Dernier jour d'une conviction?

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La débauche, la puanteur, l'hygiène approximative, la faim, le froid, le manque de tout, de considération, de moyens... Une survie plus qu'une vie pour les enfants qui jouaient  là. Lucille frémissait de compassion. Elle détestait se sentir favorisée mais il fallait croire que cette haine l'attirait en même temps, elle se mettait sans cesse au service des déshérités de la société, des rejetés.

Elle soupira en se remémorant cet après-midi. Elle avait apprécié donner un cours de français aux enfants nés de la boue, de la décharge et qui ne connaissaient que ça. Ils étaient adorables et naïfs, ces bambins qui ne se demandaient pas encore pourquoi Lucille vivait dans une maison qui ne prenait pas l'eau, qui ne craignait pas le vent. Son cœur se serra en pensant que leur avenir n'était pas aussi radieux que le sien.

Puis, retraçant la chronologie de sa journée, elle parvint au souvenir fatidique. Celui de ces longs cheveux bruns. De ces grands yeux innocents. De cette bouche qui souhaitait perdre son petit accent mais qui n'avait pas le temps d'assister au cours. Cette silhouette discrète et pourtant saisissante.

Lucille était partie du camp en traînant les pieds, après avoir refusé six fois de rester jouer pour la fin d'après-midi. Elle était à présent seule chez elle, café à la main, en pleine réflexion.

L'heure était à la découverte ou à l'effondrement de convictions. Ces gens ne me dégoûtent pas, se disait-elle. Ils ne me font pas peur non plus. Mais pourquoi alors, tout change puisqu'elle est là? Savoir que quelqu'un qu'on apprécie est immigré ne devait pas changer l'opinion qu'on a de lui, elle en était convaincue. Mais pourquoi alors ce sentiment oppressant à l'égard de Sally? Pourquoi de la savoir parmi eux à cette heure la contrariait? Était-ce le dernier jour de ses convictions?

Elle avala son café avec difficulté. Ses amères pensées avait donné à la boisson un goût salé très déplaisant. Elle écarta quelques unes de ses mèches châtaignes qui se balançaient devant son nez.

-Tout n'est pas aussi tranché que je le croyais. Soupira Lucille. Je ne me savais pas aussi bête. Je ne pensais pas que je pouvais avoir ce genre de préjugés. Je suis aussi idiote que ceux que je blâme. Sally n'a rien fait de mal et je le sais. Je connais trop son monde pour croire les idées reçues. Qu'est-ce que ça change que je sache qu'elle était là-bas, que je l'ai vu aider sa mère à préparer le repas? Rien. Elle avait l'air gentil et l'a toujours. Elle était agréable, intelligente et l'es toujours. Ce n'est pas de savoir où et comment elle vit qui doit changer mon opinion.

Elle passa sa langue sur ses lèvres.

-Non, ça ne la change pas, ça l'ancre plus profondément dans ma tête. C'est même ça qui rend l'action concrète et l'injustice encore plus révoltante. Le lien affectif.

Elle ferma les yeux, attrapa son portable et consulta l'heure. Il fallait partir, Gaël allait finir par l'attendre... Elle attrapa sa carte de transports en communs et se dirigea vers la piscine.

En chemin, elle sifflotait.

Ouf! Voilà un chapitre qui a eu du mal à sortir! Contente d'avoir réussi à ce qu'il me plaise à peu près et vous, qu'en dites-vous? N'hésitez pas à corriger mes fautes, que ce soit de l'orthographe ou la tournure d'une phrase.

Merci de votre lecture!

Romanette

Sel de merWhere stories live. Discover now