Ce Que Tes Émotions Leur Font

By RyanBadye

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« Tu ris, tu pleures, tu cries, tu te caches... Oui, tes états d'âmes te définissent aux yeux des autres. Tes... More

Avant-Propos
- Ce Monde -
~ Prologue ~
*Fiche Univers*
Note
A.M.B.I.T.I.O.N. / Souvenir (1/4)
E.N.V.I.E. / Souvenir (2/4)
B.A.T.A.I.L.L.E. / Souvenir (3/4)
A.L.P.H.A. / Souvenir (4/4)
*PARTIE I : Alpha Et Son Monde - Lodart -
Chap I : Ce Qui Leur Est Arrivé (1/2)
Chap I : Ce Qui Leur Est Arrivé (2/2)
Chap II : Ce Qui Tue Les Hommes (1/3)
Chap II : Ce Qui Tue Les Hommes (2/3)
Chap II : Ce Qui Tue Les Hommes (3/3)
Chap III : Le Talent D'un Aventurier (1/3)
Chap III : Le Talent D'un Aventurier (2/3)
Chap III : Le Talent D'un Aventurier (3/3)
Chap IV : Intrigue (1/2)
Chap IV : Intrigue (2/2)
Chap V : Les maux de l'humanité (1/4)
Chap V : Les maux de l'humanité (2/4)
Chap V : Les maux de l'humanité (3/4)
Chap V : Les maux de l'humanité (4/4)
Chap VI : La Pièce Qui Emporte Le Tout (1/3)
Chap VI : La Pièce Qui Emporte Le Tout (2/3)
Chap VI : La Pièce Qui Emporte Le Tout (3/3)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (1/4)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (2/4)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (3/4)
Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (4/4)
Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (1/3)
Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (2/3)
Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (3/3)
Chap IX : Eskiell (1/4)
Chap IX : Eskiell (2/4)
Chap IX : Eskiell (3/4)
Chap IX : Eskiell (4/4)
Chap X : Nsenga (1/4)
Chap X : Nsenga (2/4)
Chap X : Nsenga (3/4)
Chap X : Nsenga (4/4)
Chap XI : Selfor (1/2)
Chap XI : Selfor (2/2)
Chap XII : Bordos I (1/4)
Chap XII : Bordos I (2/4)
Chap XII : Bordos I (3/4)
Chap XII : Bordos I (4/4)
Chap XIII : Bordos II (1/3)
Chap XIII : Bordos II (2/3)
Chap XIII : Bordos II (3/3)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (1/4)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (2/4)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (3/4)
Chap XIV : Ce Qui Dévore Notre Amour I (4/4)
Chap XV : Ce Qui Dévore Notre Amour II (1/3)
Chap XV : Ce Qui Dévore Notre Amour II (2/3)
Chap XV : Ce Qui Dévore Notre Amour II (3/3)
- T.R.A.N.S.I.T.I.O.N. I -
- LES E-MOTIOS -
- LES MISES À NOUVEAU -
*PARTIE II : Alpha Et La Toile - Les E-motios
Chap I : Ce Qui Nous Dévore Depuis Le Commencement (1/3)
Chap I : Ce Qui Nous Dévore Depuis Le Commencement (2/3)
Chap I : Ce Qui Nous Dévore Depuis Le Commencement (3/3)
Chap II : La Toile (1/3)
Chap II : La Toile (2/3)
Chap II : La Toile (3/3)
Chap III : Une raison de vivre (1/2)
Chap III : Une raison de vivre (2/2)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (1/4)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (3/4)
Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (4/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (1/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (2/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (3/4)
Chap V : Ce Qui Laisse Des Traces (4/4)
Chap VI : La Raison D'une Mort (1/3)
Chap VI : La Raison D'une Mort (2/3)
Chap VI : La Raison D'une Mort (3/3)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (1/4)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (2/4)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (3/4)
Chap VII : Le Passé d'Alpha (4/4)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (1/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (2/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (3/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (4/5)
Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (5/5)
Chap IX : Piège (1/3)
Chap IX : Piège (2/3)
Chap IX : Piège (3/3)
Chap X : Ce Qui Se Casse En Nous Et Qui Nous Rend Unique (1/2)
Chap X : Ce Qui Se Casse En Nous Et Qui Nous Rend Unique (2/2)
Chap XI : Un Peu De Chance (1/2)
Chap XI : Un Peu De Chance (2/2)
Chap XII : Les Agents De La Fin
Chap XIII : Retrouvailles (1/2)
Chap XIII : Retrouvailles (2/2)
Chap XIV : Ce Qui Donne La Force De Continuer I (1/2)
Chap XIV : Ce Qui Donne La Force De Continuer I (2/2)
Chap XV : Ce Qui Donne La Force De Continuer II (1/2)
Chap XV : Ce Qui Donne La Force De Continuer II (2/2)
*Partie III : Alpha Et Ses Émotions - La Flamme d'Atlanta
Chap I : Les Émotions (1/2)
Chap I : Les Émotions (2/2)
Chap II : L'E-motio De l'Espoir (1/3)
Chap II : L'E-motio De l'Espoir (2/3)
Chap II : L'E-motio De l'Espoir (3/3)
Chap III : Le Sanctuaire Des Colossaux
Chap IV : La Décision d'Alpha (1/2)
Chap IV : La Décision d'Alpha (2/2)
Chap V : La Cérémonie (1/2)
Chap V : La Cérémonie (2/2)
Chap VI : Le Face-à-face Final (1/2)
Chap VI : Le Face-à-face Final (2/2)
Chap VII : Le Sourire d'Alpha (1/2)
Chap VII : Le Sourire d'Alpha (2/2)
Épilogue - Le commencement -
Fin
Glossaire

Chap IV : Ce Qui Ne Nous Lâche Pas (2/4)

51 16 163
By RyanBadye

Sur cette note sèche, je lance mon tranchant dans sa jambe gauche, ce qui le pousse à repartir sur un cri de détresse. Le simple fait qu'il se lamente me rappelle à l'ordre. S'il continue à s'égosiller ainsi, il va ameuter tout le district. Je lève mon pied et appuie sur sa face rebutante.

— Ferme-la ! Tes cris de p'tites filles ne me plaisent guère...

En y repensant, ne s'agit-il pas d'une sensation de dégoût, me prenant ? Je suis encore apte à ressentir des émotions pour le moins dissociatives. J'ai perçu en moi une peur mêlée à de la méfiance pour ce perturbé. Et là, je ne souhaite que lui fendre un os ou deux. Est-ce juste de lui en vouloir pour son acte déstabilisé ? Non, mais je réagis à l'instinct. Je désire lui rompre les os et le renvoyer ainsi dans les ténèbres, mais une autre réalité qui fait partie intégrante de notre personne, agit pour notre évolution en bonne société : la morale.

J'ai été élevée à Éris. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'humilier autrui, tout simplement parce que l'on a jamais été soumis à ce genre de spectacle. Nous sommes éduqués à supporter le monde et à valoriser l'autre comme s'il s'agissait de nous-même. Cependant, les règles qui en ont découlées pour ma part, sont que je suis la plus forte et donc la plus tolérante. Je ne suis pas naïve, mais juge flexible.

— Si je t'enlève mon pied, répond simplement à mes questions, entendu ?
Il me hoche la tête. Je retire ma botte, le permettant de respirer. Tandis qu'il tousse de tous ses poumons comme un damné, je l'observe. Vigilance est désormais règle d'or.

— Vas-y, raconte... qu'est-ce que tu as ? Pourquoi crois-tu avoir besoin d'aide ?

Il recommence à couiner tout en affichant un sourire. Je ne sais pas s'il s'agit de démence, mais j'ai pris la décision de l'écouter jusqu'au bout, espérant pouvoir en tirer avantage. À mieux y réfléchir, s'il me fallait traverser cette forêt et tomber sur d'autres déséquilibrés de son genre, j'aurai ma dose de sport sans ménagement.

Je m'assois sur une branche morte près d'un arbuste gris fort strié. Aucune trace de Mentio. Mais que se passe-t-il avec lui ? L'instant d'avant, il se décide à cheminer avec moi et de l'autre, il disparaît à la première menace se pointant.

La seule marge qu'il me reste est de trouver un chemin peu fréquenté par ses bébêtes, afin de pouvoir le longer la nuit durant. Et mon seul informateur n'est autre que ce taré, jonché au sol. Dans quoi me suis-je embarquée ?

— Vous savez... j'ai essayé de conserver la lumière autour de moi... ma famille...

Comment se fait-il que son canal d'émotion me soit toujours indisponible ? Bien pénible est-il de savoir de ce fait, de quel type d'e-motios, il s'agit. Dois-je le croire sur parole ? Il doit vraiment me mettre en confiance, s'il veut au moins se lever.

— Je me redresse en prenant appui sur la rambarde et puis,... ma vie bascule... elle ne m'aime plus... elle me rejette comme la peste, la salope... Alors que je lui ai tout donné...

Mince ! J'ai perdu le fil du début. Je dois essayer de deviner ce qu'il veut me signifier. Mais je crois que ce ne sera pas compliqué, vues les données du problème.

— J'ai essayé d'arrêter de boire, mais j'avais besoin d'en finir avec tout ce bordel dans ma tête... sans cesse... Je la voyais... vous savez, elle et son sourire radieux... jamais je ne me serai dit... Henri... t'accroches pas trop à elle si tu tiens à ne pas tomber dans les ordures du Guantanamo.

Tous ses gestes, toutes ses mimiques changeantes : tantôt souriant, tantôt boudeur et larmoyant, de l'homme peiné à l'agresseur menaçant. Je n'arrive même pas à préciser dans quelle catégorie le placer. Brusquement, il s'arrête, le teint pâle.

— Vous savez, je suis allé plus de trois fois chez mon cousin. Ses parents, de chiques types... seulement, quelque chose ne cessait de me chiffonner... pourquoi autant d'amour pour ce gros, débile, prétentieux et plein de vie ? Mes parents étaient des gens biens, rien à envier... et puis, elle est arrivée... son trente et un bien bassiné, ses yeux aux couleurs du ciel, ses lèvres aux fraises de la passion. Nous nous sommes vite sentis en compétition... Je l'ai haï pour cela... Je... mec, t'as déjà tout... tout... pourquoi il te fallait me piquer mon tout. Je ne suis pas d'accord de mettre le feu à ta demeure, Paul... mais, tu ne me laisse pas... le choix... C'est toi... oui, seulement toi...

Un silence. Je le contemple arrêter de s'agiter comme mort, le visage vide et transpirant à grosse goutte. Il remue des lèvres avant de reprendre plus étrangement encore :

— Je vais t'achever demain matin... non... misérable... tu ne mérites pas que j'aille jusque-là... ou peut-être...

Il se met à rire à gorge déployée.

— Lucifer... tu croyais vraiment que tu allais t'en sortir... hein... sale chien... Je... Je...

Il s'arrête à nouveau, perdu dans ses pensées.

— Vous savez mademoiselle ! Je ne suis pas prêt à perdre une part des treize qui sont moi... Je...

Il me dit cela en tournant subitement ses iris noirs vers moi, en faisant son possible pour étendre son regard.

— Je veux vous expliquer mon problème...

Nos regards croisés, nous cherchons à avoir raison, l'un sur l'autre. Lui, tente de m'assurer qu'il a réellement besoin de moi et moi qui tente de le sommer de ne point me consulter, simplement me parler.

— Je suis habité par le mal... toutes les nuits... les ténèbres enfilent leur redingote et viennent danser autour de moi, alors que la peur vient me chanter une douce berceuse, aux cymbales déstabilisantes. Je ne crois pas avoir déjà entendu le changement de la serrure de ma chambre par ma mère... et vous savez le pire, c'est quoi ? C'est que chaque nuit, le diable vient me serrer contre lui et dans les chants funèbres de la peur...

Je suis littéralement abasourdie par son récit. Je n'arrive plus à cacher ma curiosité pour son cas et ses personnages, se distinguant au fur et à mesure. Subitement, il se reprend à rire.

— Et vous savez quoi ? Chacun de ses personnages sont moi d'une certaine manière...

Je n'en reviens pas. Est-il à nouveau lui-même ? S'adresse-t-il à moi ?

— Et tu le sais ? Tu sais ce qui se passe en toi ?
— Chaque jour, chaque minute, chaque seconde... chaque parcelle de mon corps ressent l'intensité de cette connexion troublante. Ça fout les jetons, hein ? La réponse est claire. Je ne suis pas un e-motio...
— Et qu'es-tu ?
— Je suis la vérité... enfermée dans une enveloppe mortelle... je cherche un abri pour la nuit, mais je n'en trouve pas...

Je comprends enfin. Il est fou.

— Tu me fais perdre mon temps...
— Je sais... Je voulais juste te retarder...
— Qu'est-ce que...

À ce moment, un frisson me traverse l'échine. Je devine le piège. Mais la question est de savoir où se situe le danger, à présent ? Il a dit avoir atteint son but. Je me tourne dans tous les sens. Déjà levée, je tente de scruter tout ce qui m'entoure. Avant même d'achever de me raisonner, je commence à percevoir le sens caché de sa phrase. Un instant, je lève les yeux au ciel. Il fait nuit. Pas une seule étoile, pas même un croissant de lune. Les ténèbres complètes dansant, alors que la peur psalmodie un chant funèbre.

Je pivote en direction de l'e-motio, prête à lui plaquer une autre lame dans le corps. Je tombe nez à nez avec la créature juste devant moi, l'acier retiré. Vide est le regard qu'il me lance. Impossible de savoir à quoi il pense.

