Prologue - "Une porte se ferme" (partie 3)

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Londres – Hiver 186...


- Voilà pour vous, Monsieur Whiteman. Vouliez-vous autre chose avec ceci ?

- J'ai une nouvelle prescription du médecin pour ma sœur... en réalité je suis surtout venu pour ça.

- Oui oui, bien sûr, Miss Chrys... comment va-t-elle ? Son état s'est-il un peu amélioré ?

- Elle n'a pas trop d'appétit ces dernières semaines... nous espérons que ce nouveau traitement lui redonnera un peu d'énergie.

- Bien sûr, bien sûr... je vous prépare ça, si vous voulez bien patienter.

- Je vous en prie. J'attendrai le temps qu'il faudra.

O'Kelly, l'apothicaire, délaissa le comptoir et la conversation courtoise en cours pour se consacrer au choix et à la pesée des plantes et substances dont le nom était indiqué sur le petit papier de prescription.

Oliver quitta très vite des yeux la scène et laissa son regard se poser à l'extérieur, sur la rue, derrière la grande vitre de devanture. Le paysage était comme figé dans la blancheur froide de l'hiver. Depuis une bonne heure, la neige tombait à gros flocons dehors... encore un mois de décembre glacial. Au blanc de la neige se confrontait le gris du ciel, chargé des fumées du charbon de chauffage.

Sur le trottoir, un vieil homme s'arrêta, emmitouflé dans son grand manteau si usé qu'on voyait à travers, et toussa bruyamment dans un mouchoir rapiécé.

- L'air devient irrespirable pour les plus fragiles.

Le jeune homme sortit de ses pensées et remarqua que les petits paquets de papier épais étaient déjà préparés. O'Kelly l'avait courtoisement rappelé à des considérations plus terre à terre avec son intervention. Oliver se confondit en excuses :

- Pardonnez-moi, je réfléchissais.

- Ne soyez pas gêné, monsieur. Plus d'une personne serait mélancolique devant un tel paysage... souhaitons que le printemps nous apporte un peu plus de joie et de couleurs.

- Voilà de sages paroles... et voilà pour vous, fit le jeune homme en tendant de l'argent au commerçant.

- Je vous remercie. Transmettez mes salutations à Lord et Lady Whiteman, ainsi qu'à votre sœur.

- Je n'y manquerai pas.

Oliver eut un sourire pour le commerçant, juste avant de pousser la porte pour rejoindre l'extérieur. Il remit son chapeau melon sur la tête, pour protéger ses cheveux de la neige. Cette dernière ne tarda pas à recouvrir ses épaules, contrastant avec son manteau sombre impeccable.

La rue était très silencieuse. Tout le monde semblait avoir cherché à se mettre à l'abri. La dernière fois qu'il avait vu une telle amorce de tempête de neige hivernale, c'était huit années en arrière.

Il eut un soupir. À la lumière extérieure, blafarde, typique de la saison, son visage paraissait encore plus creusé qu'à l'accoutumée. Huit ans... tout lui semblait si loin désormais. Sa sœur avait vu le jour dans de telles conditions, son anniversaire approchait d'ailleurs.

Il remonta un peu le pavé, la poudreuse crissant sous ses pieds. Tout était comme suspendu. S'il avait fait un peu plus sombre, alors les lumières des habitations tout autour de lui auraient trahi la vie qu'elles dissimulaient derrière leurs grands murs de pierre qui s'étiraient vers le ciel. Mais là, rien.

Il baissa un peu le bord de son chapeau devant ses yeux et renfonça sa tête entre ses épaules. Plus il avançait, plus il avait la sensation que la route devant lui s'allongeait à l'infini. Toujours les mêmes grilles... les mêmes escaliers. Les mêmes bâtisses fraîchement construites, hautes en couleurs, dotées de ces baies vitrées en saillie, donnant l'impression qu'une tour octogonale avait fusionné avec une maison traditionnelle. Un buisson taillé impeccablement... puis un autre. Et encore un autre.

Les Portes d'Ys - OriginesWhere stories live. Discover now