Chapitre 30 : Le conseil restreint

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— Je maintiens que de tels congrès ne mènent jamais à rien, martelait Ustan avec l'air de se retenir de frapper du poing sur la table. Leur seule utilité est de nous faire tourner en rond tout en affaiblissant nos territoires par notre absence.

Le visage appuyé contre son poing, Tyeltaran approuva muettement – quoiqu'il n'ait pas pour habitude d'être d'accord avec cette teigne d'Ustan.

— Voilà exactement pourquoi une décision doit être prise, rapidement et efficacement, répliqua Astaldon, sans quitter son habituelle expression avenante malgré son ton cassant. Aussi nous vous saurons gré de nous épargner nos jérémiades.

— Vous me pardonnerez d'être inquiet, gronda Ustan en le foudroyant du regard. Nous n'avons pas tous la chance de disposer de terres abritées des montagnes de l'est. Dois-je vous rappeler que si mon duché tombe, c'est le vôtre qui se retrouve exposé ?

— Ce n'est pas ce...

— Messeigneurs.

Au calme appel du roi, les deux belligérants suspendirent les hostilités. Mais Tyeltaran était prêt à parier que l'armistice ne durerait pas longtemps. Il semblait qu'Hadran d'Ustan avait toujours désespérément besoin de quelqu'un avec qui se quereller ; et en l'absence de son adversaire favorite, la duchesse de Calcède, il devait se rabattre sur le second choix.

— Regardez, Teharion n'a même pas fait l'effort de venir en personne, grogna-t-il en se renfonçant dans son siège.

L'émissaire du duché susnommé redressa vivement la tête.

— La duchesse s'est vue obligée de demeurer sur ses terres afin de soutenir les assauts des Arenoriens, monseigneur, lâcha-t-il sèchement en réponse.

— Et alors ? répliqua Ustan. Qu'est-ce qui l'empêchait de déléguer sa fille ? Regardez, Amaran est bien là au nom de la maison de Calcède.

Entre les deux, le jeune homme en question tâchait de faire bonne figure. Il n'avait jamais siégé à un tel congrès, et ignorait probablement à quel point ils étaient distrayants. Le visage de l'émissaire se ferma.

— Damoiselle Redya a été gravement blessée dans une embuscade arenorienne, il y a cinq jours. Quand j'ai quitté la forteresse, sa vie était encore en suspens.

Tyeltaran lâcha un profond soupir. Cette nouvelle attisa sa frustration face à l'inutilité flagrante de ces réunions du conseil restreint. Alors il se redressa sur son siège où il était nonchalamment avachi, et prit la parole pour la première fois :

— Voilà qui confirme que l'inaction n'est plus de mise. Messeigneurs, n'en déplaise à vos orgueils de coq, nous avons des décisions à prendre.

— Mais quoi ? avança Amaran, sortant à son tour de son mutisme. Et comment ? Avec la délégation Dejclane sur les bras...

— Les Arenoriens auront choisi l'année précise où nous tâchons de négocier avec les Dejclans pour s'exciter à nos portes, renchérit aussitôt Ustan. A croire que les Dieux sont contre nous.

— Je ne crois pas qu'inclure les Dieux à l'affaire soit pertinent, répliqua calmement Tyeltaran. Quant aux Dejclans, ils doivent bien soupçonner les tensions qu'endure notre royaume. Pourquoi nous obstiner à faire comme si tout allait bien ?

— Ce n'est pas le moment de paraître faibles à leurs yeux, grommela Ustan. Ils nous regardent déjà avec des yeux gourmands, n'empirons pas les choses.

Le jeune prince sentait sa patience s'amenuiser.

— Comptez-vous réellement demeurer inactif face à la menace de l'Arenor dans le seul but de ne pas trahir nos difficultés à la Dejclencie ?

Le Prince Lune - Tome 1Where stories live. Discover now