— Efficace et rapide, comme toujours.

— Dorian.

Et Dorian chassa la réflexion d'un geste de la main. Laissant mon père capturé par mes bras, il se chargea lui-même du dernier corps, allant jusqu'à nettoyer la pièce.

— Qu'est-ce qu'il voulait ? continuait-il d'interroger.

— Savoir où se trouvait Layla.

— Moi ? De qui parle-t-on ?

— Tu t'es contenté de l'enlever sans rien lui dire ? gronda mon père et resserrant son emprise autour de moi.

Un côté paternel qui aurait pu me faire mal, les capacités psychiques de mon père lui offrant une force supérieure à la normale. Mais contrairement à l'image brusque qu'on aurait pu lui attribuer, il était très délicat, capable de jauger sa force. Il ne me ferait jamais de mal.

— Je lui en ai parlé.

— Des agents de l'OIPP sont venus me rendre visite, Layla.

— Attendez tous les deux. L'OIPP, c'est cette organisation régissant les lois concernant les Psychiques ?

— Oui.

— Je travaille pour l'USRP. Ça n'a pas de sens. Pourquoi voudrait-on me trouver au point de te tuer ?

— C'est de ma faute, avoua alors Dorian. Il y a peu, j'ai éliminé des agents qui trainaient non loin. Je pense que j'ai alerté l'organisation.

Dorian... Depuis qu'il était revenu dans ma vie, tout partait pour ne laisser que du chaos dans ma vie. Me séparant enfin de mon père, je le fusillais du regard. Mais ne sachant que dire d'accablant, je me contentais de retourner dans ma chambre. Je devais changer de vêtements. Aussi, après une douche rapide pour me débarrasser du sang, je m'emparais d'une nouvelle tenue.

En sortant de ma chambre, la discussion discrète de mon père et de Dorian me parvint.

— Dorian, ils pensent qu'elle est une Immortelle. Cela va bien au-delà de l'USRP qui voudrait possiblement l'étudier pour sa nature de Caméléon. Si elle est une Immortelle...

— Ils vont la pourchasser, et lorsqu'ils la trouveront ils ne se contenteront pas de la charcuter comme dans cette prison.

Retournant dans ma chambre, il n'y eut pas le temps à la réflexion. Un sac sortit, des vêtements s'y trouvaient déjà. Je retirais le tapis pour arracher une planche déjà fragile, silencieusement, afin d'en sortir une boite. De l'argent et des identités. Sans oublier une arme et des chargeurs.

Réarrangeant la pièce comme si de rien n'était, ce sac dans le dos, j'ouvrais la fenêtre coulissante pour me retrouver sur le balcon. Je n'eu qu'à sauter pour rejoindre le sol, me servant de la branche d'un arbre pour me permettre une chute tout en douceur. L'USRP m'avait bien entrainée. Aussi, prenant un vélo dans l'entrée, dehors, je partis en VTT, dévalant les routes de terre. Ma destination ? Très simple.

Je fonçais droit sur le ravin. Et lorsqu'enfin je l'atteignis, je me contentais de tomber. Deux grandes ailes se déployèrent alors dans mon dos, la caméléon en moi pensant avant tout à ma survie.

Dorian n'était pas un homme bien, mon père commençait à lui parler en toute confiance. Et surtout, des gens particulièrement dangereux semblaient me chercher. Pour des histoires « d'immortel » ? Je ne savais même pas ce que cela signifiait. Seulement que je ne pouvais rester près de mon père, ni approcher l'USRP, très liée à l'OIPP, les nouveaux méchants de mon histoire.

Finalement, j'en venais à regretter ma vie à Colombe. Là-bas, tout était simple. Quatre chefs, avec une seule loi : celle du plus fort. Un territoire sur lequel j'étais parvenue à devenir un chef avant de tenter une évasion. Mais à présent, dans le monde réel ? Plus rien n'avait de sens pour moi. Je ne comprenais même pas pourquoi je semblais tant intéresser les uns et les autres. Je n'étais qu'une psychique à deux nature. Une banshee et un caméléon. Certes, j'avais conscience d'avoir un petit plus par la rareté de ces natures, mais cela méritait-il autant de problème et de morts ?

Mes yeux se fermèrent, mon corps se laissant aller au vent. Planant dans le ciel, je suivis mes ailes, n'interférant pas dans leur destination. Il m'arrivait seulement de les remuer pour reprendre de la hauteur, un courant me déviant parfois. Le soleil se couchait au loin et les couleurs chaudes offraient une splendeur époustouflante à ce paysage à couper le souffle.

Ce fut pour ce genre d'instant magique que je ne regrettais en rien d'être une psychique. Des moments où plus rien n'avait d'importance, où les problèmes n'avaient aucune existence.

Il arriverait malheureusement un moment où l'oiseau devrait retrouver la terre ferme. Les questions reviendraient à la charge et les réponses resteraient introuvables.

Qu'est-ce qu'était un Immortel et pourquoi pensait-on que j'en étais une ?

Une image se présenta à moi, telle une hallucination, un mirage. Celle d'un homme.

Lui

L'homme japonais, vêtu d'un kimono ancien. Celui qui ne cessait d'apparaitre dans chacune de mes visions dès que j'essayais de me souvenir de cette année arrachée à ma mémoire.

Dorian avait peut-être raison sur un point. Était-il tant pour moi de me rappeler de mon Enfer ?


***


L'eau ne coulait plus depuis un long moment déjà. Elle avait fini sa douche et laissé là ses vêtements tachés de sang, ne se préoccupant pas de les mettre dans une corbeille ou de tenter de les nettoyer un minimum.

Entre ses mains, Dorian fit brûler ces derniers, imbibé de cette couleur cramoisie. La cendre tomba au sol, dérangeant le maniaque de la propreté qu'était Gautier.

— Pourquoi est-elle partie ? s'inquiéta-t-il en prenant soin de balayer la cendre pour la jeter dehors.

— Elle nous a entendu.

Mais que savait-elle exactement des Immortels ? Si Layla en connaissait suffisamment sur eux, évidemment qu'elle serait partit. Et même sans cette information, le simple fait de les entendre parler de choses dont elle ne savait rien aurait suffit à la jeune femme pour s'en aller.

Il la connaissait suffisamment pour savoir que Layla ne fuyait pas. Elle ne fuyait jamais. Tout ce qu'elle faisait, le moindre des ses gestes étaient guidés par le désir de survie et de liberté. Aussi, Dorian pouvait avec certitude affirmer que Layla allait chercher des réponses. Et peut-être même tenter d'évoluer, de devenir meilleure. A présent, elle comprenait qu'elle était en danger, tout comme le peu de proche qu'elle avait. Pour se protéger, elle n'avait pas le choix.

— Gautier, où vit cet homme qui a arraché sa mémoire à Layla lorsque tu le lui as demandé ?

— Qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Récupérer Layla. Et toi ?

Les Psychiques - Laisse-moi partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant