Comment J'ai Ressuscité Mon A...

By ThomasHercouet

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Suite de Comment J'ai Tué Mon Ange Gardien disponible en librairie et en ligne ici : https://bit.ly/AngeCouic... More

Notes de Charles
01 - La Remplaçante
03 - Un Certain Nombre De Mesures
04 - L'Armée Des Douze Chatons

02 - La Garde De Nuit

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By ThomasHercouet

J'ai froid.

Je n'ai jamais froid quand je dors. Je ne suis pas sensé avoir froid.

La couette. Non, les draps. Je ne les sens plus. Mon bras pèse une tonne, je mets des heures à le déplacer. Je ferme ma main pour rattraper le drap et...

Rien.

Je me tourne, cherche mes yeux. Mes paupières sont verrouillées de l'intérieur. J'ai mal au dos. Je fais tomber mon bras gauche par terre et sonde le sol. Rien que du lino. J'entame une exploration du bout de la paume. Lino. Lino. Lino. Chaussette. Lino. Lino. Autre chaussette. Lino. Lino. Humidité suspecte. Lino. Lino. Lino. Échec.

Mes yeux commencent à voir plus clair. Il fait jour.

Il fait jour ?

Mon cœur sursaute, je me redresse d'un coup.

- Ah ! Enfin !

Devant moi, une grande silhouette très brune me dévisage avec deux verres d'eau dans la main. J'articule péniblement.

- Bonjour Faustine.

- Tu te réveilles juste à temps !

- C'est gentil, j'ai pas soif.

- Ça n'est pas pour boire. Retirer le drap et te souffler dessus ne marchait pas.

D'où le froid, qui aurait pu être pire.

Je me lève, j'ai mal au ventre. J'ai mal partout. J'essaye de reprendre mes esprits. Dehors, il fait jour, il fait beau. Il fait tard.

Le conseil de discipline est à 14h00. J'ai mis mon réveil à 11h. Je saisis mon portable et l'allume.

Il est 10h56.

Je repose le portable et me tourne vers Faustine qui ne voit pas le problème.

- Bien dormi ? fait-elle diversion.

- Pas vraiment. Et toi ?

- Non.

- T'aurais dû prendre le canapé, on dort vraiment mieux dessus.

- J'ai pas dormi. Je suis un ange gardien. Je n'ai pas besoin de dormir.

Mon téléphone vibre.

- T'as insisté pour avoir le lit alors que tu ne dors pas ?

- Tu adores ton lit, je voulais essayer moi aussi ! Ça m'a bien occupé une demi-heure. Après j'en ai eu marre et j'ai abandonné.

Mon téléphone vibre beaucoup.

- Tu as quoi ?

- J'ai abandonné. Comme tu faisais exprès de dormir et qu'il n'y avait rien d'intéressant à faire, je suis allée prendre l'air.

- Quoi ? J'ai rien entendu !

- Je sais, me renvoie-t-elle dépitée, s'asseyant sur mon lit. Ça a été une grande partie du problème.

Je reprends mon portable.

Je n'ai jamais vu autant de notifications.

- J'ai emprunté ton téléphone aussi. Il n'avait plus beaucoup de batterie. C'est fou comme c'est difficile de trouver des chargeurs en ville. Heureusement que toutes les sonnettes marchaient ! Tu serais surpris de savoir combien de personnes de mauvaise humeur habitent dans le centre.

Il me faut un certain temps pour digérer cette avalanche d'informations dont chaque bouchée est comme un piment rouge enfoncé directement dans mon estomac.

- Tu veux dire, je tente de rationaliser en m'éloignant le plus possible d'un vocabulaire inacceptable dans un repas de famille, que tu es sortie cette nuit et que tu as pris mon portable ?

- Oui. Mais tu ne sors jamais sans ton portable ! Si tu as quelque chose à me reprocher, commence peut-être par montrer l'exemple ?

- C'est MON portable.

- Non, c'est notre portable. Je suis toi et tu es moi, tu te souviens ? Essaye de suivre s'il te plait, c'est fatiguant de se répéter, surtout que je n'ai pas dormi de la nuit.

- Tu m'as dit que tu n'avais pas besoin de dormir la nuit !

- Et alors ? Tu n'as pas besoin d'un téléphone portable pour vivre, pourtant ça a l'air très important pour ton plaisir !

Je la déteste.

- Faustine... Qu'est-ce que tu as fait une fois en ville ?

- Rien ! Je me suis promenée. Plusieurs personnes ont voulu me parler, ça m'a fatiguée. Après, ta batterie s'est déchargée, et comme j'étais perdue j'ai demandé à des gens s'ils avaient un chargeur. Ils m'ont aidée, j'ai retrouvé mon chemin et me voilà !

