Ce Que Tes Émotions Leur Font

De RyanBadye

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« Tu ris, tu pleures, tu cries, tu te caches... Oui, tes états d'âmes te définissent aux yeux des autres. Tes... Mai multe

Avant-Propos
- Ce Monde -
~ Prologue ~
*Fiche Univers*
Note
A.M.B.I.T.I.O.N. / Souvenir (1/4)
E.N.V.I.E. / Souvenir (2/4)
B.A.T.A.I.L.L.E. / Souvenir (3/4)
A.L.P.H.A. / Souvenir (4/4)
*PARTIE I : Alpha Et Son Monde - Lodart -
Chap I : Ce Qui Leur Est Arrivé (1/2)
Chap I : Ce Qui Leur Est Arrivé (2/2)
Chap II : Ce Qui Tue Les Hommes (1/3)
Chap II : Ce Qui Tue Les Hommes (2/3)
Chap II : Ce Qui Tue Les Hommes (3/3)
Chap III : Le Talent D'un Aventurier (1/3)
Chap III : Le Talent D'un Aventurier (2/3)
Chap III : Le Talent D'un Aventurier (3/3)
Chap IV : Intrigue (1/2)
Chap IV : Intrigue (2/2)
Chap V : Les maux de l'humanité (1/4)
Chap V : Les maux de l'humanité (2/4)
Chap V : Les maux de l'humanité (3/4)
Chap V : Les maux de l'humanité (4/4)
Chap VI : La Pièce Qui Emporte Le Tout (1/3)
Chap VI : La Pièce Qui Emporte Le Tout (2/3)
Chap VI : La Pièce Qui Emporte Le Tout (3/3)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (1/4)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (2/4)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (3/4)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (4/4)
Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (1/3)
Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (2/3)
Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (3/3)
Chap IX : Eskiell (1/4)
Chap IX : Eskiell (2/4)
Chap IX : Eskiell (3/4)
Chap IX : Eskiell (4/4)
Chap X : Nsenga (1/4)
Chap X : Nsenga (2/4)
Chap X : Nsenga (3/4)
Chap X : Nsenga (4/4)
Chap XI : Selfor (1/2)
Chap XI : Selfor (2/2)
Chap XII : Bordos I (1/4)
Chap XII : Bordos I (2/4)
Chap XII : Bordos I (3/4)
Chap XII : Bordos I (4/4)
Chap XIII : Bordos II (1/3)
Chap XIII : Bordos II (2/3)
Chap XIII : Bordos II (3/3)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (1/4)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (2/4)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (3/4)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (4/4)
Chap XV : Ce Qui Dévore Notre Amour II (1/3)
Chap XV : Ce Qui Dévore Notre Amour II (2/3)
Chap XV : Ce Qui Dévore Notre Amour II (3/3)
- T.R.A.N.S.I.T.I.O.N. I -
- LES E-MOTIOS -
- LES MISES À NOUVEAU -
*PARTIE II : Alpha Et La Toile - Les E-motios
Chap I : Ce Qui Nous Dévore Depuis Le Commencement (1/3)
Chap I : Ce Qui Nous Dévore Depuis Le Commencement (2/3)
Chap I : Ce Qui Nous Dévore Depuis Le Commencement (3/3)
Chap II : La Toile (1/3)
Chap II : La Toile (2/3)
Chap II : La Toile (3/3)
Chap III : Une raison de vivre (1/2)
Chap III : Une raison de vivre (2/2)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (1/4)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (2/4)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (3/4)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (4/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (1/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (2/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (3/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (4/4)
Chap VI : La Raison D'une Mort (1/3)
Chap VI : La Raison D'une Mort (2/3)
Chap VI : La Raison D'une Mort (3/3)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (1/4)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (2/4)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (3/4)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (4/4)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (1/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (2/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (3/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (5/5)
Chap IX : Piège (1/3)
Chap IX : Piège (2/3)
Chap IX : Piège (3/3)
Chap X : Ce Qui Se Casse En Nous Et Qui Nous Rend Unique (1/2)
Chap X : Ce Qui Se Casse En Nous Et Qui Nous Rend Unique (2/2)
Chap XI : Un Peu De Chance (1/2)
Chap XI : Un Peu De Chance (2/2)
Chap XII : Les Agents De La Fin
Chap XIII : Retrouvailles (1/2)
Chap XIII : Retrouvailles (2/2)
Chap XIV : Ce Qui Donne La Force De Continuer I (1/2)
Chap XIV : Ce Qui Donne La Force De Continuer I (2/2)
Chap XV : Ce Qui Donne La Force De Continuer II (1/2)
Chap XV : Ce Qui Donne La Force De Continuer II (2/2)
*Partie III : Alpha Et Ses Émotions - La Flamme d'Atlanta
Chap I : Les Émotions (1/2)
Chap I : Les Émotions (2/2)
Chap II : L'E-motio De l'Espoir (1/3)
Chap II : L'E-motio De l'Espoir (2/3)
Chap II : L'E-motio De l'Espoir (3/3)
Chap III : Le Sanctuaire Des Colossaux
Chap IV : La Décision d'Alpha (1/2)
Chap IV : La Décision d'Alpha (2/2)
Chap V : La Cérémonie (1/2)
Chap V : La Cérémonie (2/2)
Chap VI : Le Face-à-face Final (1/2)
Chap VI : Le Face-à-face Final (2/2)
Chap VII : Le Sourire d'Alpha (1/2)
Chap VII : Le Sourire d'Alpha (2/2)
Épilogue - Le commencement -
Fin
Glossaire

Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (4/5)

38 11 110
De RyanBadye

Je vois un mur blanc. Il n'y a rien d'autre. Puis, une rumeur et des gloussements me parviennent. Ce sont des femmes. L'une d'entre elles attire l'attention de sa collègue sur la banalité d'un personnage :

— Tu te souviens de Tegusa, mon ancien administrateur de fond public ?
— Ah oui, le beau brun ?
— Oui, il a eu un p'tit problème là où tu penses... et tu sais quoi ? Il s'en est pris à son médecin parce que ce dernier ne lui trouvait pas de remède immédiat. Si tu l'avais vu, il est devenu hystérique. Il a failli rompre le cou du médecin, le pauvre...

Je perçois de nouveaux gloussements. Elle se remet à parler :

— En tout cas, quoi qu'il arrive, il sera mieux que la serpillière ambulante, murmure-t-elle.
— Chut ! Il n'est pas loin, il pourrait t'entendre...
— Et alors ? Ça ne lui donnera pas meilleure allure ?

Un second gloussement. Des bruits de pas s'ensuivent. L'instant d'après, c'est le noir total. Mais une voix dure et rauque, une voix d'homme déchire le silence :

— Eh, La serpillière... Qu'est-ce que tu regardes ?

J'entends des pas sur le carrelage, suivis d'offenses mal venues à l'encontre d'un homme, dont les secousses physiques me parviennent nettement.

— T'es même pas foutu de sourire. C'est ton boulot, non ? Allons, souris... Eh, serpillière ! Tu m'écoutes ?

Je perçois de nouveaux pas. La même voix rauque reprend de plus belle :

— C'est ça, casse-toi ! On a une réunion dans deux minutes. T'as de la veine, mais ce soir, prépare-toi à morfler, p'tite puce.

Encore des rires, alors que mon décor ne daigne changer. Une voix plus brisée continue. Je devine qu'il s'agit d'un autre moment :

— Écoute, Karyo ! Si tu veux conserver ton boulot, il te faut être plus efficace et rapide.

Par la lenteur et la cassure de la voix, je devine un homme âgé. Soit un chef de service, soit un collègue de travail. Il parle avec moins de sévérité, mais cela sonne tout comme.

— Et tu vois, devoir ralentir le pas ne t'accordera rien. On pourrait donner ce job à un ado pour dix centimes, il irait plus vite. Écoute, je sais que tu traverses une mauvaise passe, mais fais preuve de professionnalisme. Quand un de ses gosses de riches s'en prend à toi, fais en sorte de ne pas le contrarier et de te dépêcher, car l'heure tourne. Est-ce que tu peux au moins comprendre cela ?

Répond alors une voix balbutiant avec un soupçon d'harassement et de profond respect :

— Oui, Monsieur Ohtomo. Je vous promets que cela ne se reproduira plus.

—————dépression—————

Le cadre sombre fait place à un couloir où un homme marche le front incliné, le visage grave, les lèvres sèches. Il porte une jaquette d'un jaune terne et possède une coiffure en boule. Il lève de temps à autre la face pour s'orienter. Il tourne jusqu'à atteindre une porte que je devine être celle en face de moi.

La poignée s'abaisse. Un homme pénètre. Il a les traits bourrus, il a le nez cassé et la lèvre marquée d'un trait rouge distinct — Il a été battu. Il se dirige dans ses toilettes en jetant sa jaquette sur son lit encore défait. Il rentre dans la pièce et s'assoit sur son lit rapidement. Il se presse d'ouvrir son tiroir, en retire les seringues ainsi qu'un paquet transparent que je me figure être sa dose quotidienne. Je l'observe profiter des premières secondes du liquide qui le pénètre. Il lève la tête en entrouvrant la bouche, les paupières plissées.

Il s'adonne à un relâchement de son buste. Il plie sous l'extase avant de se plaquer contre le bois de son lit, la tête sur le petit meuble.

Je plonge dans ses souvenirs : j'y vois le mutisme de ses camarades de classe, face aux accusations portées à son encontre. J'aperçois un cartable déchiré et complètement mouillé. Il baisse la tête sans répondre à son professeur alors qu'il lui arrive de jeter un œil suppliant à toutes les âmes susceptibles de dire la vérité.

Il grandit et revit la même chose. On lui demande de faire un choix. Celui de ses prochaines études. La pression familiale, le regard sévère de son père et le silence de sa mère. Ses cousins prospérant, son grand-père ne l'invitant plus, ses ballades seul dans la ville, à contempler des couples se tenir par la main. Ses accrochages avec des ivrognes, le poids de ses années, les entretiens d'embauche ratés. Le mot échec répété à longueur de journée. L'homme, adossé au mur d'une échoppe pleure jusqu'à perdre la voix. Mais pas une seule fois, il n'a pu le dire à quelqu'un, parce que personne ne l'écoutait... et personne ne l'écoutera jamais.

Le flash stoppé, je considère les boules noires tournant autour de Karyo Nakishima, trente-deux ans, homme à tout faire de Jingle Suki et nettoyeur dans une entreprise huppée de Tokyo. Il n'en a plus pour longtemps, à ce rythme. Il n'a personne à qui parler, a appris à entretenir ces chocs émotionnels ainsi que ses angoisses en lui, Il n'a jamais pu tenir face à n'importe qui et surtout n'a jamais osé se remettre en question.

Le voilà assis sur un lit d'où il tente des fois de pleurer sans succès, dans un appartement qu'il déteste, mais qu'il ne peut quitter de peur de se retrouver à la rue, la pièce étant déjà assez chère. Je constate une lumière rouge : il accumule toujours plus de ressentiment. Il finira par exploser à ce stade et à ce moment, deux choix s'offriront à lui. Et ce sont ces deux chemins que je dois à tout prix l'empêcher de prendre.

De la frustration, des larmes repoussées, une acceptation subjective que la vie est un enfer. Il vit un évènement, en souffre en silence et finit par y repenser pour finalement fuir le sujet, revivant ainsi la même journée jusqu'à revenir ici, vautré dans ce lit aux draps beiges. Ces images rémanentes deviennent un cauchemar et l'angoisse le submerge. Isolé du monde, l'homme utilise la seule arme qui lui permet de ne pas atteindre les extrêmes : le refoulement.

Et des Karyo, y en a par dizaine de milliers. Ils ont mal dans leur peau, souffrent continuellement, pleurent intérieurement, se disent fort et donc, refusent d'affronter leur cauchemar. Sauf qu'ils ignorent ce refoulement qui les conduit droit vers la guillotine.

Je m'approche de son corps respirant doucement, au repos. Je m'accroupis pour le contempler de plus près. Je distingue une goutte coulant lentement, creusant son chemin, effort après effort, contenant toute la peine de cette journée symbolisée par la douleur et la honte.

En y repensant, refuse-t-il d'affronter leur supposé cauchemar ? N'a-t-il de cesse de venir les hanter ? Il n'est même pas accordé à ces hommes et ces femmes de souffler. Ils sont traités par plus fort comme des déchets, certains les prennent pour leur souffre-douleur ou leur divertissement, tandis que d'autres les prennent en pitié.

Comment le monde dans lequel tout se devait d'être simple est devenu la cage des misérables, les rongeant tels des corps en putréfaction. Ne le sont-ils pas déjà ? Lorsque la réalité de son soi devient trop lourde à porter, on joue les lâches et l'on se réfugie dans le masquage du problème, mais pourtant, il reste cette part de nous qui connaît la vérité, n'est-ce pas, Karyo ?

Je me redresse, lui enlève la seringue de l'avant-bras avant de le passer à l'horizontale sur son lit. L'expression de son visage las de combattre ne m'émeut nullement. Je l'observe telle une autre de ses vies dont j'ai à charge. Normal lorsqu'on manque les affects habilités à répondre à l'information entrant.

Cette nuit, je le laisse dormir. Il en a grand besoin. En attendant, je me dois d'analyser ma situation : j'ai été attaquée par quatre e-motios dévoreurs. J'ai atterri dans quatre lieux du monde, avec quatre personnes aux soucis à l'égal opposé. Je dois penser à ma situation. Je n'ai pas le temps de me pencher sur la résolution de leur cas et d'ailleurs, je n'ai aucun moyen d'influencer mon temps dans cet espace-temps.

Ayant pénétré dans ce monde sans examiner le canal d'émotion correspondant, je n'ai aucune idée de la manière d'en réchapper. Le seul point positif, c'est qu'à ma sortie, je retrouverai la scène telle que je l'avais laissé.

Je soupire en croisant les bras tout en restant bien droite, face au lit du trentenaire. Un regard vers la drogue me pousse à vouloir briser tous ses moyens de diversion de la douleur. Mais je me rabats sur le lit, en reprenant ma réflexion.

Comment faire pour quitter ce monde sans se retrouver entre deux portes dimensionnelles ? J'ai tenté déjà de m'occuper d'un des quatre et j'espère avoir semé assez de grains pour ne pas devoir refaire ma tâche.

Je me dois de connaître combien de temps je puis disposer pour régler les états affectifs de ses personnages, de savoir où et quand j'atterri dans l'une des quatre faces du globe et enfin, de possiblement profiter de ses interactions pour ouvrir une brèche pour mon retour vers Lodart.

Soudain, ma vue se trouble comme face à une vitre dont l'averse y glisse frénétiquement. Je me redresse et me retrouve soudain dans une cellule, des barres de fer devant moi. Je me retourne et tente de comprendre. Une cuve à gauche, un lit superposé de l'autre, tous deux sont vides. Une odeur de cigarettes et d'effluve corporelle emplit la cloison alors que j'entends des bruits de pas se rapprocher.

— Allez, Brent. Tu as un long championnat demain, espérons que tu puisses trouver le sommeil, achève un homme en uniforme que je devine être le gardien.

Je fais face à un homme à l'uniforme orange, les cheveux bruns et courts, comme un nouveau cadre d'entreprise. Il a un tatouage sur la joue droite tandis que je constate une égratigne sur l'autre. Un trait noir dessinant le dessous de ses yeux. Il a une barbe allant de la partie centrale de son menton jusqu'à sa moustache. Il a un menton carré et un corps taillé tel un catcheur.

Il s'agenouille sur le sol, tire une bible plaqué contre l'un des pieds métalliques du lit et le place face à lui, sur le lit. Malgré l'exiguïté de la cellule, une largeur d'un mètre sépare son lit d'avec le mur. Il abaisse sa tête et se met à prier. J'observe cet acte de véhémence, accompagné de litanie, pendant près d'une heure et demie.

À la fin, il se lève et prend place sur son lit. Il en tire une photo assez vieille et jaunie avec une tâche noire en coin. Dessus, je considère deux jeunes filles avec une femme à leurs côtés. La photo possède une trace sévère inclinée, juste en dessous de la poitrine de la femme. La trace découle d'une habitude à le plier. C'est d'ailleurs ce qu'il fait au bout de trois minutes, perdus sûrement dans ses souvenirs.

La seconde suivante, un flash me parvient : un homme se battant sur une petite arène aux grilles immenses, dans la poussière, venant de mettre à bas son ennemi, tandis que la foule scande son nom, tels des êtres enivrés par ce simple spectacle. Il lève finalement les mains en assurant à tous qu'il est le meilleur et que c'est lui que les dirigeants de la cellule doivent choisir pour les représenter.

Je retrouve mes sens. L'homme m'apparaît nettement. C'est donc un catcheur désirant représenter sa prison, lors d'un tournoi. Je médite sur les multiples nuances lui tournant autour : du bleu, signe d'un espoir, c'est l'une des plus importantes couleurs l'encadrant. Je ne peux me détourner cependant du plus gros de tous, proche de sa tête : du rouge. Il se reproche quelque chose... quelque chose de terrible lui assurant peut-être de rester enfermé ici encore bien longtemps. C'est cet évènement qui ne m'apparait pas qui dévore son sommeil et tourmente son esprit.

À croire qu'ils se sont donné le mot, ma parole, pour dormir quand je cherche des réponses à mes questions. Cependant, je n'accorderai pas ma clémence une seconde fois. Je suis d'ailleurs surprise de constater un cinquième titulaire pour quatre e-motios. La chose n'est pas si inédite.

Un e-motio possède plusieurs ramifications d'où proviennent ses émotions. Il est naturel de tomber sur plusieurs titulaires présentant les mêmes affects, mais dans des conditions distinctes.

Cependant, là, je me suis non seulement retrouvée encerclée par quatre e-motios m'ayant plongés dans leur canal, mais en plus, j'ai droit à des nombres de titulaires indéterminés, nonobstant le fait que je ne puisse pas vérifier lequel de ses dévoreurs est le récepteur. Se pourrait-il qu'il ne s'agisse que d'un seul e-motio, en fin de compte ?

Je me baisse et lui susurre de se lever. Il sursaute et cherche qui peut avoir dit cela. Ne trouvant personne, il se dépêche de couper court :

— Qui est là ? s'écrie-t-il. Homer ?

Aucune réponse. Je ne reste plus murée dans mon silence et décide de perturber sa nuit.

— Je te parle, m'écrié-je, à mon tour.

Il se presse de sortir du lit et à lever ses paumes de mains, tentant de comprendre, le teint pâle. Il se racle la gorge avant de tenter derechef :

— Pas la peine de me poser la question, je vais te répondre... je suis un esprit, je suis ici pour te remettre sur le droit chemin.

Il paraît surpris. Il garde ses mains dans la même position, tout en baragouinant une phrase que je devine être un refus. Je me rapproche de lui et de la jambe gauche, je lui donne un violent coup à son mollet droit. L'homme se recroqueville pour tenter d'étouffer la douleur. Il s'affale au sol en proférant des menaces et en lâchant des jurons à l'encontre de sa douleur, pendant que je me demande si je n'y suis pas allée un peu fort. Je ne tarde cependant pas à continuer sur ma lancée :

— Cesse tes jérémiades. Relève la tête. Je te parle...

Je m'accroupis près de son visage et me décide à ne pas tourner autour du pot :

— Qu'as-tu fait pour te sentir si mal dans ton sommeil ?
— Eh merde ! Mais qu'est-ce...
— Dépêche ! J'n'ai pas ton temps. Plus vite tu parleras, plus vite je te laisserai peut-être tranquille.
—T'es avec lui, c'est ça ? Tu es venu me punir ?
— Ne sois pas stupide, veux-tu ? Tu as donc tué un détenu ?! Quand ? Lors de tes combats dans l'arène ?
— Ce n'était pas moi... Je... Ouh.

La douleur doit être encore sévère. En y repensant, il revient d'un combat éreintant. Il doit vraiment vivre le calvaire, en ce moment. Je fais fi de sa condition et poursuit :

— Qui était-ce ?

Il hésite comme inquiet de relâcher un tel secret.

— N'aie crainte... Personne ne t'entend.
— Ce n'est pas si simple, dit-il, en se raclant à nouveau la gorge.
— C'est simple pourtant. Tu as vu à quel point je pouvais susciter de la souffrance en un clin d'œil, alors... explique-toi ! Qu'as-tu fait de si grave ?

Il se mure dans son silence, regardant vers le sol de sa prison.

— Quoi ? Tu l'as tué et maintenant on enquête sur toi, c'est ça ?
— Non... enfin, oui... C'était une de mes craintes. Ça ne s'est pas passé comme cela. Je suis innocent.
— Dis-moi alors, qu'est-ce qui s'est passé ?

Il se tait un moment avant de débuter son récit :

— Tout a commencé il y a quatorze mois. Un nouveau prisonnier a été transféré dans notre secteur... un trentenaire. Il n'avait pas d'expérience. Il travaillait dans animalerie, on l'a pincé pour meurtre dans l'appartement d'une de ses clients. Un long procès. Autant dire que c'était un bleu. Nous étions plusieurs à le charrier. Pour ma part, je l'avais juste traité de flasque. Mais les choses ont commencé à vite dégénérer. Un jour, on l'a encerclé dans les toilettes, six ou neuf... comme je faisais partie de la bande, j'avais suivi le mouvement. C'est important, en prison, d'avoir un parti, cela vous protège de la marginalisation et des coups perdus. On ne savait pas... Je le jure...

En sentant qu'il s'apprêtait à rentrer dans une phase défensive, je me précipite pour le remettre dans le récit :

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il reste un bout de temps, cherchant ses mots avant de reprendre, plus confiant :

— Lorsque notre meneur, Rob Marshall a commencé à pousser le gars vers une des cabines pour le verser dedans, le gringalet a paniqué. Il a fait des allusions à sa propre mère. Marshall, on le dirait pas comme ça, mais il comprend des fois, les choses de travers et s'emporte rapidement. En croyant qu'il s'agissait de sa mère que le nouveau venait d'insulter, Il s'est mis à le battre. Ce dernier a glissé et... sa tête a percuté une cuve. Lorsqu'on s'est rapproché pour vérifier... il était déjà mort.

Il se tait deux à trois minutes, comme espérant un commentaire de ma part.

— Aujourd'hui, j'ai une chance de pouvoir quitter cet endroit. La world cup machine. C'est le tournoi réunissant les meilleurs des catcheurs de prison du monde et cela m'est accessible. Si je représente la prison au moins jusqu'au demi-tour, j'aurai mon ticket de sortie pour dégager de toute cette merde. Sauf qu'une enquête vient d'être ouverte, il y a quatre mois. Il s'est avéré que cet homme était innocent et ses avocats en avaient réuni les preuves.

Il se met soudain à rigoler frénétiquement. Il s'arrête brusquement et continue :

— Et nous, nous l'avions tué. On a collé au trou, trois des nôtres et notamment Marshall. Mais cela ne leur suffit pas, ils veulent connaître tous ceux qui étaient dans le coup. Alors, je panique. Toutes mes chances de sortie sont compromises par la mort d'un seul homme. Je ne l'avais même pas touché, d'ailleurs. Je désire partir d'ici. J'ai... une fille qui m'attend chez moi. Elle est magnifique. Elle aura quatorze dans six mois.
— Et où est l'autre ? demandé-je, trop curieuse.
— Mon autre fille... s'est faite assassinée par un pédophile. Je l'ai retrouvée quelques mois plus tard grâce à mes relations. Je me suis acharné sur lui jusqu'à ce que mes doigts n'en puissent plus. Mais... au tribunal, on a découvert que j'étais mêlé à du trafic de stupéfiants et j'ai atterri ici. vingt ans. Et je n'en ai même pas consommé la moitié. Si je réussis, je retrouve ma fille et je change ma vie.

Effectivement, il a peur. Mais il est aussi porté par l'espoir. Il aura beau le nier, il se sentira toujours responsable quelque part. Je vois dans son passé, des menaces qu'il a proféré à l'égard de ses complices. Si l'un d'entre eux parlent, il s'assura de rester le dernier de leur bande.

Je me redresse. L'homme n'entendant plus ma voix, s'affole.

— Eh, le fantôme ! Tu es là ?

Je n'ai d'autre choix que de lui trouver une solution. Il devient violent au nom de son amour pour sa fille.

— Tu as le choix de changer ta vie, pourquoi ne pas dire tout simplement la vérité ?
— La vérité ? Je ne sais pas comment t'es morte, mais je sais que t'as pas vécu longtemps sur terre. Les humains s'en contrefichent. Ils cherchent un bouc émissaire.

Il se redresse et se remet sur son lit. Il a l'impression de devenir fou. Le simple fait de le regarder se tortiller en espérant m'apercevoir, me rappelle la lourde tâche qui m'attend à inciter ses titulaires à diriger leurs émotions, vers leur réussite personnelle.

Tandis que je m'apprête à poser le pas pour m'approcher de son lit, mon corps ne me répond plus. J'assiste à un phénomène pouvant glacer le sang de n'importe qui : je dégénère à vue d'œil. Des morceaux de mon corps tombent comme des bouts de terre. Je comprends qu'un transfert est entrain de s'effectuer.

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