J'ai fuis Milo, j'ai fuis l'amour qu'il a voulu me donner. J'ai fuis Ken et ses appels, ses messages, j'ai fuis tous mes amis qui essayaient de me joindre pour m'organiser une fête de départ. J'ai fuis en pensant que c'était par peur de blesser, alors que je ne voulais simplement pas me blesser moi-même.

J'ai tout fuis, sauf ce qui était hors de contrôle. Je ne pouvais plus me permettre de fuir, même l'aéroport qui se trouvait face à moi, celui qui s'approchait en me rappelant qu'une fois sur ma terre natale, j'allais devoir tout confronter.

- T'as hâte de rentrer ma puce ? Me demandait ma mère en me caressant les cheveux.

- Je sais pas.

Ici ou à la maison, dans les deux cas, je voudrais fuir.

- Tu peux toujours rester ici si tu veux, rigolait ma grand-mère qui détestait les au revoir.

- Maman.. Elle a école.

- Pas besoin d'un diplôme pour être pilote de ligne, demande à ton grand-père.

Papi me souriait dans le rétroviseur. Cette passion, je la lui devais amplement. Il l'avait eu avant moi.

- Je m'en fous, elle aura son bac comme tout le monde. Un point c'est tout.

- T'as ton mot à dire aussi Erica.

Ma mère soufflait, pressée de quitter cette voiture en regardant l'heure sur sa montre, un bijou que papa lui avait offert. Je savais qu'elle aurait aimé savoir prendre une décision toute seule. Mais être dépendante des autres, c'était ce qu'elle savait faire de mieux.

- Elle fera de grandes études, trancha ma mère une fois le frein à main abaissé. C'est ma décision également.

Je levais les yeux au ciel en détachant ma ceinture pour sortir du véhicule, et rejoindre mon grand-père vers le coffre pour attraper ma valise.

Je ne savais pas pourquoi, mais cet avenir me semblait si lointain. Il était proche pourtant, il m'attendait. Mais je ne m'y assimilait pas.

- Laisse, je vais la prendre, lui souriais-je.

Il refermait le coffre, et on se dirigeait vers l'entrée de l'aéroport en ayant pleine conscience qu'il fallait passer aux adieux. Je détestais les adieux.

- J'espère que toi t'as quand même passé un bon séjour mon ange, me prenait dans ses bras ma grand-mère en faisant référence à Ulysse.

- Toujours aussi bien quand ils sont avec toi, je plaisantais en passant mes bras autour du ventre rebondi du vieux qui me lançait ses yeux jaloux, et avec toi aussi, mais c'est pas une question qui se pose.

J'adorais mon grand-père, même si on se parlait beaucoup moins aujourd'hui, j'admirais sa simplicité et sa vision du monde si réaliste.

Ma mère enlaçait à son tour ses parents pendant un long moment, et versait quelques larmes comme toujours. Sa sensibilité avait toujours raison d'elle, elle avait pleuré également la fois où Ulysse avait pleuré.

Mais je n'ai jamais su pourquoi.

- Comment il fait froid le soir ici..

Je souriais légèrement en regardant par la fenêtre ouverte du taxi la ville éclairée à la lumière jaune des réverbères. Mes yeux délaissaient à gauche le pont de pierre de Notre-Dame et les trois ponts suspendus vers le Boulevard Saint-Michel qu'il fallait remonter pour rentrer à la maison. Deux petites semaines loin de ce fleuve qui coulait lentement, et la chaleur parisienne m'avait déjà manqué. L'été, même le soir, les rues se remplissaient au fur et à mesure que l'horloge tournait. Vers trois-heures du matin, il n'y avait plus un chat, comme si un astéroïde venait de s'écraser sur la ville et qu'il ne restait plus que quelques survivants qui rôdaient, solitaires, toujours une mine un peu triste, en se demandant ce qu'il ne tournait pas rond sur cette planète.

- Papa m'invite au Touquet pour la fin des vacances.

- Cool, répondis-je en grinçant des dents.

- On partirait demain ou après-demain.

- Ok.

Je n'avais aucun désir de continuer la conversation. Juste d'arriver chez moi, jeter mon sac sur le sol et retrouver mes chats.

En passant sur ce boulevard, les souvenirs de Ken et moi me percutèrent comme si l'Italie n'avait jamais existé. Pourtant elle y était encore bien présente dans mon cœur, même si je refusais d'y croire depuis maintenant plusieurs jours.

J'avais eu le temps de tout remettre en question, surtout moi. J'avais voulu d'un garçon qui me comprenait, sans vraiment savoir pourquoi.

J'avais surtout voulu tout ce qui n'existait pas, l'intangible et l'inaccessible, l'imaginaire et l'indisponible.

- Oui, juste ici. C'est cet immeuble, ma mère pointait le bâtiment au chauffeur de taxi en sortant son porte-monnaie. C'est toujours un peu bizarre quand on revient, tu trouves pas ?

- Un peu.

J'ouvrais la portière de la voiture en remettant correctement la bretelle de mon débardeur, et en relevant les yeux vers la ruelle abritée sous les arbres, je vis une silhouette passagère qui m'était plus que familière.

- Maman ? J'ai oublié de te demander, je peux aller dîner avec Jeanne et Salomé ce soir ?

Je ne quittais pas la silhouette des yeux en peignant un sourire de blues sur mon visage. Les mauvais souvenirs du jardin d'à côté, de cette rue maussade qui pourtant était si belle à vue des touristes avaient comme disparu lorsqu'il était dans ma lucarne.

Mon soleil.

- Ton père nous attend pour le dîner. T'iras les voir demain.

Je soufflais en faisant rouler ma valise pendant que ma mère tendait deux billets au chauffeur. Je le saluais en le remerciant, et rejoignais ma porte d'entrée en tapant le code mollement, suivie de ma mère qui me suivait lentement sur ses hauts talons.

- Bon, vas-y. Mais rentre pas trop tard ma puce. Vingt-trois heures maximum, elle me laissait une trace de rouge à lèvres rouge sur la joue, sa marque de fabrique que je quémandais quand j'étais petite. Elle attrapa ma valise et glissait dans ma main son étui de rouge à lèvres, et refermait la lourde pote de l'immeuble directement sur mon nez.

Je restais interdite devant celle-ci, sans trop chercher à comprendre pendant de longues secondes, avant de trottiner sur le goudron à la recherche de ma silhouette.

- Désolé, j'ai du me cacher j'ai cru qu'ta mère m'avait vu. Surprise, chuchotait une voix rieuse dans mon dos en posant ses mains sur mes hanches.

- Surprise, je rétorquais en entourant mes bras autour de son cou, et mes lèvres sur les siennes.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now