Chapitre 1 : Le nouveau musicien dans la ville.

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Un homme sorti de la petite boulangerie familiale de la ville, un sandwich au jambon sous un bras, un paquet de biscuits secs traditionnels sous l'autre. Il avait une large veste brune pleine de poche, un petit trilby pour se protéger du Soleil et un sac à dos assez plein pour ne plus pouvoir prendre ce qu'il s'y trouve au fond. Il ne paraissait pas vieux, mais les marques rouges sur son visage ainsi que les traces qu'infligent les grains de sables lorsque que l'on dort dedans ne le rajeunissaient pas. Cet homme était autant chargé par ses affaires que particulier pour le paysage. Lorsqu'il était dans les rues, les habitants tournaient systématiquement la tête pour être sûr de ce qu'ils avaient vu. Un point noir qui vagabondait dans les rues de Batsi, l'une des villes de l'île d'Andros, en Grèce.

Bien que cette ville ne soit pas la plus grande de l'île et que l'île ne soit pas très imposante, elle n'en reste néanmoins pas la moins animé des Cyclades. La musique et le chant occupe une place importante lorsque le Soleil vint à se coucher. Voilà tout l'intérêt de l'homme au trilby, sur une épaule il porte son sac à dos et sur l'autre sa housse pour guitare, sûrement remplie d'une guitare mais aussi d'un tas d'autres petites affaires qui ne rentraient plus dans son sac à dos.

On pouvait le croiser à toute heure. Sur un rocher de la plage, la guitare sur les jambes et de quoi écrire la mélodie qu'il inventait ou sur un banc du centre ville, jouant ses mélodies avec joie et entrain accompagné de son trilby retourné, posé devant lui. Les passants ne mettaient pas tous de l'argent dans son chapeau, mais les seuls qui le faisaient étaient assez généreux pour le remplir au quart au bout de quelques heures ; seulement son chapeau, n'étant pas de taille très importante, ne contenait toujours pas de quoi se payer une chambre dans une auberge ou un hôtel.

Dormir sur le sable de la plage était une option qui paraissait plaisante, mais le premier mois seulement. Si on néglige le fait que le terrain ne soit pas droit et que les marrés sont de plus en plus incertaines ne laissant que quelques mètres à la plage qui en fait la journée une trentaine, que l'île est connue pour être particulièrement touchée par les vents qui transforment les grains de sable en flèches taillées en les faisant sautiller sur la figure et que sans Soleil il est difficile de trouver une source de chaleur stable, dormir sur la plage est un plaisir ! Pour se séparer de ce petit nid douillet les nomades de l'île demandaient souvent une chambre, ou du moins un lit, dans un restaurant ou une terrasse en échange de service. Une chance pour le musicien qui peut profiter de son talent pour raviver les ambiances des bars ou des restaurants le soir.

Il y avait justement une auberge plutôt calme car l'ancien musicien l'avait quitté, il se faisait huer à cause de son faible éventail de musique. Faire de la musique de salle s'annonce plus compliqué que prévu et celui qui refait une chanson plus de deux fois dans la même soirée peut dire adieux à son poste.

Le voyageur entra dans la terrasse de l'auberge, tout était en pierre pour résister aux fortes températures. Seules les tables et les chaises étaient faites de bois. La terrasse était composée de plusieurs grandes tables isolées chacune par des petits murets en pierre de moins d'un mètre de haut sur lesquels prenaient appuis des bancs en pierre. Au centre il y avait une allée pour parvenir à ces tables et au fond un espace plus grand où les tables n'étaient plus séparées. Des petites lampes jaunes étaient déjà installées sur des arbustes car la nuit était tombée. Ici les gens mangeaient tard alors ce n'était pas un problème. L'intérieure du bâtiment servait de réserve et de cuisine, les chambres se trouvaient à l'étage.

Le musicien s'avança à l'intérieur vers ce qui pouvait paraître comme une caisse devant un homme qui pouvait paraître comme le gérant de l'auberge. Il avait tout d'un homme autoritaire mais parlait très gentiment. Il portait une chemise à carreaux claire et une petite salopette qui lui tassait le ventre. Ses cheveux gras étaient plaqués à son crane et laissaient glisser des gouttes de sueur sur son front. Le gérant salua son client.

- Bonsoir jeune homme ! C'est pour une personne ?

Le musicien posa son sac à dos et sa housse de guitare sur un table inutilisée.

