Premier fragment - "L'Espoir bleu" (partie 2)

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Port fluvial de Londres – Quelques semaines plus tôt

- Pedro.

Le grand costaud qui servait de cerbère implacable à la porte du fond de la taverne eut comme un bref sursaut des muscles de son visage, qu'Oliver interpréta comme un salut, ou une tentative de bonjour. C'était un début, l'homme lui paraissait presque sympathique désormais en comparaison de leurs premières rencontres.

Il s'écarta d'un pas lourd, massif, pour lui laisser la voie libre. Oliver jeta un dernier regard à la salle de l'établissement derrière lui, presque déserte durant la matinée, alors que le tenancier lavait avec une rigueur toute singulière les lieux. Le jeune homme n'aurait pas juré qu'il mettait autant de soin dans le nettoyage des chopes et des verres.

Il inspira une bouffée d'oxygène à peu près frais, bien que lourd encore des odeurs de sueur, de cigarette et de piquettes de la nuit, et fit un pas à l'intérieur de l'arrière boutique où il savait qu'un nuage d'encens l'attendait pour l'envelopper et l'étouffer. Mais il garda du mieux que possible sa contenance et il retira son chapeau melon dans lequel il glissa ses gants de cuir.

- Ah, Monsieur Whiteman fils. Quel plaisir de voir que vous avez répondu à mon appel.

Cette phrase fut ponctuée d'un petit rire qui raclait la gorge de son émetteur. Il l'aperçut très vite, malgré l'obscurité de la pièce dont les fenêtres étaient closes par des volets sans la moindre fissure, ainsi que par des rideaux poussiéreux qui n'avaient pas dû être ouverts depuis des siècles. Toujours aussi cadavérique, comme une momie de cire aux traits émaciés, le Vieux du Port s'affairait manifestement à faire ses comptes puisqu'il alignait des tas de pièces, et des boites diverses, tant pourries que précieuses.

L'ancien étendit ses mains arachnéennes au-dessus de son butin pour l'inviter à l'embrasser du regard, puis les noua pour y mettre son menton en berceau, accoudé à son bureau :

- Voyez, quand on négocie des accords comme moi depuis suffisamment longtemps pour tout oublier, il est important de tenir un registre fourni.

- Je ne voudrais pas vous embêter dans la gestion de vos affaires, peut-être suis-je arrivé trop tôt ?

- Mais non voyons, vous êtes ma priorité numéro 1. Asseyez-vous, prenez place, mettez-vous à l'aise !

Le jeune homme songea, probablement à juste titre, que chacun de ses clients devait avoir le droit à cette phrase. Il s'installa comme suggéré, dans le fauteuil un peu miteux au revêtement de tissu qui commençait à être rongé par l'humidité et eut un regard furtif mais à l'attitude appuyée vers le mur du fond, derrière son hôte.

- Elles sont invisibles en journée, si vous vous posiez des questions... La nuit, le voile entre les monde est plus ténu.

- Pourquoi m'avoir fait mander ? Il me semblait que vous m'aviez dit que ne vous m'appelleriez qu'en temps voulus.

- Et le temps est venu. Avez-vous ouvert votre courrier ces derniers jours, cher Oliver ?

Le jeune homme haussa les sourcils, et il vit les yeux au fond jauni de l'ancien se fixer sur sa poche de manteau. Un peu interloqué, Oliver en sortit ses missives du jour, qu'il n'avait pas pris le temps de consulter, trop pressé par son appel, et qu'il s'était contenté de fourrer précipitamment dans son pardessus de laine.

Il fit défiler les enveloppes :

« Vous trouverez parmi ce courrier une invitation à une fête fastueuse organisée par la famille Hope.

- Hope ? Adam Hope ? Fit Oliver, un peu intrigué, dénichant effectivement une enveloppe avec le sceau de cire de ladite famille. Le riche magnat du milieu bancaire ?

Les Portes d'Ys - OriginesOnde histórias criam vida. Descubra agora