Je crois que je la haïs, cette figure qui me fixe, de ses yeux tombants et vides qui dévorent tout et ne donnent rien. Des mèches sombres tombent comme deux rideaux de part et d'autre de son visage droit et les deux côtés de sa mâchoire se rejoignent maladroitement, à la manière qu'à le glissement d'une plaque de créer une montagne. J'y cherche de la couleur, quelle qu'elle soit, j'y cherche de la vie mais ses deux orbites bleuâtres n'habitent rien de plus que des yeux à demi fermés dans lesquels viennent se perdre des pupilles de noyer. Des larmes en couleraient si ses joues n'étaient pas si arides. J'aurais pleuré si je ne craignais pas qu'elle boive mes tourments.
Tout meurt dans ce visage, et ses lèvres et ma joie.
Les scientifiques ont depuis longtemps théorisé l'existence de trous noirs, des astres dans lesquels venait s'engouffrer la lumière et dont rien ne ressortait. Quand je regarde dans cette face, je sais qu'ils ont raison. Elle aspire tout de moi, elle le condamne en quelque sorte à errer, emmuré dans cet infini froid et restreint qu'ils appellent corps et que je nomme prison.
Si ces yeux croisent les miens, au détour d'un miroir mal placé ou bien de la glace du salon, il me vient l'impression de m'y abîmer. On parle d’appel du vide.
L'expression plus appropriée, je crois, serait la peur du vide, la frayeur du rien ou même la terreur de l'absence.
