Par où commencerai-je ?

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Elle voulut qu'il se retourne, car le souvenir de son visage venait de s'estomper. « Comment se fait-il que l'on oublie si vite la physionomie des gens, même celle de ceux que l'on aime. ? se demanda-t-elle. Il suffit qu'ils s'éloignent un peu et tout devient flou. »
Qu'aimera-t-il d'autre ? « Son corps, oh oui son corps, je l'aimerai comme une folle ce grand corps souple et élancé », se dit-elle au moment où son Gaston s'arrêta net.
D'un bond sur le côté, elle se colla à la vitrine d'une maroquinerie de luxe et feignit d'être absorbée par les articles exposés tout en surveillant son reflet dans la vitre.
Il avait l'air d'hésiter. Il regarda à droite, puis à gauche, et enfin l'heure sur son portable avant de faire demi-tour. Comme au fond de la piscine, Esmée se sentit étouffer à mesure qui s'approchait d'elle. Il la dépassa et elle respira enfin.
Mais la trêve fut brève, car « Gaston » s'arrêta quelques pas après l'avoir dépassée, se retourna et l'apostropha d'un « Mademoiselle ? »

Oui, dit-elle en feignant la surprise. Et elle ajouta, en gloussant : Oh ça alors !

Il la déshabilla du regard — Esmée adora —, puis s'approcha tout près de son visage. Ne laissant entre eux que la place pour une feuille de papier. L'haleine du bel homme inconnu, la chaleur de son corps et les battements de son cœur enivrèrent Esmée. La situation lui sembla folle et inespérée. Sa nouvelle vie lui parut bien plus romanesque que tout ce qu'elle avait pu imaginer ce matin en se brossant les dents. Voilà que la plus belle des surprises se collait à elle et allait bientôt l'embrasser comme on embrasse l'amour, à la fin des films. Or là, c'était le début, le début de la plus grande histoire d'amour du monde.

Vous êtes libre pour un café ?

Ah ! Là de son souffle ... Esmée ne dit rien, mais ne le quitta pas des yeux.

Si vous n'avez pas soif, nous pouvons nous promener aux Tuileries, enchaina-t-il toujours tout bas.

Elle avait le cœur dans la bouche et tout la forêt amazonienne dans la poitrine. Sa voix, chuchotée si près de ses lèvres, lui avait tourné les sens. Elle ne pouvait répondre. Elle n'aurait pas su quoi dire d'ailleurs. Dans sa tête les mots se bousculaient, les attitudes se battaient entre elles.
«La vérité, Esmée , la vérité c'est bien pratique, et tu le sais », se disait-elle. Mais elle resta muette.

Vous avez perdu votre langue ? Vous l'avez donnée au chat ? Si vous ne répondez pas, à trois je décide pour vous.

«Oh là là là là ! se dit Esmée. Oh là là là là ! »
Rien d'autre ne venait à son esprit.
Il ne compta pas.

Et trois ! Alors, c'est décidé je vous emmène aux Tuileries où nous fumerons un maximum de clopes sur le premier banc venu et, si votre langue se délie, vous me direz quel est votre prénom, sinon, je vous en donnerai un moi-même.

«Ah, c'est pas vrai, il est comme moi, il pense comme moi, tout comme moi, on est faits l'un pour l'autre », pensa Esmée.

Je ne vais pas attendre d'ailleurs. Je vous appellerai Madeleine. Cela vous va à ravir. Vous avez une tête de Madeleine. Vos tâches de rousseurs et ce fond d'œil un peu rouge, comme si vous aviez pleuré à l'instant, un peu comme cette actrice qui a toujours les yeux... comment elle s'appelle déjà ? Michelle Pfeiffer ! Vous voyez ses yeux, toujours humides ? Vous avez ce genre de frimousse. Oh, j'aurais pu vous appeler Jean, comme Jean qui rit et Jean qui pleure. Car vous avez un tète de fille qui rit et qui pleure sans jamais se décider. Une alternance d'émotions, une chorégraphie du cœur.

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⏰ Last updated: Apr 02, 2021 ⏰

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