Chapitre 3

468 74 10
                                    

Il me conduit dans le métro, nous sautons par-dessus les rambardes et continuons en faisant toujours des émules parmi les personnes présentes et quand des gens essayent de nous arrêter, mon compagnon les met hors d'état de nuire en deux mouvements. Nous sommes sur un quai et je commence à ne plus pouvoir courir, lorsque nous nous retournons au même moment pour entendre des cris qui sonnent dans les couloirs. Il descend sur les rails, me demande de le suivre... puis nous pénétrons dans le tunnel au risque de se faire happer maintenant par une rame.

Je me tords les chevilles, je n'en peux plus, j'ai un point de côté... je m'arrête.

- Non ! Un train arrive ! Avancez !

Comme il saisit mon désarroi, il me soulève sur une de ses épaules et continue sans faiblir. J'entends des cris... ils sont sur le quai ! Il accélère, son chien est devant nous et semble savoir où aller.

Tout à coup, des phares éclairent le bout du tunnel et je me vois déjà écrasée sur les railles.

- On va mourir !

Mais je n'ai aucune réponse, il garde visiblement ses forces pour avancer plus vite. La rame se rapproche dangereusement... mais lorsqu'elle n'est plus qu'à quelques mètres, il s'engouffre dans une sorte d'encoche murale et ouvre à la hâte une porte. Nous tombons l'un sur l'autre au moment où le vent du train nous pousse à l'intérieur. Je constate que le chien a réussi à se faufiler lui aussi. Il referme la porte et trouve un interrupteur avant de glisser à même le sol, le dos contre le mur, il est épuisé et tente de reprendre son souffle une main sur sa poitrine.

Je suis à quatre pattes et commence à pleurer puis finis par vomir.

Toujours haletant, personne n'ose rompre le silence maintenant que je n'ai plus rien dans l'estomac. Je l'imite en allant m'assoir contre le mur en face de lui tout en m'essuyant le nez et le visage avec un bout de ma robe de soirée. Nous nous observons, seul le chien reste planté devant la porte et grogne de temps en temps. Clairement, nous essayons de comprendre ce qui vient de se passer... puis d'un coup, un frisson me fait frémir, il faut dire que dorénavant j'ai très froid ! Je frictionne mes bras et rapproche mes jambes contre mon ventre. Aussi il quitte le pull troué qu'il a sur lui pour me le donner, je le porte et il me réchauffe tout de suite.

- Merci.

- De rien...

Ne sachant pas quoi dire, j'ajoute :

- Je m'appelle Déborah, mais on m'appelle Déb...

Je me souviens alors de la dernière image que j'ai d'Elsa et je baisse la tête pour pleurer d'autant plus.

- Moi, c'est Naël.

Il se lève et commence à tourner dans la pièce les bras croisés avant de lancer un doigt pointant l'extérieur :

- Mais c'est quoi, cette merde ?

Je me redresse.

- Je n'en sais rien...

- Une maladie ? Une guerre chimique ?

- Je ne sais pas...

- Vous avez bien vu qu'ils sont tous devenus dingues ?

- Oui...

- C'est hallucinant ! Ils se bouffaient les uns les autres ! Et pourquoi on n'a rien ?

- Je ne sais pas...

- Vous pensez que c'est comme dans les films ? Genre des zombies ?

Je ne réponds plus, je le laisse avancer toutes les hypothèses.

- OK, bon on va rester là pour la nuit. Ils ne devraient pas nous trouver.

- Vous êtes sûr de ce que vous dites ?

- Il n'y a qu'une entrée et c'est celle qu'on vient d'emprunter, regardez la porte, je l'ai verrouillée de l'intérieure et elle est en fer.

- D'accord.

Je me morfonds, j'ai mal à la tête.

- Vous n'avez pas de portable par hasard ?

- Pas ici, non.

Il s'avance et s'assoit à côté de moi en étendant ses bras.

- Venez, vous avez froid et moi je ne compte pas finir comme vous.

Je le regarde en biais et j'hésite.

- Approchez, je ne vais pas vous faire de mal, et il vaut mieux qu'on se réchauffe mutuellement.

Alors je me place au creux de son épaule et d'un mouvement il m'enlace. C'est fou comme en cet instant la promiscuité avec cet inconnu me fait du bien. J'ai l'impression d'être protégée, que rien de terrible ne peut m'arriver.

- Naël ?

- Oui.

- C'est quoi votre histoire ?

Je sens qu'il étire un sourire.

- Je suis un déserteur, je viens de Syrie. J'avais un poste haut placé dans l'armée.

- Ça explique votre façon de vous battre.

- Oui en effet.

- Vous êtes en France depuis combien de temps ?

- 6 mois, mais je suis parti, il y a plus d'un an.

- Vous n'avez pas demandé l'asile politique ?

- Oui c'est en cours... bref... et vous ?

- Le théâtre est à moi, je suis parisienne.

- Vous avez des enfants ?

- Non, et vous ?

- Non.

- J'ai un fiancé.

Il ne dit rien, c'est étrange cette conversation après l'apocalypse qu'on vient de vivre. Une conversation presque normale si ce n'est que je m'inquiète maintenant pour Franck.

- Il n'y a pas moyen d'avoir un contact avec l'extérieur ici ! Si seulement il pouvait y avoir une petite radio.

- Non, rien. C'est un local technique.

- On ne peut pas bidouiller un truc avec ce qu'il y a ?

- Non, je peux vous l'assurer.

- Vous remarquez qu'il n'y a plus de trains ? Il doit être deux heures...

- Peut être, ou tout le monde est mort...

Je ne sais pas si c'est de l'humour, mais je ne ris pas du tout.

- Comment va-t-on faire pour sortir de là ?

- Aucune idée... je pense que j'improviserai. En attendant, il faut essayer de dormir...

- Je ne vois pas comment je vais pouvoir.

- Je comprends, mais il vaut mieux prendre des forces tant qu'on peut encore le faire.

Sur ce, il se replace plus confortablement contre le mur et ferme les yeux.

MB MORGANE - Pari(s) Z [Terminé]Where stories live. Discover now