16 décembre
Cheryl
Deux jours.
Cela faisait deux jours que Julie était partie de chez moi comme une voleuse.
Deux jours sans aucune nouvelle de sa part.
Juste le silence.
Dans le fond, je savais que nous n'étions finalement que deux inconnues dont les chemins s'étaient croisés un peu par hasard, mais son silence m'affectait.
Et c'était sans doute pour ça - et sans doute aussi à cause de mon impulsivité légendaire - que je me trouvais sur le seuil de Chez Clémentine.
Je pris une profonde inspiration.
Ne réfléchis pas, Cheryl, tu mérites des explications.
J'expirai brutalement et entrai d'un pas décidé dans le café.
Julie était au même endroit que d'habitude, derrière le comptoir, en train de préparer une commande.
Toujours aussi belle.
Je me dirigeai à grands pas vers elle.
Hors de question de faire marche arrière maintenant.
"Julie !"
L'intéressée releva soudainement la tête et je vis une multitude d'émotions indéchiffrables défiler dans son regard.
"Cheryl...
- On a besoin de parler, toi et moi.
- Je suppose que je n'y échapperais pas. Damien ! Je prends une pause deux minutes."
Son collègue leva son pouce en l'air et Julie m'entraîna dans la petite pièce réservée aux serveurs où nous nous étions réfugiée une dizaine de jours plus tôt.
Je fermais la porte derrière moi et plongeai mon regard dans celui, fuyant, de Julie.
"Ecoute, Julie, je sais que tu ne me dois rien, mais je me suis vraiment inquiétée, quand tu m'as appelée la nuit dernière. Tu semblais vraiment mal, puis t'as disparue d'un coup sans donner de nouvelles et je...
- Je suis désolée, m'interrompit Julie. Je n'aurais pas dû t'appeler ce soir-là, tu n'avais pas à gérer mes problèmes.
- Non, ça ne m'a pas dérangée. Mais..."
Julie leva sa main pour me couper et je m'interrompis. Son regard était dur et froid.
Distant.
Je ne l'avais jamais vu ainsi.
Elle semblait inaccessible.
"Si. Je n'avais pas à t'appeler et je le regrette. Et je suis désolée si je t'ai fais espérer quoi que ce soit, mais il ne se passera jamais rien entre nous. Je ne suis pas faite pour toi, Cheryl."
J'entrouvris les lèvres pour répondre mais aucun mot ne sortit.
Julie ne voulait pas de moi ?
La jeune femme me lança un dernier regard, vacillant, et passa près de moi pour sortir.
La main sur la poignée, elle souffla :
"Trouve quelqu'un qui te mérite, s'il-te-plaît."
Je ne me retournais pas.
La porte se referma doucement derrière moi tandis que des larmes silencieuses roulaient sur mes joues.
Pourquoi cela faisait si mal ?
J'aurais dû ne rien ressentir pour cette inconnue rencontrée par hasard.
Alors, pourquoi ce poignard entre les côtes ?
Pourquoi cette boule dans la gorge ?
Pourquoi ?
Je me sentais prise dans la tempête de mes sentiments indomptables.
Prise dans la tempête du mal-être de Julie.
Prise dans nos tempêtes qui s'entrechoquaient.