Lexi et Coma

By AniaJay

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De prime abord, l'ordre règne sur Hynis. Depuis la création de la colonie, il y a 255 années terriennes, les... More

NDA
Chapitre 0
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4 (1/2)
Chapitre 4 (2/2)
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28 (1/2)
Chapitre 28 (2/2)
Chapitre 29
Chapitre 30 (1/2)
Chapitre 30 (2/2)
Chapitre 31
Chapitre 32 (1/2)
Chapitre 32 (2/2)
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
MOT DE LA FIN

Chapitre 11

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By AniaJay

Au moment précis où la navette atterrit, la tête de Coma s’échoue sur l’épaule de Lexi. Un geste qu’il n’aurait jamais fait consciemment, si bien que la recrue Lexi déduit sans peine qu’il a perdu connaissance. L’angoisse, déjà bien installée au creux de son estomac, se voit multipliée. Elle vient de supporter la mort de trois personnes, son esprit refuse d’imaginer dans quels sombres recoins cela l’enverrait, s’il s’avérait que Coma subisse le même sort. Et à Z de les informer, tout à fait posément, qu'il y a une urgence vitale et qu’ils ne disposent désormais que de peu de temps pour agir.

Elle n'a rien le temps de voir venir. Les portes du véhicule s'ouvrent et une paire de mains lui attrape le bras pour la faire sortir, tandis que deux autres personnes placent Coma sur un brancard. Les yeux rivés sur son supérieur, elle essaie d'expliquer la situation, sa voix effleurant les aigus hauts perchés à mesure qu'elle constate que personne ne l'écoute. D'un instant à l'autre, Coma disparaît derrière une double-porte en verre opaque, à l'autre bout du hangar dans lequel ils se sont posés. Derrière elle, l’ouverture encore béante par laquelle la navette est entrée laisse entrevoir un ciel grisonnant tapissé de nuages, mais elle ne la remarque pas. Quand celle-ci se referme, ce n'est pas pour autant que la vue s'estompe : une énorme baie vitrée, aux cadres métalliques massifs, fait office de porte.

On lui tire gentiment le bras, tout en lui expliquant qu'elle va être installée à l’infirmerie, où l'on prendra soin d'évaluer son état.

« Je vais bien ! Je vais bien ! »

Lexi se rend vaguement compte que c’est une femme qui est à ses côtés, qui lui sourit calmement et hoche la tête, comme on écoute un enfant, sans grand intérêt. D’une pression sur le bras, elle enjoint Lexi à la suivre.

« Ce sont les procédures standards, ne vous en faites pas. »

Elle se veut rassurante, mais Lexi n’écoute rien.

« Je vais bien ! Je voudrais rester auprès de Coma.

— Le capitaine va subir une intervention. Nous ne sommes pas en mesure de vous autoriser à ses côtés. Ni de vous donner plus d'informations », anticipe-t-elle en lui faisant traverser, à son tour, une double-porte épaisse qu’elle tient ouverte à l’aide de son dos. « Je suis navrée. »

Les couloirs défilent, sans qu’ils ne présentent aucune particularité. Aucune différence. Rien pour situer un endroit précis du précédent. À intervalle régulier, une porte casse la monotonie des pans de murs entièrement blancs. Et, parfois, une paroi de verre opaque remplace une porte.
Elle se laisse guider, sans insister, après que trois de ses questions n’ont trouvé pour réponse qu’un sourire légèrement contrit et un silence de plomb. La femme ne lui lâche le bras qu’une fois Lexi assise sur un lit. Autour d’elle, un dizaine d’autres, aux draps soigneusement tirés, meublent la grande salle vide. Ils ne sont séparés par rien, comme si le concept d’intimité avait soudain disparu.

« Nous allons simplement vérifier que vous n’ayez pas besoin de soins. Je vous envoie un infirmier. »

Et, sur ces mots, elle disparaît.

Lexi prend lentement conscience du vide qui l’entoure. Une sensation qui se fait bientôt si oppressante que Lexi se lève, incapable de rester immobile plus longtemps. Aucun bruit ne lui parvient non plus, en dehors de son propre souffle qui résonne, aussi bien à l’intérieur de son crâne qu’à l’extérieur, dans la pièce. Un peu plus et elle jurerait qu’elle peut même en entendre l’écho.

Quelque chose ne tourne pas rond, ici.
Le besoin de rejoindre la sortie se fait pressant, d’un coup. La porte n’est qu’un pan de mur à peine différent du reste, qui se démarque par le cadre qui l’entoure, légèrement en relief. Lexi pose une main sur l’emplacement vide où se trouve habituellement la poignée. Comment… ? Elle appuie, pousse, tente de faire bouger la porte, d’une manière ou d’une autre. Elle remue même les bras, recule puis avance, à la recherche d’un capteur de mouvements. Rien n’y fait.

« Ouverture des portes », ordonne-t-elle en désespoir de cause.

Pas de réponse, bien sûr. Ç’aurait été trop facile.

Ses yeux parcourent rapidement la porte, le cadre, et tombent sur un petit panonceau rectangulaire, accroché sur le côté droit, modelé dans une sorte de plexi transparent. Il n’est pourvu d’aucune inscription. Lexi s’en approche, plaque sa main contre : il s’illumine aussitôt d’une lueur rouge et s’orne d’une inscription fataliste : « Accès refusé ».

« Et merde », lâche-t-elle en soupirant.

C’est alors que la voie se libère, que la porte coulisse pour laisser entrer un homme au visage doux et serein. Ses sourcils fins se relèvent quand il tombe nez à nez avec Lexi, manquant lui rentrer dedans - ce qui se serait produit pour peut qu’il eût été déconcentré.

« Matricule 0513-A ? Vous devriez être allongée sur un lit...

— Comment savez-vous qui je suis ?

— Nous avons remonté les enregistrements de votre connexion au réseau. »

L’homme s’approche d’elle, la porte se referme automatiquement et il l’enjoint, d’un geste, à s’asseoir sur le lit le plus proche. Elle obtempère, tandis qu’il continue :

« Cependant, il s’est produit une déconnexion… inhabituelle. Vos constantes se sont emballées et, d’un seul coup, nous vous avons perdue. »

Son regard la scrute, plus insistant, bien que ses traits restent tout à fait égaux. Lexi préfère garder le silence, mal à l’aise. Quelque chose lui fait douter des bonnes intentions de cet homme.

« Que s’est-il passé ? » demande-t-il de but en blanc.

Il lui faut un instant pour regrouper ses pensées.  Des bribes de phrases lui reviennent, notamment celles de Coma la mettant en garde contre la Haute Autorité, au Gunpowder. Et ce n’est pas pour l’aider à se sentir plus à l’aise.

« Je ne sais pas, répond enfin Lexi. Je me suis pris les pieds dans un câble électrifié et j’ai perdu connaissance.

— Et à votre réveil ?  

— Je… Coma m’a récupérée.

— Je vois. Le Capitaine 3688-S a été blessé à l’abdomen, que pouvez-vous me dire à ce sujet ? »

Il tend une main en direction de l’épaule de la jeune femme, où se trouve encore l’espèce de gélatine collante, agglutinée contre la plaie qui, elle, a disparu. Les yeux de l’homme se teintent soudain d’une couleur rouge, parfaitement inhumaine, et il les fait glisser sur le corps de Lexi, de la tête aux pieds, s’arrêtant parfois plusieurs secondes avant de continuer la descente. Il ne ressemble en rien à ces clients irrespectueux qu’elle a déjà vu se faire expulser du Gunpowder : son visage reste impassible, comme si on lui avait soudainement enlevé la capacité de montrer la moindre expression. Les traits efféminés de son visage se retrouve soudain statufiés. Et, alors que Lexi esquisse un mouvement de recul, le rouge se change en son marron d’origine.

« Qu'est-ce que...

— Ce n'est que la procédure, ne vous en faites pas. Je vérifie que vous n'ayez rien.

— Mais...

