Premier jour d'une nouvelle année

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Gaël se réveilla enfin, alors que son réveil s'évertuait depuis un quart d'heure à le sortir de sa léthargie.

Il n'aurait pas dit non à une petite semaine de vacances en plus. Mais Lucille avait sûrement des histoires rocambolesques à raconter sur son été. Il lui parlerait de ses stratégies de contournement de nage. Il lui dirait comment sa mère avait décidé de se mettre au roller. Elle lui parlerait de son voyage humanitaire on ne sait où. Elle aurait son tee-shirt "un autre monde est possible" comme à chaque rentrée depuis qu'elle l'avait, il réfléchit une minute, essayant de se souvenir quand est-ce qu'elle l'avait eu mais sa mémoire lui bombardait l'image de l'inconnue de la piscine.

Il sortit finalement de chez lui. C'était vraiment chez lui. Son appartement, sans parents, sans frères et sœurs. Un peu vide mais il aimait bien.

Il prit le bus et descendit devant la fac de lettres. Aussitôt, un poids lui tomba sur les épaules.

-Lulu...
-Bouh! Ça va?
-Les vacances sont finies... Gémit-il.
-Super merci de manifester ton enthousiasme à l'idée de me revoir.
-Je suis très enthousiaste à l'idée de te revoir. Qui as-tu sauvé cette année?
-Des immigrés. Tu sais, il y a un camp juste à côté de chez moi et je ne le savais même pas. J'y retourne ce soir. Sourit la jeune fille. Puis son regard sembla retenu par quelque chose mais elle reporta vite son attentions sur le jeune homme.
-Tu as vu quelque chose? Un éventuel petit copain de l'été que tu voulais oublier?
-N'importe quoi!

Il se racontèrent leurs vacances dans le détail le plus infime et se dirigèrent vers le petit amphi de cinématographie. La professeure entra, salua prestement les élèves et sortit une montagne de DVDs de son sac Auchan. Elle parcourut les rangs du regard et commença son cours.

-Je me présente, je m'appelle Jeannette. Notre premier cours portera sur la scène d'exposition d'un film...

Elle déballa encore un ou deux DVDs avec la même délicatesse que s'ils avaient été des nourrissons. Pendant une heure, elle décortiqua trois films tout en recommandant chaudement tel ou tel autre, elle leur montra leurs scènes préférées sous un nouveau jour, n'hésitant pas à mimer les scènes des DVDs qu'elles ne possédait pas. En un rien de temps elle eut réussi à ce que la salle se transforme en champ de bataille ou chacun imitait le bruit des balles ou les râles des blessés. Parfois, elle demandait à ce que tout s'arrête et pointait du doigt un élève. Elle décrivait sa position, sa réplique, la musique qu'il fredonnait et expliquait pourquoi il avait réagi comme ça.

Son attention se porta tout-à-coup sur Lucille qui faisait la morte. L'intéressée ouvrit les yeux, curieuse de découvrir quel film avait orchestré la mise en scène de son trépas. Mais ses pupilles découvrirent que ce n'était pas à elle que s'adressait Jeannette mais à son bourreau. Une jeune fille au cheveux trempés, à la peau foncée qui riait aux éclats. Lucille était stupéfaite. Elle se rendit compte que les cheveux de l'élève lui avaient goutté sur le visage et qu'elle ne l'avait pas remarqué. Mais ce n'était pas ce qui l'avait frappée. Il s'agissait de l'inconnue du parc, que Gaël dévisageait également avec insistance.

Une minute plus tôt, Lucille l'avait oubliée, elle s'était mise dans la tête qu'elle ne la reverrait plus. Une minute plus tard, elle était là. Venue de nulle part. Il semblait qu'elle disparaissait et apparaissait telle un fantôme.

-Oh! Bonjour! Lança l'inconnue à Lucille quand la professeure décréta que le cours était finit. Au fait, je m'appelle Salé!
-Salé... Bonjour.
-Non pas Salé...
-Sally? Hasarda Gaël.
-Oui.



Sel de merWhere stories live. Discover now