Le Journal d'Harry

Février 2012

20 février 2012 ~ Londres

On vient de rentrer de notre journée de promotion à Paris, la deuxième si on compte celle de la semaine dernière, à la Saint-Valentin. Je n'ai jamais rien à dire sur ces journées, parce qu'elles se ressemblent toutes, en fin de compte. On promeut notre musique, on rencontre des fans, on n'a jamais réellement le temps de se balader dans la ville en question … Mais aujourd'hui c'était différent et je l'ai senti immédiatement. On a pris notre premier bain de foule, déjà. Un vrai de vrai pour le coup, et je me suis demandé comment ça allait se terminer. J'avais des raisons de m'inquiéter parce que Niall a disparu dedans. On ne pouvait pas savoir que c'était une petite Française aux yeux noisette qui l'en avait sorti. On ne pouvait pas savoir qu'une autre petite Française aux yeux turquoise cette fois viendrait nous demander si on avait pas vu sa meilleure amie passer par là. Qui aurait pu se douter que nos deux disparus s'étaient perdus ensemble dans Paris ? Personne. Mais tout ça a rendu ce jour particulier. Particulier parce que la brune aux yeux bleus nous connaissait à peine et qu'elle était vraiment différente. Son rire cristallin fait toujours écho dans mes oreilles et si j'étais doué je pourrais sûrement redessiner son visage au détail près. Particulier parce que c'était la première fois que je me sentais aussi normal depuis le début de notre notoriété. J'étais à Paris avec ma bande de potes, j'apprenais à connaître une jeune fille qui semblait si insouciante, j'ai comme retrouvé un nouveau souffle de vie. Particulier parce qu'il ne nous était jamais arrivé de vouloir à tout prix revoir des fans qu'on avait pu croiser. Mais là, c'était le cas, et ça l'est toujours. On n'a même pas eu le temps de les remercier pour ce qu'elles ont fait pour nous. Et enfin, particulier parce que cette fille a laissé Niall dans un sale état. Ca fait un an et demi que je le connais, et je l'ai jamais vu amoureux. Je l'ai vu intéressé par des nanas, parce que c'est un ado comme les autres. Mais je l'ai jamais vu craquer pour quelqu'un pour de vrai. Et j'ai l'impression qu'elle l'a laissé tout chose. Il avait l'air complètement perdu à se dire qu'il n'allait jamais la revoir et ça nous a tous fait mal au cœur. Quelle idée de s'accrocher à une fan étrangère ? Il a sûrement pas choisi, le pauvre. Un coup de cœur ? Peut-être, ou peut-être pas. Mais il tient à elle, vraiment. J'ai bien vu ses yeux briller quand il a découvert qu'il avait son numéro. Et je pense qu'il ne va pas quitter son téléphone de la nuit, pour être sûr d'avoir sa réponse. J'espère qu'il en aura une. Pour lui, parce que s'il pouvait avoir quelqu'un d'adorable comme elle dans sa vie, il reprendrait sûrement confiance en lui et Dieu sait qu'il en a besoin. Et pour moi, parce qu'aussi stupide que cela puisse paraître, ça me permettrait sûrement de prendre contact avec sa meilleure amie. Débile hein ? Probablement. Mais elle m'a intrigué. J'ai eu comme l'impression de voir mon double féminin en face de moi, mis à part le fait qu'elle était superbe et que je ne pense pas l'être. Elle parlait beaucoup, elle était rigolote et cynique parfois, elle semblait croquer la vie à pleines dents et portait une affection particulière à sa meilleure amie. J'aimerais en apprendre plus sur elle. Comme un médecin peut s'intéresser au cas d'un de ses patients avec une ferveur singulière, j'ai envie d'en savoir plus, de la passer au peigne fin, de l'étudier avec des pincettes. Parce qu'elle a l'air d'une belle personne, et ce n'est pas tous les jours que j'en voie des comme ça.

Rose et Juliette. Juliette et Rose.

C'est comme ça qu'elles s'appellent. Et je suis persuadé que ce n'était pas la première et dernière fois qu'on entendait parler d'elles.

22 février 2012 ~ Quelque part au-dessus de l'océan Atlantique.

Un Brit. On a gagné un Brit. Moi, Harry Styles, petit gars du Cheshire qui s'électrocutait avec les câbles des guitares de son minable groupe de musique, j'ai remporté un Brit Award. Si on m'avait dit une chose pareille il y a un an, j'aurais ri jaune. Sérieusement, qui aurait pu prédire que tout prendrait des proportions aussi énormes ? Pas moi en tout cas. Parfois je me réveille le matin avec une boule au ventre à l'idée qu'on soit virés d'X Factor le dimanche suivant. Pourtant tout ça est terminé. On est arrivés troisième, on a des milliers de fans -si ce n'est même des millions-, nos trois premiers singles ont fait un carton et notre album est sur le point d'être lancé aux Etats-Unis. C'est de la folie, et je pèse mes mots. Un Brit Award. Je pense qu'il va me falloir un certain temps pour me convaincre que cette statuette est bien à nous, que c'est bien notre nom qui a été appelé hier soir. Tout paraît encore complètement irréel. Si ça se trouve, je vais me réveiller et tout ça n'était qu'un rêve. Mais après tout, est-ce que je ne vis pas déjà un rêve éveillé ? Si, sûrement.

23 février 2012 ~ Chicago.

Elle m'a attendu. Il était 4h30 chez elle mais elle était là. Rose. Rose était là. J'ai récupéré son numéro auprès de Juliette tout à l'heure. Je lui ai demandé de m'attendre parce que je voulais parler. Et elle l'a fait. Maintenant j'en suis certain, elle a vraiment quelque chose de spécial. Je ne sais pas encore quoi, mais j'imagine que je finirai bien par le découvrir. On a parlé pendant une heure. Je voyais bien qu'elle était crevée et qu'elle restait pour me faire plaisir, parce qu'elle faisait plus de petites fautes en anglais et qu'elle ne se corrigeait pas comme elle l'avait fait plus tôt dans l'après-midi quand on était tous ensemble sur Skype. Elle parlait doucement pour ne pas réveiller sa meilleure amie qui dormait, et sa voix était tellement apaisante ! C'est dingue, d'ailleurs. C'est comme si elle était double face : pipelette et presque stressante la journée, et un concentré de douceur la nuit. Je lui ai ordonné de raccrocher à contre-coeur, parce que ça me faisait du mal de la voir lutter pour garder les yeux ouverts rien que pour moi. Elle m'a souhaité bonne nuit avec un sourire fatigué et son visage a disparu. Et moi je suis resté là comme un idiot à fixer l'écran pendant une dizaine de minutes, en ressassant tout ce qu'elle m'avait dit pendant ces soixante-cinq minutes pour être précis. Il y a quelque chose en elle qui m'intrigue, vraiment. Pourquoi aurais-je envie de tout savoir d'elle, autrement ?