— Pouvez-vous répondre à ma question, je vous prie ? »

Elle peine à retrouver la question, justement. Au lieu de quoi, elle scrute – un peu malgré elle – le regard de son interlocuteur. Ce dernier se racle la gorge et Lexi détache son attention des iris désormais banals, tandis qu’il insiste :

« Comment le capitaine s'est-il retrouvé blessé ?

— Je ne sais pas... Il était déjà dans cet état quand je me suis réveillée.

— Et il ne vous a rien dit ?

— Non. Il n'est pas exactement un grand bavard. »

S’il doute de ses dires, il n’en montre rien. Son visage se fend d’un sourire, il affirme qu’il comprend – mais que comprend-il, cela reste un mystère – et il se lève.

« Vous pourrez sortir d’ici dans trois heures, le temps que votre corps récupère un peu. Prenez ça et dormez, sans quoi, nous serons obligés de vous garder plus longtemps. »

Il sort de la poche de son pantalon une petite gélule encore emballée dans son support stérile et la pose sur le lit, non loin de l’oreiller. Puis il disparaît aussi sec, laissant planer derrière lui une traînée de doutes et d’interrogations. La seule chose dont Lexi est sûre, c’est qu’elle ne prendra pas ce comprimé.

Le vide reprend ses droits, devient aussi lourd qu’il peut l’être, et rend la salle oppressante. Si elle pensait l’avoir expérimenté quelques minutes plus tôt, elle constate s’être trompée : maintenant, c’est bien pis. Qu’est-ce qui lui a pris de mentir ? Et s’ils interrogent Coma à son réveil ?

Que risque-t-elle ? Se faire virer à peine entrée ? Elle pourrait tirer un trait sur Hayden, sur son besoin de se prouver sa vraie valeur, de se sortir de cette vie brinquebalante. Oh, si cela devait mal tourner, Tucker la reprendrait sous son aile, elle le sait bien. Mais elle n’est pas là, la vie qu’elle veut mener. Quelque part, elle a envie de croire qu’elle peut faire plus, aspirer à autre chose et réussir. Pour une fois, réussir.

Le plafond monochrome, sans la moindre imperfection, finit par l’ennuyer et, malgré le conseil avisé de l’infirmier, elle ne reste pas allongée, à se reposer. Son cerveau s’emballe, probablement un peu trop ; ce n’est pas dans ses habitudes de cogiter de la sorte. En outre, le fait de n’avoir aucune nouvelle du capitaine aide le stress à s’insinuer doucement. Pourquoi, elle l’ignore… Sans doute une forme de culpabilité qui continue de ronger petit à petit les morceaux de sa raison.

Lexi se lève, un peu plus brusquement qu’elle ne l’a prévu. La tête lui tourne, elle se cramponne aux draps désormais froissés et patiente quelques instants, le temps que la sensation s’estompe. Elle s’autorise ensuite une inspection minutieuse de la pièce, n’ayant rien de mieux à faire. Chaque tiroir des commodes métalliques qui bordent les lits y passe. Tout est vide. À croire que jamais personne n’a mis les pieds ici, auparavant. L’odeur aseptisée qui l’a accueillie tout à l’heure, dont elle s’est déjà accoutumée, ne fait qu’appuyer un peu plus cette hypothèse.

Quant aux deux grands placards, à l’entrée de la salle, s’ils contiennent quelque chose d’intéressant, Lexi n’est pas près de le savoir. Elle triture encore l’une de leurs portes, se demandant si le moment est opportun pour s’essayer au crochetage. Elle avait vu ça dans un vieux film, un de ceux qu’Hayden avait déniché, encodé sous forme de « DVD » : du matériel rance à souhait. Son frère était obnubilé par ses vieilleries. Quand il parvenait à mettre la main dessus, il était aussi excité que si on lui avait annoncé la découverte d’une nouvelle planète. 

Mais pour s’essayer au crochetage, remarque-t-elle en levant les yeux au ciel, il faudrait qu’il y ait une serrure. Or, les portes sont parfaitement lisses, que ce soit celles du placard ou toutes les autres, d’ailleurs. En général, dans les habitations lambda, ce sont les poignées qui détectent les empreintes digitales des occupants et permettent l’accès au domicile.

« Mais qu’est-ce que tu fiches ? »

Lexi sursaute, se redressant d’un bond, tout en s’éloignant de la paroi. Un quart de tour et la voilà nez à nez avec un capitaine sceptique, les sourcils arqués et le visage fermé.

« Coma ! »

Sa voix a grimpé dans les aigus, incapable de choisir entre le choc et le soulagement. Coma jette un œil à l’extérieur, à droite, puis à gauche, avant d’entrer et de fermer la porte derrière lui en esquissant un geste de la main.

« C’est Capitaine, Matricule 0513-A. Combien de fois dois-je te le répéter ?

— Autant de fois que nécessaire, parce que je m’en fous, Coma, réplique-t-elle en appuyant sur son nom. J’étais inquiète ! T’as pas idée de t’évanouir comme ça sur mon… »

Elle s’interrompt d’elle-même, lorgnant sur les abdos de son supérieur – sans les voir, bien sûr, puisqu’ils se trouvent cachés sous un haut ample, à manches longues. Dubitative, elle demande :

« Tu as perdu énormément de sang, comment tu peux être sur pied aussi vite ?

— Ça n’a pas d’importance, soupire-t-il en se passant une main sur la figure.

— Pas d’importance ? Il ne faut pas être bardé de diplômes pour reconnaître une plaie profonde, râle-t-elle, piquée au vif.

— Tu t’es fait des idées, ce n’était pas grand-chose et nous avons une bonne équipe médicale. »

Coma s’avance, contenant à peine un rictus, quand gronde déjà l’avertissement :

« Tu devrais apprendre la discrétion, Walberg. Et cesser de poser des questions. Interroger ne fait pas partie de tes prérogatives. Je te l’ai déjà dit, tu te tais et tu obéis. Ou tu vas finir par nous attirer de sérieux ennuis. »

Il n'a pas cessé de se rapprocher, son regard orageux planté dans celui de Lexi. À aucun moment n'y a-t-elle perçu autre chose que cette menace latente qui semble retentir comme une sirène, loin, bien loin dans le décor d'une ville encombrée et bruyante. Coma est peut-être un excellent dissimulateur, le fait est qu'elle ne discerne aucune trace de douleur dans ce regard d'acier. Rien que le froid d'un métal qu'elle préfère ne pas approcher. Toutefois, cela n’empêche pas Lexi de s'offusquer :

« En attendant, les ennuis, c'est toi et ton équipier qui les avez attirés ! »

Sans même s'en rendre compte, elle a fait un pas en avant et a machinalement écrasé son index sur le torse de l'homme. Ce dernier se fige et, une seconde plus tard, recule, réinstaurant entre eux une distance raisonnable.

« Si tu n'avais pas enfreint le premier article de l’Ordre Intérieur, tu n'aurais jamais mis les pieds dans ma navette...

— Oh, donc tout est de ma faute ? Pour ta gouverne, si tu n'étais pas entré dans ma loge sans permission, je... Et qu'est-ce que tu es allé faire dans ma loge, d'abord ?! Je ne sais toujours pas comment tu y es entré ! »

Il s'adosse contre le placard, un air suffisant peint sur le visage.

« Tu sauras que je vais absolument où je veux, quand je veux. »

Comme pour appuyer ses dires, il tapote l'insigne de la garde décorant l’extrémité de sa manche gauche. Sur le tissu bleu nuit, la flèche dorée est difficile à manquer.

« Je n'ai pas pour habitude qu'on me refuse quoique ce soit », conclut-il en fixant Lexi, droit dans les yeux.

Ce côté hautain la fait tressaillir ; il lui met les nerfs en pelote. Si elle pouvait, elle lui ferait avaler son sourire satisfait et son air de parfait capitaine de pacotille.

« Tu ne réponds pas à la question ! rebondit Lexi, sans se démonter.

— Non, effectivement. »

Et ça ne lui pose apparemment aucun problème ! Cet espèce de bloc de glace prétentieux, ce rustre qui se croit tout permis ! Ce... ce...

« Puisque tu n'as pas à poser de questions », lui murmure-t-il à l’oreille, clairement amusé par la situation.

Quand est-ce qu’il s’est rapproché à nouveau ? Lexi s'éloigne aussi vite que possible, contournant la personnification de l’arrogance pour le laisser seul face au placard. C'est ça, où risquer de lui coller sa main dans la figure, sur l'impulsion d'une colère grandissante.

Décidément, son statut de recrue ne lui plaît pas. Si on lui avait dit qu'elle risquait de se confronter à des types de sa trempe, aussi imbus de leur personne, elle aurait peut-être réfléchi à deux fois avant de s'engager... Ou pas. Non, soyons sérieux un instant, cela n'aurait probablement rien changé à sa décision.

Une fois son espace vital recouvré, Lexi file se planter, droite comme un piquet, devant la porte d’entrée de l’infirmerie – qui refuse toujours de s'ouvrir pour elle, bien sûr. Pas pour longtemps, ceci dit : bien qu'elle n'ait pas eu à prononcer le moindre mot, la pièce s'ouvre sur cette liberté tant convoitée. Seul lui parvient, dans son dos, le ricanement agaçant qui lui fait grincer des dents, presque au sens littéral.

« Envie de voir du paysage, recrue ? »

Par-dessus son épaule, Lexi lui décoche un regard peu amène, de ceux dont elle a le secret et sur lesquels elle décide qu'il a désormais l'exclusivité. Elle reste coite, toutefois, bien décidée à lui montrer qu'ils peuvent être deux à faire office de la plus agréable présence qui soit.

Coma la dépasse et, refusant de prendre le risque d'être laissée pour compte, à la merci de ce dédale de corridors immaculés, Lexi lui emboîte le pas. Quelques minutes, pas plus, se promet-elle intérieurement, juste le temps de se familiariser un peu avec l'endroit pour mieux lui fausser compagnie. Mais les murs s'allongent, les tournants s'enchaînent et elle se retrouve bien vite aussi perdue qu'à l'aller : lui ordonnerait-on de retourner seule à l'infirmerie qu'elle en serait bien incapable. Impossible, même, de demander son chemin. Les couloirs sont aussi vides qu'un fichu cimetière... et tout aussi sinistres.
Comment font-ils, tous, pour se repérer dans cette maudite Tour ?

Les grandes enjambées du capitaine lui font presser le pas, dans l'espoir de limiter la distance qui se creuse entre eux. Alors qu'elle trottine, désormais, Lexi se retient de grommeler pour lui demander où est-ce qu'il va comme ça. Elle note l'aisance avec laquelle il se meut et une autre question lui brûle les lèvres. Elle a retenu la première, mais la seconde fuse :

« Mais comment tu... »

Le dos en béton armé – elle l'aurait juré – qui rencontre sa mâchoire et son torse, d'un seul coup, lui coupe la parole. Lexi ricoche légèrement, comme un ballon dégonflé balancé mollement contre un mur. Elle ne rebondit pas vraiment, si bien qu'elle ne perd pas l'équilibre. Seul point positif dans cette violente rencontre : ses fesses n'auront pas à souffrir le même traitement que sa mâchoire. Elle se masse doucement le menton, désorientée.
Coma lui ouvre une porte et l'invite à entrer, d'un mouvement de tête. Imperturbable, comme s’il n’avait rien senti. Ah, ça ! Ce n'est pas lui qui aurait bougé d’un demi millimètre, on s’en doute ! Quand leurs regards s'accrochent, c'est pour se jauger en silence. Cet échange ne dure pas plus de quelques secondes, au bout desquelles Lexi pénètre dans l'obscurité, s'attendant à ce qu'un détecteur de mouvement allume la lumière aussitôt.

Au lieu de quoi, la porte se referme dans un chuchotis typique et la recrue se retrouve plongée dans le noir le plus complet. Et seule, remarque-t-elle soudain.

