Chapitre 10

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J'étais de nouveau enfermée. Dans une nouvelle cellule certes, enfoncée encore plus profondément dans les tréfonds du bâtiment, mais enfermée tout de même.

J'étais de retour à la case départ.

Dans la cellule voisine à la mienne – qui cette fois-ci était occupée – quelqu'un marmonnait, murmurait à voix basse des suites de phrases incompréhensibles. Mais c'était à peine si je les entendais.

Roulée en boule dans mon coin, je ne parvenais pas à m'extirper de cette église où mon esprit était resté enfermé. Je revoyais tous ces regards me contempler avec horreur, je sentais cette odeur de bacon grillé qui me révulsait l'estomac, j'entendais les hurlements du prêtre qui m'horrifiaient toujours autant. Une phrase, une accusation, tournait en boucle dans ma tête. C'était ma faute.

Tout ça était ma faute.

Qu'allait-il m'arriver à présent ? Je n'étais pas assez naïve pour espérer qu'on me laisse partir tranquillement après ça. Honnêtement, je ne savais même pas si j'en avais envie. Cette question qui résonnait dans ma tête depuis mon cauchemar de ce matin était à présent devenu une certitude. Je méritais d'être là. La seule chose que je regrettais, c'était de ne pas pouvoir venir en aide à mon frère et ma mère. Car même si je prévenais les soldats de la situation délicate dans laquelle ils se trouvaient, même si je les suppliais à genoux d'aller les sauver, ils ne m'écouteraient certainement pas. Je revoyais leurs regards chargés de mépris.

Non, ils ne tendraient pas l'oreille un seul instant.

Mon épaule me lançait. Des cloques étaient apparues là où la main du prêtre l'avait enserrée. S'il était parvenu à me bruler au simple contact de sa main, je ne pouvais imaginer l'état de son bras. J'ignorais totalement la façon dont je m'y étais prise pour le blesser de la sorte.

Cette chose en était la cause, aucun doute là-dessus. Pourtant, je n'avais pas senti cette chaleur aux creux de mon estomac et n'avais pas non plus éprouvé de peur ou de colère susceptible d'entraîner sa manifestation. Mais peut-être que je faisais fausse route depuis le début. Peut-être que cette sensation au fond de mon ventre n'avait rien à voir avec cette chose et que mes émotions n'étaient pas la clé pour la déclencher, comme je le croyais.

Dans la cellule d'à côté, un ricanement me donna des frissons et fut bien vite suivi par de nouveaux marmonnements incessants. Dans combien de temps perdrai-je la raison comme le prisonnier d'à côté ? Certainement rapidement, vu comment la situation évoluait. Déjà, je me sentais sur le point de craquer. Tout s'était enchainé tellement vite que je ne parvenais plus à suivre la cadence. D'abord, cet homme étrange qui s'était introduit chez moi. Ensuite mon arrivée subite dans cette forêt que je ne parvenais toujours pas à expliquer. La crainte permanente qu'il soit arrivé malheur à mes proches. Cette soldate qui m'avait jetée ici. Et maintenant ce procès qui avait tourné au désastre.

Jusqu'à présent je m'efforçais de rester calme et réfléchie. Mais maintenant que je savais que je ne sortirai peut-être jamais d'ici, je ne parvenais plus à repousser toute cette panique et ce déboussolement. Par quel moyen avais-je atterris ici ? Quel était vraiment cet endroit ? Je ne parvenais plus à faire taire ces interrogations. Et m'étant vu confisquer la lettre de ma tante, je n'avais plus aucun moyen d'y répondre. Me savoir si ignorante, si impuissante, me faisait monter des larmes de colère et de frustration. Et malgré tous mes efforts, je ne parvins pas à retenir mes sanglots.

« Eh bien, ça n'a pas l'air d'aller fort par ici. »

Je sursautai et me redressai d'un bond.

« Oh, excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. » 

Mon cœur rata une nouvelle fois un battement et je dirigeai mon regard vers ma droite, là où se trouvait un mur de pierre donnant sur la cellule voisine - non pas celle d'où provenaient les murmures mais l'autre. J'essuyai distraitement mes larmes en contemplant la pierre grise. Il y avait quelqu'un. Quelqu'un qui semblait avoir toute sa santé mentale.

Lost in Another WorldWhere stories live. Discover now