ENTRACTE

Scène 3

La scène est sur les marches du théâtre. ELIJAH est déjà présent.

Entre MAXIME.

MAXIME, en regardant sa montre — On est les premiers, on dirait.

ELIJAH — Oui.

Long silence.

MAXIME, en se raclant la gorge — On pourrait en profiter pour s'entraîner ?

ELIJAH, l'air agacé — Pour quoi faire ? On joue la même pièce tous les soirs, depuis lundi.

MAXIME — C'était juste une proposition... Laisse tomber.

ELIJAH, après une pause — Je m'excuse. J'aurais pas dû m'énerver. Nos déplacements m'épuisent et les nerfs commencent à craquer. Je suis pas habitué à un tel rythme.

MAXIME — C'est pas grave. C'était idiot de ma part de proposer ça, surtout après t'avoir vu jouer.

ELIJAH — Comment ça ?

MAXIME, en faisant de grands gestes — Quand je te vois, tu sais, j'ai l'impression que tu vis la scène comme si elle était réelle, que tu souffres comme Troïlus. Dans tes regards sur les planches, je lis la peine d'un amant abandonné par celle qui lui a tout promis. Tu te mets tellement dans la peau de ton personnage qu'on en perd la limite entre vos deux existences. J'en suis vraiment admirative. Mais c'est sûrement maladroit de ma part de dire ça.

ELIJAH — Je ne pense pas mériter autant d'éloges. Je ne fais que mon boulot.

MAXIME — Pas la peine d'être modeste, tout le monde ici sait que t'es un prodige. Ils t'appellent l'étoile en coulisses.

ELIJAH, en s'allumant une clope — Tu penses que c'est de la modestie ? C'est peut-être ce qu'ils disent, mais qu'en est-il de leurs véritables pensées. Dans un théâtre, tout est fait de faux semblants et de mensonges. J'y ai passé assez d'années pour le savoir.

MAXIME — Alors tu trouves que tu joues pas assez bien ?

ELIJAH — Ce n'est pas ce que j'ai dit. On a toujours tendance à se sous-estimer, je ne pense pas pouvoir poser un jugement honnête sur ma performance. Surtout sans la voir depuis les gradins. Par contre, je ne suis pas le seul à cerner mon personnage. Ton interprétation de Cressida a toujours été sincère.

MAXIME — Pourtant, je ne suis pas du tout d'accord avec ses choix et ses actions, ce qui me rend la tâche difficile. Je la trouve tellement égoïste. J'ai l'impression qu'elle ne sait pas ce qu'elle veut.

Entre JONAH.

ELIJAH — Je pense que tu ne te rends juste pas encore compte d'à quel point elle prend les bonnes décisions. Sur ce, je vais essayer de demander les clés au gardien.

Sort ELIJAH.

JONAH — Voilà de bien beaux mots pour s'en aller. De quoi vous parliez ?

MAXIME — De lui, de moi, de la vie. On est des artistes, quand même.

JONAH, en riant — Allez Max, dépêchons nous d'enflammer la scène.