Elle fait volte-face, frappe la cloison du plat de la main, rugissant au passage :

« Qu'est-ce que c'est que cette blague ? »

Un petit rire, étouffé par la séparation, lui parvient. À Coma d'expliquer, tout naturellement :

« Une nuit en détention, Matricule 0513-A. »

La sanction lui revient en mémoire aussi vivement que l'injustice qui l'a déclenchée. Et ce n'est même plus la nuit, là, le soleil s'est levé ! Elle peine à retenir un nouvel élan de colère. Ce type lui fait perdre les pédales. Elle se rappelle de respirer profondément et prend même un ton respectueux – ou quelque chose s'en rapprochant.

« Capitaine... Vous pourriez sans doute lever la sanction, au vu des événements que nous avons tous deux traversés ?

— Je pourrais. Bien essayé. Mais non. Les règles sont les règles. »

Lexi ferme les yeux, colle le front contre la froide paroi. Sa fraîcheur apaise un peu le feu de la révolte. La fatigue de cette nuit agitée aide sans doute aussi à ce que le calme revienne doucement. Surtout, ne pas en rajouter, scande-t-elle en son for intérieur.

« Si ça ne tenait qu'à moi, tu sais, j'aurais fait les choses autrement », croit-elle l'entendre dire.

Un silence s'installe et Lexi se dit que Coma a dû s'en aller, sans un mot, c'est bien son genre. Elle se laisse glisser au sol. Sa crainte de se déplacer dans le noir et de heurter quelque chose l'empêche de bouger plus amplement.

« Tu as fait du bon boulot, pour une première mission improvisée, félicitations. »

Félicitations ? D'avoir vomi ses tripes ou pleuré toutes les larmes de son corps ? D'avoir été incapable d'agir pour sauver des vies ? C'est ça, qu'il faut féliciter ? Amère, elle garde le silence.

« Il vaut mieux que ça ne se sache pas, ceci dit », ajoute Coma.

Trop heureuse de pouvoir enchaîner sa culpabilité, Lexi rebondit sur la remarque de son supérieur et lui en demande la raison.

« Encore tes questions..., râle-t-il.

— Si je dois faire preuve de discrétion, Capitaine, tu devrais pouvoir m'accorder cette réponse. Non ? »

Il avait probablement plus à perdre qu'elle, dans cette histoire, sans quoi il n’aurait pas insisté.

« Soit. C'est une précaution. Tu n'étais pas censée intervenir. »

Interdite, Lexi s'interroge intérieurement.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Oh... ou peut-être pas si intérieurement que ça.

« Exactement ce que je viens de dire : que tu n'étais pas censée intervenir. Et il vaut mieux éviter que cela ne s'ébruite, surtout auprès des autres recrues. »

Le temps qu'elle fasse quelque chose de cette information qu'il ajoute :

« On viendra te chercher dans dix heures. Repose-toi, en attendant. »

À croire que c'était le mot d'ordre, par ici. Mais, cette fois, Lexi n'a pas l'intention de contester. Même si le bitume et le froid ne sont pas tout à fait les alliés d'un sommeil paisible. Finalement, elle aurait préféré l'infirmerie déserte et son odeur d'antiseptique.

Avant que la fatigue ne l'emporte, elle se surprend à se demander pourquoi tout est tellement vide, ici.

***-***-***

NDA :
Heeeey !
Mais que voilà, ne serait-ce pas un nouveau chapitre ? :O
Bon, j'ai un peu peur que WP m'ait foiré mes paragraphes et que le texte manque un peu d'aération, j'espère que ce n'est pas le cas (sans quoi, je m'empresse de corriger... Mais si vous lisez ça avant que j'aie pu m'en charger, désolée !)

Concernant le récit, on commence la découverte d'un lieu important, vous en saurez plus au chapitre suivant. J'espère que ça vous intrigue déjà, tout ça ! :D

Merci aux anciens, toujours fidèles, et aux nouveaux qui prennent le temps de voter, c'est très motivant. ♥️

Comme d'habitude, n'hésitez pas à me laisser vos avis, surtout. Et à bientôt pour la suite ! :D

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