Prologue

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L'orage tonnait et des faisceaux lumineux intenses zébraient le ciel de larges lignes sinueuses. L'air était lourd et un violent déluge, tel de véritables cascades, déferlait sur la ville. Les innombrables gouttes s'écrasaient sur le sol dans un bruit sourd, tandis que le vent vrombissait, faisant claquer les volets mal fermés. La nature se déchaînait, comme si elle était consciente du drame imminent dont elle allait être témoin, impuissante. Les rues étaient désertes. Chacun s'était réfugié chez soi et nul n'osait braver la tempête à cette heure tardive.

Pourtant, une ombre surgit d'une ruelle étroite. Un homme, vêtu d'un blouson marron et d'un pantalon noir, courait à perdre haleine. Il s'arrêta sous l'abri d'un magasin, à l'affût, ne cessant de jeter des coups d'œil de part et d'autre. Son rythme cardiaque s'était tant emballé que sa poitrine devenait douloureuse. Ses yeux reflétaient la peur qui l'étreignait. Tous ses sens étaient sur le qui-vive et il récupérait difficilement son souffle.

Fouillant ses poches avec frénésie, il attrapa son téléphone et, malgré les tremblements de ses mains, parvint à le déverrouiller. À grand-peine, il réussit à composer un numéro, et dès que la personne au bout du fil décrocha, il hurla :

— Protège-la à ma place ! Je t'en supplie !

Soudain, un pas se fit entendre et sans avoir eu le temps de se retourner, il se retrouva plaqué à terre. Son portable se brisa dans un craquement sourd et sa tête heurta douloureusement le sol. Le goût métallique du sang envahit sa bouche. Il tenta de se dégager mais le poids de son assaillant, un garçon un peu plus jeune que lui, empêchait tous mouvements.

— Tiens, tiens. T'étais au téléphone ? Manque de bol, on dirait qu'il est cassé maintenant, ricana son agresseur d'une voix rauque, en desserrant légèrement l'étau qu'il exerçait sur son torse.

La victime choisit ce moment d'inattention pour asséner un coup de poing afin de se dégager. Le jeune garçon, surpris et déséquilibré, roula sur le côté. L'homme au blouson en profita immédiatement pour détaler. Il zigzaguait sur l'asphalte, les poumons en feu. Non seulement son mal de tête ne s'atténuait pas, mais la douleur devenait de plus en plus aiguë. N'arrivant plus à courir à cause des vertiges, il ralentit le pas et s'appuya contre un mur. Tout à coup, le rire strident de son poursuivant résonna, avant qu'il ne l'interpelle sur un ton menaçant :

— Où pensais-tu aller dans cet état ? Ce soir, tu t'en sortiras pas vivant !

— Tu nous as trahis ! T'as pas respecté le credo de la bande ! rétorqua l'autre, dans un dernier élan de courage.

Malheureusement, son agresseur ne semblait pas enclin à la discussion. Tel un être démoniaque, ses yeux étaient avides de violence. Il attrapa sa victime par le cou et la plaqua au mur. La respiration coupée, l'homme tenta de se débattre mais son malaise s'aggravait. Une douleur horrible irradiait de ses tympans et il frôlait la perte de connaissance.

— C'est pas drôle, t'essaies même pas de te défendre, ironisa l'assaillant. C'est terminé pour toi.

Il recula d'un pas, relâchant sa proie qui s'écroula le long du mur. Il attrapa alors le couteau caché dans sa veste et le brandit. La lame aiguisée scintilla à la lueur du lampadaire.

— On se retrouvera en enfer !

L'homme n'avait plus la force de parler, ses yeux étaient happés par les reflets de la lame d'acier. Sans lui laisser le temps de réagir, l'assassin asséna un coup sec à la poitrine. Sous la violence du geste, sa chair se déchira et il hurla de douleur. Portant machinalement la main vers sa blessure, il vit qu'elle dégoulinait de sang. Sa vision se brouilla et il émit un faible râle. 

L'agresseur fouilla le corps inerte et récupéra le portefeuille. Il afficha un rictus de satisfaction, puis s'éloigna en laissant la victime pour morte.

Au sol, l'homme ne sentait même plus la douleur. Ses membres étaient engourdis et il ne parvenait plus à bouger. Il ferma les yeux, prêt à sombrer dans le néant. La faucheuse était en route, prête à récupérer son âme. Soudain, dans ses souvenirs, une jeune fille aux longues boucles brunes et au sourire espiègle apparut.

À la vue de ce visage, une douce chaleur se diffusa dans tout son corps. Il l'aimait tellement, mais il regrettait de ne pas lui avoir avoué la vérité et de partir avec ses secrets qui le rongeaient depuis des mois. Il réussit à peine à entrouvrir la bouche, tant ses lèvres étaient sèches. Dans un dernier effort, il prononça un prénom, quasi inaudible :

— Emma...

Il ne pouvait pas l'abandonner, pas elle, il devait survivre à tout prix. Dans un effort surhumain, il se redressa, faisant appel à toute l'énergie encore présente dans son corps. Tout chavirait autour de lui, mais il luttait pour tenir bon, se soutenant à la façade des immeubles. Il devait rejoindre Emma, coûte que coûte, pour la prévenir. Il était mû par ce seul objectif qui le maintenait péniblement en vie.

L'homme blessé s'enfonçait dans les ruelles de la ville, jusqu'à n'être plus qu'une petite tache sombre qui s'estompait peu à peu.

Promis, cette fois je t'envoie en prison !Where stories live. Discover now