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Au son du claquement des sabots sur le sol, les deux bûcherons relevèrent la tête de concert pour fixer du regard l'étranger qui se tenait maintenant à quelques pas d'eux. Ils observèrent, le regard empreint d'une touche d'incrédulité et de prudence, alors qu'un jeune homme au début de la trentaine descendit de la charrette pour les saluer. Son ton était basané par de longues heures passées à voyager sous le soleil, un sourire faisant pâlir d'envie la plus lumineuse des étoiles rejoignait deux yeux pétillants surplombés par des sourcils fins. Ses cheveux d'ébène étaient rassemblés en une longue tresse descendant jusqu'au bas de son dos alors que des mèches rebelles donnaient à sa coiffure l'allure d'un épi de blé. Une voix vibrante d'autant d'énergie que son propriétaire tira les bûcherons de leur stupeur :

« Excusez-moi, êtes-vous des habitants de Clair-Esprit ? »

Les deux hommes se concertèrent du regard avant de hocher la tête, affirmant ainsi la question du voyageur. Le sourire de ce dernier, si cela est possible, se fit encore plus grand.

« Cela ne vous dérange pas de me guider jusqu'à la ville ? »

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Elyo était un voyageur, l'un de ces très rares nomades qui avait décidé de quitter le berceau et le confort qu'était sa cité natale pour explorer le monde. Il gagnait son pain en achetant des objets dans une cité et en les revendant dans une autre, ou bien occasionnellement en relayant des messages et des colis de ville en ville. Ces derniers étaient néanmoins rares, les cités étant généralement indépendantes, autosuffisantes et peu soucieuses des autres. Chacune vivait selon ses lois, ses croyances et ses coutumes. Leur taille excédait rarement les cent mille habitants, et il était rare que deux d'entre elles soient à moins d'un jour de voyage à cheval.

C'était au cours de l'une de ces visites qu'Elyo entendit parler de Clair-Esprit. Une rumeur courait sur cet endroit : il était dit qu'au centre de la cité était gravées dans le marbre plusieurs centaines de règles auxquelles chaque habitant devait se soumettre. Sa curiosité piquée à vif, le jeune homme prit la décision d'en faire sa nouvelle destination.

C'est ainsi qu'Elyo regarda, avec l'émerveillement qui accompagne chacune de ses nouvelles découvertes, les arbres laisser place à des maisons et le chemin de terre être remplacé par des pavés réguliers. Les deux bûcherons descendirent de la charrette, leurs outils et bûches de bois sur le dos et saluèrent Elyo avant de s'éloigner dans une ruelle adjacente. Ils avaient peu parlé durant le trajet, si ce n'était pour indiquer le chemin et répondre succinctement aux questions du jeune homme qui avait fini par combler le silence de sa seule voix.

Elyo continua de déambuler un moment dans les rues de Clair-Esprit, offrant un sourire éclatant et des salutations joyeuses à chaque habitant qu'il croisait. Sans exception, chacun de ses saluts lui fut retourné, bien que la plupart fussent maladroits. L'inconfort était palpable. Mais ce qui le marqua le plus furent les quelques froncements de sourcils et regards désapprobateurs que certains exhibèrent à sa vue. Peut-être n'aiment-ils pas les étrangers, pensa-t-il.

Cependant, depuis qu'il parcourait la ville, quelque chose le perturbait, mais sans jamais parvenir à mettre la main dessus. Puis soudainement il réalisa : tout le monde était habillé de la même façon ! Hommes, femmes et enfants sans distinctions. Ils portaient un pantalon accompagné d'une tunique courte. Par-dessus était drapée une robe semblable à un yukata couvrant la moitié des cuisses et s'attachant sur le côté, ornant ainsi les bras de longues manches évasées. Les trois pièces d'habit étaient faites de la même matière, de la laine, et étaient entièrement blanches. En plus de leurs vêtements, chaque habitant avait une coupe de cheveux identique : une queue de cheval basse. Les enfants, ayant les cheveux trop courts pour pouvoir être attachés ensemble, les portaient sans la moindre attache.

3851Donde viven las historias. Descúbrelo ahora