Pourtant, je m'accrochais à cet espoir. Dorian allait venir pour moi, comme il l'avait fait à Colombe. Papa allait venir me ramener à la maison, comme il avait tenté de le faire à Colombe.

On viendrait pour moi.

Mais le temps que je me rende compte que mes espoirs n'étaient que des illusions, il fut trop tard pour accepter le cadeau de Judith.


***


Inconscient, étage troisième

« Papa j'ai mal »

Les mots ne prenaient sens que lorsqu'on en subissait la définition.

Attachée solidement à ces lits d'opérations, ces longues chaises que l'on utilisait dans des cabinets dentaires ou que l'on pouvait apercevoir dans certains films, souvent dans des films d'horreur accueillant des scientifiques fous, cela n'avait rien de cinéma. Il s'agissait de la réalité.

Il m'était impossible de bouger quoique ce soit. Tout ce qu'il m'était permit était de battre des paupières et de bouger les yeux. Même parler m'était interdit par un bâillon. Tout mon corps se trouvait maitrisé, même mes doigts. La sensation d'être prisonnière de mon propre corps suffirait à me rendre folle.

Puis entrèrent des hommes et des femmes. En tenu de chirurgien, leur masque sur le visage, je ne pouvais voir que leur yeux. Insensibles à qui se trouvait devant eux, ils ne voyaient qu'une chose.

— Sujet Banshee et Caméléon, commença à parler une femme alors que tournait un enregistreur audio. Nous allons recueillir des glandes sécrétrices de l'hormone askepys. Pour observer l'adaptabilité du Caméléon, nous maintiendront le sujet éveillé. Les dons du psychique sont maitrisés par son collier inhibiteur mais cela n'empêche en rien les mécanismes de son corps de révéler les particularités de ses systèmes endocriniens.

Les outils qui approchaient sur une table à roulette me terrifièrent. Les chirurgiens s'emparaient des scalpels mais également d'autres armes...

La vivisection n'avait jamais été qu'un mot effroyable dans mon esprit. Il n'était pas obligé que ce terme ait parlé de torture. Des opérations chirurgicales se faisaient alors que le patient demeurait conscient, mais aucune douleur n'était permise. Mais certaines expériences scientifiques suscitaient ce genre de chose.

Je n'en compris l'horreur qu'à cet instant.

Si les larmes étaient inutiles et que les cris de douleurs étaient tues par le bâillon, ce qui fit ma plus grande détresse était mon incapacité à pouvoir bouger. Je ne pouvais que subir...

S'évanouir n'était pas aussi systématique que dans les films. La douleur pouvait aussi maintenir éveillée. Mais dès que je perdais conscience, il me semblait que les docteurs s'arrêtaient avant de reprendre dès que mes yeux se rouvraient. Je n'avais même pas le droit de fuir de mon propre corps...

L'opération dura des heures. Mais elle ne serait pas unique.

Je n'étais pas une prisonnière. Dans ce lieu, aucun des psychiques n'étaient des prisonniers, tous n'étaient pas des criminels. Nous étions des cobayes et ce lieu était un laboratoire. Pourquoi avais-je refusé ce poison que l'on m'avait pourtant proposé ?

Papa, j'ai si mal...


***


Les digues avaient lâché. Sous la pression, les murs s'étaient brisés pour submerger tout ce qui était possible d'être submerger, noyant tout ce qui pouvait être noyé, et même ce qui ne l'était pas. L'esprit brisé, c'était des mois de souffrance qui remontaient à la surface. Les traumatismes revenus, c'était moi qui me laissait être engloutie.

Aujourd'hui, je n'avais plus si mal, n'est-ce pas ? Plus rien ne pouvait m'arriver...

Mes yeux se fermèrent un instant. Il n'eut fallu que quelques secondes. Quelques secondes pour que la peur s'estompe, que le passé n'ait plus d'importance. Quelques secondes pour que l'eau disparaisse, me laissant entrer dans un lieu paisible.

