Partie 28

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Me voilà seul, à nouveau abandonné au supplice de la solitude, un monde d'espoir suspendu, comme si mon cœur devait saigner et subir encore et encore les affres de la douleur familiale.

Au plus profond de votre âme lorsque le cœur se vrille et se serre, votre esprit se fige, tétanisé par ce ciel qui vous tombe dessus... que dire, que penser ?

Voilà que mon père apparait, pour mieux disparaitre, en laissant derrière lui un sentiment de frustration, de goût inachevé et d'un désir de réconciliation impossible ...

Non, la vie s'acharne contre mon cœur, me voilà avec ses dernières paroles et cette annonce de sa maladie qui ne lui donne guère de chance de survie. Tel un loup blaisé, au bord de la mort, il se retire de la vue de ceux qui l'ont toujours connu fort et invisible. Mourir dans la dignité en se réfugiant dans les bras de la solitude.

Tant de joie gâchée, tant d'amour refoulé et tant de bonheur perdu Papa, alors que la vie ta ramené à ma porte... telle une litanie qui résonne en mon fort intérieur, une question m'obsède:

- " Pourquoi Papa ? Pourquoi maintenant ? ... "

La dernière fois que tu étais à mes côtés, c'est lorsque je devais épouser Avigdor ... face à mes réticences tu n'as eu de cesse de me rappeler que je devais absolument éviter le « Akoum ». Ton souci a toujours été de m'inscrire dans le judaïsme selon une compréhension et une tradition Ashkénaze trop radical à mes yeux.

Tous mes prétendants non juifs étaient à tes yeux dans une forme d'idolâtrie. Tu me rappelais souvent que rien n'est facile sur le chemin de l'union pour former un couple. Je me souviens encore de ce passage du Talmud Sanhédrin 22a : « Le mariage, enseigne Rabbi Yohanan, est plus difficile que l'ouverture de la mer rouge ». Tu aimais me titiller en jouant sur les sources est ce dans la  Mishna ou la Guemara ...

Je ne sens plus mon corps, ma tête , envoutée par des acouphènes donnant le vertige, une chaleur s'empare de moi. Dans les bras de Süleyman, mon corps se relâche, je ressens une sensation de malaise, de fatigue extrême. Mon regard se trouble comme si un brouillard devant mes yeux s'installait. Je sens une voix douce répéter à plusieurs reprises :

- " Sarah tout va bien ? Sarah vous allez bien ? Sarah vous m'entendez ? "

Impossible de prononcer un mot, une bouffée de chaleur me gagne, remonte tout mon corps, j'ai l'impression de perdre pied... consciente je sens l'imminence de mon évanouissement, les palpitations et l'oppression respiratoire me font sentir des sueurs que je n'avais jamais connu jusqu'à présent... lorsque soudain le sol se dérobe sous mes pieds...

Je me sens porté. À moitié consciente, on me parle mais j'ai du mal à répondre ...

- " Sarah vous m'entendez ? Sarah ? Sarah ?  "

Après quelques minutes, je suis déposé tout en douceur dans mon lit que je devine grâce à l'odeur. Je sens une main déboutonner le haut de ma chemise, suivi d'une caresse humide qui parcourt mon front en glissant le long de mes oreilles et descendre jusque dans le bas de mon cou. Lorsque soudain sa main se poser sur mon visage comme pour m'obliger à sentir... des picotements me gagnent les narines et remontent jusque dans la tête au point de me donner  comme un petit électrochoc, je frissonne ...petit à petit, mon esprit et mon corps se revigorent, le brouillard se dissipe devant mes yeux...

- " Sarah, Sarah ne craignez rien, c'est juste de l'eau de colonne que je vous ai fait sentir pour vous réveiller. "

Le visage de Süleyman se distingue,  penché sur moi, il tente d'estomper mes sueurs... l'air inquiet et attentionné, mon cœur s'anime au point d'en oublier les causes de son état. Les yeux à moitié ouverts, je l'admire de le voir de si près et sentir son souffle, j'en suis toute retournée au point de ne pouvoir quitter ses yeux affectueux et tendres qui m'invitent vers l'horizon d'une bienveillance infinie plein d'amour...

Le dernier trainWhere stories live. Discover now