Prologue - "Une porte se ferme" (partie 5)

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L'homme parut, au grand étonnement d'Oliver, un peu surpris de cette requête. Il jeta un œil par-dessus son épaule, pour s'assurer qu'il avait bien entendu et que celui qui lui avait donné cet ordre ne plaisantait pas. Il se résigna à faire un pas de côté, et adressa un regard éloquent au jeune garçon.

- Avance, plus vite que ça.

Il n'avait pas eu besoin de prononcer un mot, Oliver avait parfaitement compris cette phrase rien qu'à son expression revêche et empressée. Étourdi, il le dépassa pour entrer dans cette arrière boutique, plus sombre et étouffante encore.

Ses yeux mirent un instant à s'accommoder à la faible lueur des bougies, mais ce fut surtout sa gorge qui s'embrasa alors qu'il avait l'impression qu'on y enfonçait des bâtonnets d'encens entiers en pleine combustion. Il toussa bruyamment en mettant son poing devant sa bouche, étourdi, nauséeux.

Un petit rire râpeux parvint à ses oreilles. Oliver releva ses yeux humides à leur tour attaqués par les fumées parfumées et distingua une table, au fond de la pièce.

De part et d'autres, il y avait quelques individus dans l'ombre, qui le regardaient vaguement, à leurs activités impossibles à distinguer. Il attacha de nouveau son attention à la table quand la voix qu'il avait entendu l'appeler lui dit, amusée :

- Eh bien eh bien... en voilà une rencontre inhabituelle. Un garçon de Lord débraillé et dans tous ses états, à ma porte, moi, pauvre Vieux du port. Moi qui n'ai l'habitude de ne recevoir que les petites gens de ce monde... 

Il avait dit ceci d'un ton un peu ironique. Oliver était hésitant. Quelque chose dans cette silhouette le gênait. L'homme était trop maigre... presque désarticulé. À dire vrai, à peine humain... il aurait pu être un cadavre ambulant, déjà en partie desséché. Il lui fit un sourire sur sa face émaciée encadrée de long cheveux fins, gris et gras. Ses dents étaient tâchées de tabac, ses doigts secs comme des pattes d'araignée également.

- Que me vaut l'honneur de votre visite, Monsieur Whiteman ? s'enquit l'homme en rapportant son attention sur les objets à la table devant lui.

- Comment savez-vous qui je... bredouilla Oliver, sidéré.

- Il existe peu de jeunes gens comme vous dans Londres, coupa l'ancien en mélangeant un paquet de cartes très usées. Vous avez 15, peut-être 16 ans ? À en juger par vos habits, vos manières, votre posture, votre montre à gousset dans la poche de votre manteau dont je n'aperçois que la précieuse chaîne, vous êtes au pire fils d'un riche bourgeois, au mieux fils de Lord. Bien que nos relations avec l'Inde soient très étroites, il y a peu de personnes de votre rang qui soient métissées avec la population de ce pays lointain. Votre milieu se reproduit avec un grand soin d'entre-soi depuis des siècles... Votre peau, vos yeux vous trahissent. À partir de là, il n'est pas difficile de penser à ce très cher Lord August Whiteman, qui a épousé la désormais Aryana Whiteman, petite princesse indienne jadis, il y a une quinzaine d'années de cela.

Oliver resta comme deux ronds de flan. Le vieil homme lui fit un clin d'oeil et souffla :

- Ou bien est-ce une de mes ombres qui m'a tout soufflé ?

L'adolescent tressaillit, ses yeux s'ouvrirent grand et il voulut parler, mais l'homme l'interrompit de nouveau :

- Allons, allons... pas d'empressement, Monsieur Whiteman. Ne soyez pas si prompt à tout dévoiler de vos intentions ainsi. Il n'est à l'avantage de personne ne pouvoir être lu comme un livre ouvert.

- L'ombre ! s'exclama quand même Oliver, tournant autour de lui pour tenter de la voir malgré l'atmosphère ténébreuse du lieu.

- Celle-ci, peut-être ?

Les Portes d'Ys - OriginesWhere stories live. Discover now