- Tu es tombée sur des gens ? En pleine ville ? Qui avaient un chargeur ?

- Ne sois pas idiot. Il était 3h du matin. J'ai sonné chez eux.

- Et ils t'ont laissé rentrer ?

- Au début, non. Les dix-huit premiers m'ont crié dessus, mais ils m'ont offert un pot de fleurs et de quoi m'occuper pendant le reste de la nuit. Ils étaient trop timides pour descendre me les donner en main propre. Je les comprends. Je suis très impressionnante.

Je tourne la tête. Un pot de pétunias brisé à la base, un dictionnaire français-allemand et une intégrale de Proust trônent sur mon bureau. Je n'ai jamais eu de fleurs, j'ai fait espagnol LV2 et je déteste Proust.

- Et le dix-neuvième ?

- Il n'a pas répondu. Le vingtième non plus. Le trente-deuxième m'a bien proposé des activités à faire avec ma mère. Je lui ai répondu que je n'ai pas vraiment de mère, que je suis le point de collision entre une âme et toutes les autres mais il n'a rien voulu entendre. C'est là que j'ai réalisé combien les gens qui habitent dans le centre-ville sont fermés d'esprit.

- Je pense que la vraie réponse est plus simple que ça.

- Bref, poursuit-elle, après la quarante-troisième, je suis tombée sur une vieille dame qui a bien voulu m'ouvrir. Elle regardait la télé, sauf que la télé était éteinte. Elle m'a serrée dans ses bras et a commencé à me faire à manger. Elle n'arrêtait pas de m'appeler Stéphanie. Je lui ai dit que je n'étais pas Stéphanie, que j'étais un ange et que j'avais besoin de charger mon portable. J'ai branché le téléphone, je me suis installée sur un fauteuil en attendant. Elle a posé sa main sur mon poignet, et on a regardé la télé. Je suis partie deux heures plus tard, quand elle a enlevé sa main. J'ai rebranché sa télé juste avant de passer la porte.

Son regard s'absente quelques secondes. Elle reprend ses esprits et enchaine.

- En rentrant, j'ai vu que tu avais mis ton réveil à 11h, donc je me suis dit qu'il fallait absolument que je te réveille avant.

- Et tu as bien fait, merci.

Je n'en pense pas un mot, mais je suis trop occupé à faire défiler la soixantaine de notifications. Des applications de poker, de sudoku, d'échecs, des mini-jeux adorables qui hurlent « VOUS NOUS MANQUEZ. DÉBLOQUEZ UNE VIE GRATUITE » parce que j'ai eu l'audace de ne pas y jouer depuis plus de vingt minute, un rappel pour ma leçon d'espagnol du jour, un rappel pour ma leçon de solfège du jour, des demandes d'amis sur une demi-douzaine de réseaux sociaux dont je n'avais jamais entendu parler et d'autres injonctions plus vulgaires les unes que les autres telles que « JeMappelleFaustine, c'est l'heure de votre séance running ! », « FaustineLaMeilleure, un nouveau livre à écouter vous attend ! » ou « JenAiMarreDesFormulaires, un nouveau match est disponible ! »

Je me lève, lui colle mon téléphone sous son visage.

- Tu m'expliques ?

- La dernière là c'est un jeu où on joue au foot avec ses doigts, mais finalement je n'aime pas le foot. Ou les doigts. Un des deux. Je ne sais plus.

Son sourire s'efface quand elle voit que le mien n'a jamais existé.

- Ça va, j'ai même pas installé tant d'applications que ça, il n'y avait plus de place à cause des photos...

- Des PHOTOS ?

J'ouvre la galerie. Et je commence à défiler. Et encore. Et encore. Et encore. Faustine devant un lampadaire. Faustine assise sur un banc. Faustine devant une porte d'entrée. Faustine devant une porte d'entrée et un pot de pétunias par terre. Faustine au milieu de la route. Faustine mal cadrée, Faustine dans le noir, Faustine avec des yeux de manga, Faustine avec des oreilles de lapin, Faustine avec une Pokéball à la place de la tête.

- Tu as pris 534 photos de toi !

- Oui, et donc ? Ça fait beaucoup ? C'est la première fois que je matérialise, il fallait bien que je sache à quoi je ressemble.

- J'ai. Un miroir. Dans ma salle de bain.

- Ça sert à rien les miroirs. Il n'y a qu'un seul angle et on ne peut pas régler la lumière. Avec un selfie, on maîtrise le décor, la prise de vue, l'orientation...

- Les oreilles de chien, les arc-en-ciel au-dessus de ta tête...

- Exactement !

- Je vais tout supprimer.

- NON !

Une note aigüe, mon téléphone vibre. Messenger.

- Des bonnes nouvelles ?

Je me détache de l'écran. Faustine me fixe.

- Oui, ça va, lui mens-je.

- Évidemment que non. Tu as mal au ventre, un début de vertige, tu es debout depuis plus de trente minutes et tu n'as toujours pas faim.

J'aurais presque oublié ce que ça faisait d'avoir un ange gardien.

- C'est ton rendez-vous de 14h ?

- Tu le lis sur ma peau aussi ?

- Bien sûr ! Le lien qui nous unit me permet d'accéder à tes terreurs les plus profondes, à lire dans tes pensées, prédire l'avenir mais surtout à lire ta convocation sur le bureau. Je ne trouvais pas ça très agréable, je l'ai remplacée par les pétunias.

La semaine dernière, j'ai organisé une soirée illégale sur le campus qui a rassemblé plus de 9.000 étudiants. Certains d'entre eux ont fait des malaises, il y a eu des dégradations, les voisins se sont plaints du bruit. L'université, d'habitude prompt à laisser couler trois semaines avant de donner des dates d'examen, a mis un point d'honneur à retrouver les coupables le lendemain dès l'aube.

- C'est vrai que ça peut très mal se passer, mais imagine si ça se passe bien ? Si ça se trouve ils veulent te remercier d'avoir sauvé le campus !

J'ai reçu ma convocation il y a deux jours pour un conseil de discipline devant la présidence de l'université.

- Peut-être qu'ils veulent des informations sur d'autres personnes ? Peut-être que c'est juste un entretien comme un autre ! Ou qu'ils ont besoin de conseils ?

Depuis cette convocation, j'ai la sensation qu'une main a saisi mon cœur et entreprit de le serrer de plus en plus fort. Je ne veux pas penser au pire, et plus je résiste, plus cette main se crispe. Lorsque je cède, cette main envoie une décharge électrique dans tout mon corps.

- Peut-être aussi que ça va bien se passer.

Je cherche des vêtements propres, élégants. Et repassés. Une chemise, pour changer.

- Tu n'y as pas pensé à ça parce que tu es trop concentré sur les termes. « Conseil de Discipline », peut-être que ça veut dire que tu vas voir un jury constitué uniquement de professeurs d'une seule discipline ? Comme « mathématiques ». Ou « poterie ».

Parfois, la main dans ma poitrine monte dans ma tête et me donne un vertige fulgurant. Je n'ai pas envie de penser, j'ai envie de revenir à la soirée d'hier, entre amis, à se promettre de passer plus de temps ensemble. A rester soudés pendant ce dernier mois avant les examens.

- Imagine, un conseil où on te demande de ne faire que de la poterie. Une sorte de test !

Il n'est même pas midi. J'aimerais que les deux prochaines heures disparaissent d'un claquement de doigt et en même temps qu'elles se dilatent sur des années. J'aimerais avoir l'assurance que j'avais hier soir devant les autres quand je leur ai promis d'être fort, de faire semblant de perdre mes moyens pour attendrir le jury.

- Ça va sûrement bien se passer.

Je n'arriverai pas à faire semblant.

- Et ce soir, tu pourras te dire quelque chose comme...

Dans deux heures, je suis renvoyé.

- « Finalement, cette journée n'était pas si mal ! »

---

C'est n'importe quoi ce froid. Il est 18h15 au moment où j'écris ces lignes, dans moins de deux heures il fait nuit et j'ai encore oublié d'acheter des plaids pour me glisser dedans et rien faire au lieu d'écrire et prendre de l'avance, par exemple. D'ailleurs, je crois que j'ai même pas avancé dans No Man's Sky depuis la fin du premier tome alors que c'était une de mes plus belles expériences de jeux vidéo de 2019, au moins. En vrai, depuis un mois, je passe ma vie sur ma liseuse. J'aimerais vous dire que c'est parce que la littérature me happe depuis que j'écris, mais la vérité est plus tragique : j'ai 5 jeux en cours, et je me paye des murs de game over pour chacun d'entre eux. Donc je les boude.

Sur ce, je vais ronger mon seum de ne plus avoir de salon de thé ouvert pour écrire mes chapitres et rester au bureau une heure ou deux pour écrire le prochain. Je sais que si je rentre chez moi, je vais être distrait. Pas par ma liseuse, ça pourrait presque faire partie du boulot, mais par le jeu de cartes Pokémon online sur PC.

Ecrire, c'est pas facile, surtout quand on commence à avoir un bon deck électrique et que les challenges quotidiens se corsent, laissez-moi vous le dire.

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