Les Liens du sang - Partie 1

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Le soleil brillait haut dans le ciel, ses rayons faisaient scintiller le blanc manteau de neige. Un rouge-gorge se posa sur la branche nue d'un arbre. Au milieu de la forêt de tombes, une silhouette se tenait immobile, sa sombre morosité contrastant avec la pâleur scintillante de la neige.

Elle leva la tête et observa le petit oiseau au plumage flamboyant. L'oiseau la regarda longuement, mais ne parvint pas à lui tirer même l'esquisse d'un sourire. Alors il s'envola.

La silhouette commençait à avoir sérieusement froid. Sa robe et sa cape en laine avaient beau être épaisses, elles n'étaient pas adaptées à une immobilité prolongée dans le froid de l'hiver. Mais peu importaient ses doigts de pied gelés dans ses chaussures, la jeune femme n'arrivait pas à se décider à rentrer. Elle ne savait combien de temps elle était restée là, contemplant la tombe de son père.

Elle n'avait pas eu le temps de réaliser, pas encore. Sa tête était vide, les seules choses qu'elle ressentait étaient le froid qui s'infiltrait dans chaque parcelle de sa peau et le poids de son corps fatigué.

Une voix troubla soudain le silence des morts:

- Lizzie ? Viens, il faut rentrer, tu es transie de froid.

C'était la voix de Thomas, son fiancé. Il s'approchait à grand pas et, quand il arriva à son niveau, il lui prit doucement le bras pour la tirer vers la sortie du cimetière. Son visage exprimait une sincère inquiétude et il était manifestement lui aussi gelé jusqu'aux os.

Élisabeth s'en voulut de l'avoir fait attendre dehors trop longtemps, mais ce sentiment disparut bien vite, englouti par le vide qui l'habitait. Elle se laissa traîner jusque chez elle, où sa tante l'accueillit avec une bonne couche de couvertures et un bol de soupe fumant.

Quand le froid l'eut quitté, elle finit d'empaqueter ses affaires. Puis, elle se déplaça dans l'appartement comme un fantôme sombre, observant avec tristesse les meubles recouverts de draps blancs et les souvenirs de son enfance rangés dans des malles.

Dans un coin, elle remarqua un grand rectangle appuyé contre un mur. Elle souleva le drap qui le recouvrait et découvrit un tableau. Elle le reconnut immédiatement. C'était le tableau accroché dans la pièce à vivre, il représentait une famille, son père, sa mère et elle, quand ils étaient encore ensemble, heureux. Sa mère les avaient quittés quand elle avait six ans, et maintenant c'était au tour de son père. Elle se retrouvait seule, orpheline.

Perdue.

Elle aurait bien voulu rester dans son foyer, mais il était évidemment hors de question pour sa tante qu'elle habite seule, même si cela était temporaire.

Elle partirait donc le lendemain pour l'hôtel particulier de son oncle, où elle habiterait jusqu'à son mariage. Puis, Thomas et elle s'installeraient dans cette même maison qu'elle quittait, cette maison qui renfermait tous ses souvenirs d'enfance.

***

Un silence pesant régnait dans la salle à manger, seulement troublé par le raclement des couverts contre les assiettes. Élisabeth lorgnait la sienne, sans pouvoir se résoudre à y toucher. Elle avait perdu tout appétit et, si sa tante ne l'avait forcée à manger avec obstination, elle se serait sûrement laissée mourir de faim.

En face d'elle, cette dernière la regardait avec des yeux contrits. La blancheur de sa perruque contrastait avec sa robe de deuil, sombre et austère.

- Ma chère, faites un effort pour manger, dit-elle doucement, comme si elle avait peur de l'effrayer.

Élisabeth saisit sa fourchette et prit une minuscule bouchée, qu'elle avala tant bien que mal. À sa droite, Thomas, qui avait été invité à souper, regardait sa fiancée avec un air inquiet. Il posa soudain sa main chaude et réconfortante sur la sienne, qui était sur son genou. Elle lui offrit un pâle sourire.

Les Liens du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant