une respiration calme. Il avait été surpris par l'arrivée de cette inconnue, qu'il avait considérée comme n'importe quel autre habitant, et ne tenait pas à se montrer... Un écho de voix un peu fort le délogea et, d'un pas vif, il passa en doublant Mélusine, la tête baissée. La heurtant accidentellement et marmonnant un « désolé » à peine audible sans ralentir pour autant.
La jeune femme allait protester quand un bruit de verre et de métal attira son attention. Elle baissa les yeux et lâcha un juron en constatant que son appareil pour générer des portails, jusque-là accroché à sa ceinture, était tombé et s'était brisé dans la bousculade. Comment allait-elle rentrer maintenant ? Elle rassembla les morceaux tant bien que mal en réfléchissant à toute allure. Il fallait qu'elle en reconstruise un. Mais où trouver des pièces aussi rares ? Non. Les premières questions à se poser c'était plutôt : où aller ? Où dormir ? Comment se nourrir ? Comment survivre dans ce monde inconnu ? D'un seul coup, il lui paraissait bien moins accueillant ! Mélusine tenta de se raisonner. Elle avait grandi dans un univers presque similaire et pouvait pirater des appareils pour se procurer de l'argent et prendre une chambre d'hôtel. Elle était largement capable de se débrouiller...


Alors qu'elle pensait à tout cela, un homme passa au fond de la ruelle en chantant un air aviné. C'était probablement lui qui avait fait fuir l'étranger... Étranger qui n'était d'ailleurs pas parti bien loin car, d'ici, on pouvait le voir dans la ruelle d'en face. À nouveau isolé, il respirait calmement, vérifiant que sa capuche couvrait bien ses cheveux, puis sortit un papier de sa poche, répétant à voix basse les mots inscrits dessus. On aurait pu croire qu'il préparait un mauvais coup à tenter aussi maladroitement d'être discret. En y regardant bien, il serrait d'ailleurs un sac contre lui comme si c'était un bien précieux... La foule semblait l'inquiéter plus que de raison. Il put voir passer Mélusine qui fuyait également l'homme ivre. Elle ne voulait pas vraiment se retrouver avec ce genre de personne. En général l'alcool les rendait agressifs et/ou très entreprenants. Elle jeta un regard à la personne qui l'avait bousculée, se demandant ce qu'il pouvait bien préparer de louche. Ce lieu lui paraissait de moins en moins sûr. Elle n'était pas encore sortie de la ruelle lorsque l'inconnu s'effondra, main sur la poitrine, jugulant avec peine un cri de douleur. Au loin, une paire de clochers annonçaient qu'il était onze heures.

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