- Bonsoir monsieur ! Je cherche le gérant de cette auberge.

- C'est moi même, le gérant de la terrasse Toast n' fish ! Que voulez vous ?

- J'ai appris que votre ancien musicien était parti, alors je me demandais si vous me laisseriez le remplacer en échange d'un lit et d'une table.

- Si vous voulez on peut faire un essai ce soir ! Vous connaissez beaucoup de musiques ?

Le musicien sorti sa guitare de sa housse et l'accorda rapidement à l'oreille, comme il avait l'habitude. Il tira une chaise et s'assit dessus, le sourire aux lèvres.

- Que voulez vous que je joue comme style ? Demanda le musicien sans relever la tête, toujours concentré à vérifier que sa guitare est en parfait état et nettoyer chaque petite poussière qui se trouvait sur le bois du corps ou du manche.

- Jouez le style que vous voulez, quelque chose d'un peu festif sans pour autant être trop rapide.

Pendant que le gérant pistait sur le style qu'il fallait jouer dans l'auberge, le musicien grattait quelques accords sur sa guitare comme s'il les avait toujours su. Il ne cherchait pas ses positions sur le manches, on aurait dit qu'il parlait avec sa guitare, qu'elle faisait partie de lui. En voyant cette démonstration, le gérant fut rassuré d'avoir croisé une personne avec un talent remarquable, le son de sa guitare transmettait directement un profond sentiment de bien-être autour du musicien, seulement avec quelques minutes de musique. Si bien que les personnes installées sur la terrasse près de la porte semblaient intriguées par cette mélodie si différente de ce qu'ils pouvaient entendre d'habitude dans cette auberge.

Après quelques minutes le musicien sorti de sa bulle et alla s'installer dehors sur une chaise, la plus centrée de la grande salle extérieure. Les clients reprirent difficilement leurs repas tellement ils étaient absorbés par la musique de ce guitariste jusqu'ici inconnu dans la ville. En temps normal, des musiciens font le tour des auberges et y restent une petite semaine à chaque fois. Ils avancent d'auberges en auberges, changeant de ville ou d'île une fois qu'ils avaient fait le tour. Mais cet homme, vêtu de sa veste brune en toile fine, son petit chapeau retourné, posé sur la table à côté,qui se remplissait petit à petit, ses cheveux bruns en pagaille et ses yeux vert à moitié fermés par la musique qu'il jouait, semblait avoir passé sa vie dans cette auberge à jouer de la musique. Le son de sa guitare s'entendait de la plage en face de la terrasse et du petit magasin de souvenirs rempli de touristes à côté et il n'a pas fallu prier les gens qui s'y trouvait pour s'asseoir à la terrasse, commander un verre et écouter le jeune artiste. La première et chaude soirée d'été commença à peine mais l'accomplissement pour le musicien était tel qu'il en oublia son sandwich au jambon acheté plus tôt et profita de la friture de poisson frais offerte par le gérant de l'auberge, complètement ravi de n'avoir plus une table de libre.

Aux dernières lueurs de bougies, lorsque le dernier client se leva de sa chaise, la musique se faisait toujours entendre, devenant de plus en plus expérimentale ; le musicien cherchait de nouvelles suites d'accords et affinait ses enchaînements. Le gérant, qui semblait bien fatigué, vint vers lui pour le remercier de cette soirée riche en client.

- Vous jouez remarquablement bien jeune homme ! Comment vous appelez vous ?

Le musicien cette fois releva la tête et tendit la main avec un sourire vers le gérant.

- Rémi, monsieur ! Enchanté.

Le gérant saisit la main de Rémi et la serra vigoureusement de sa main forte et poilue.

- Mois c'est Gregos ! Si vous le souhaitez, vous êtes embauché ! répliqua ensuite le gérant. Venez au moins cinq soirs par semaine et privilégiez les week-end !

- Entendu ! s'exclama Rémi enthousiaste.

Il rangea ses affaires et alla s'installer dans la petite chambre qui lui était réservé. La peinture tenait encore, le lit grinçait seulement d'un côté et il y avait presque assez de place pour faire le tour. Une fenêtre donnait sur la terrasse, vidée de toute activité.

Rémi s'endormit assez vite, le digestif que lui avait conseillé Gregos faisait son effet. La première étape d'un grand voyage était accomplie, avec grand succès.

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⏰ Last updated: Jul 12, 2021 ⏰

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