La maison japonaise, perchée au bord d'une montagne, se cachait dans une végétation dense, au sein d'une jolie forêt. Les oiseaux chantaient de temps à autres, mais rien ne venait perturber ce calme magique. Lorsque l'on traversait la maison, arrivant dehors, il était là. Encore. Un coupe de saké à la main, installé au bord du vide pour regarder au loin.

Je vins à lui, m'asseyant à mon tour avant de finir par m'allonger. Il laissa ma tête reposer sur ses jambes, mon corps redevenu celui d'une enfant.

J'étais bien ici.

Il caressa ma tête. Il ne me demandait pas de dire quoi que soit, il n'attendait rien en retour. Comme un père, il se contentait d'être là, d'attendre et de m'aider si je venais lui demander son aide. Il ne retenait pas ni ne m'obligeait à rester ici.

— Je veux rester ici pour toujours.

Il ne dit rien, me laissant paisiblement me reposer près de lui. Ce repos, j'en avais si souvent rêvé... Enfin, il m'était enfin donné la possibilité de ne plus penser à rien, de ne plus être obligée de vivre et de suivre les attentes de chacun. Plus de responsabilité, plus d'obligation. Juste... rien.


***


Il s'était douté que quelque chose comme ça se produirait.

Gauthier et Jean se disputaient. Mais le fait était que la faute n'était due ni à Gauthier, qui n'avait pas su retenir Layla, ni à Jean qui lui avait permis de retrouver sa mémoire. La faute venait de Dorian. Il connaissait Layla par cœur. Il aurait dû l'arrêter, peut-être même qu'il aurait dû la garder dans cette chambre chez lui. Il l'aurait aidé à retrouver ses souvenirs, mais en douceur, sans brusquerie. Il l'aurait aussi aidé à maitriser le Caméléon en elle.

Le seul problème auquel il se serait heurté aurait été l'instinct particulier de Layla. Chaque Caméléon agissait dans un seul but. Certains suivaient un instinct de survie. En Caméléon, Dorian possédait un instinct identique. Mais Layla n'était guidée que par un instinct de liberté. Elle ne cherchait pas à survivre. En cas de mise en danger de sa liberté, elle cherchait le soutien de ceux capables de la laisser libre de ses mouvements, libre de vivre. Elle cherchait l'appui du plus fort pour devenir comme il le désirait afin de l'amener à lui manger dans la alors évidemment, maintenant qu'elle avait recouvré la mémoire, son corps était plongé dans le coma et son esprit vaquait librement dans un lieu de sureté. Emprisonnée durant des mois dans un laboratoire aux expériences inhumaines, son instinct l'avait poussé à fuir ce monde qui l'avait étouffé.

L'instinct d'un Caméléon se formait durant l'enfance. Classiquement, lorsqu'un Caméléon vivait correctement, son instinct était celui du bonheur. Trouver à tout prix le moyen de toujours être heureux. Mais ce n'était pas sans raison que la plupart possédait un instinct de survie.

Dorian posa sa main sur le visage de Layla, balayant délicatement les cheveux. Etait-ce aussi de sa faute si l'instinct de la jeune femme était encré dans la liberté ?

Soudain, la porte de la maison s'ouvrit. Le silence s'imposa. Dorian n'entendait plus les deux autres se disputer. Un ennemi ?

Sur ses gardes, il sortit de la chambre et s'éloigna de Layla, prêt à détruire toux ceux qui lui voudraient du mal. Mais il ne s'agissait pas de ça. Un homme se tenait là, devant les deux ex-militaires qui n'osaient aucun mouvement.

— Dembe, que fais-tu ici ?

Dembe se tourna vers Dorian.

— Layla m'a appelé, je suis là pour la guider hors de l'Enfer.

Et l'Enfer, Dembe l'avait connu.

Pourquoi Layla aurait-elle fait appel à lui ? A un homme dont le touché mortel n'était pas toujours maitrisé. A un individu qu'elle n'avait connu que récemment... Pourquoi ne s'était-elle pas tournée vers lui ? Ou même vers Gauthier ?

Dembe rejoignit la chambre de Layla. Peu importe ce que l'on dirait, il avait reçu un message de son ange. Personne ne lui ferait obstacle.

Les Psychiques - Laisse-moi partirWhere stories live. Discover now