— Toi... prononcé-je, dans la seconde, tandis que l'animal m'assène un coup violent à la tête.

Je tombe d'un seul coup, presque bloquée dans mes articulations. Mais avant de m'écraser au sol. J'ai le temps de m'agripper à sa jambe pour tenter de reprendre pied. Il ne tarde pas à lancer une seconde bourrasque dans mon dos. Je me sens défaillir, je vomis sous l'impact, mais reste cependant assez consciente pour lui sectionner le mollet avec ma dague.

La bête, étonnement, se met à s'esclaffer, comme prise d'un plaisir malsain. Je me dépêche de ramasser mon arc et de me lever pour confronter mon assaillant. Lorsque je me retourne, l'e-motio me frôle le nez et m'attrape par le cou. Et par une force que je ne lui connaissais point, il me soulève tel un trophée. Je le regarde tout en me débattant, avant d'entendre ce que je crois être sa dernière phrase :

— Meurs...

Alors que le temps me semble arrêté, je ressens brusquement une forte pression au niveau de ma tête et de mes épaules. C'est comme si mon crâne tenait à exploser sur le champ. L'e-motio l'a ressent aussi, me lâche et se courbe. Nous sommes tous les deux, genoux à terre.

Je suffoque. Je ne me sens pas bien. Il me faut de l'air. Mes poumons commencent à me lancer. L'impression que mon cœur m'exige d'y remédier promptement. Un son strident accompagne cette pression gravitationnelle écrasante, comme un crissement accompagné de pleurs de bébés affamés. Impossible de lever la tête. Toutefois, je finis par obtenir de l'oxygène. Assez pour crier à la vie un merci inaudible.

Je considère mon adversaire qui, à ma grande surprise et cela me glace d'effroi, me pousse à écarquiller des yeux et se met à sourire, en forçant sur ses joues comme pour générer plus de pli sur son visage effrayant. Ses yeux globuleux et marron présentent un rond des plus déstabilisants. Soudain, je l'observe se redresser progressivement jusqu'à prendre la stature verticale.

Pour ma part, j'arrive à peine à lever le petit doigt. Fort heureux que je ne sois pas face contre sol. Le son devenu cri s'entend de partout. J'en ai mal aux oreilles. J'ai des sensations de brûlures sur mon dos et mes épaules. Je ne sens même plus mes jambes.

J'arrive finalement à redresser la tête pour apercevoir la bête plus détendue que moi, comme si la pression venant de je ne sais où, lui était totalement exemptée.

Tout à coup, le son et même la pression disparaissent pendant quelques secondes soit une demi-minute. Avant même de remettre les pendules à l'heure, je vois l'e-motio tourner son cou en direction de la forêt. L'instant d'après, il est projeté tel un ballon, à dix ou quinze mètres de ma position, avant que la pression reprenne. Cette fois, je crois bien craquer sous la douleur. Le bruit est insoutenable. Je scrute péniblement le même point de la forêt que lui.

Il n'y a que ténèbres. J'essaie de me lever en puisant dans toutes mes ressources. Je n'aurai jamais cru qu'une telle pression puisse atteindre l'équivalent d'un des poids lourds des arènes d'entrainement d'Éris. C'est en regardant vers le ciel pour pousser mon ascension à l'extrême, que je vois ce qui peut littéralement tuer un être, d'un simple regard.

— Ah... fais-je, sans suivre à la lettre les recommandations que mon cerveau tente de m'inculquer.

Je suis tétanisée. C'est un énorme visage pâle aux sclérotiques noires et aux cheveux ondulés, lui tombant jusqu'à l'abdomen qui me fusille du regard, l'expression dévorante, comme un chasseur tombant sur sa proie. Ses lèvres sont craquelées et noires, sa corpulence de gringalet est littéralement aplatie par la pression, mais il résiste. Il commence à se décomposer telle une précipitation couvrant tous les alentours de son liquide chaud et visqueux. Je reste scotchée à cette tombée de mixture, dont l'odeur me rappelle celle du pain brûlé.

Cela s'arrête. Seule une vapeur blanche couvre encore le terrain plat. Le sol et les arbres sont couverts de ce produit. Sans un son, les petites parcelles de ce que je comprends être son corps se rassemblent plus rapidement que des microbes. Je vois vite apparaître un être maigre, au nez long et fin. Les mêmes yeux noirs et serrés, les mêmes longs cheveux noirs ondulés, lui tombant jusqu'aux hanches. Il a des dents bien disproportionnées et jaunies.

Nos regards se croisent. Je suis en mauvaise posture. Un deuxième e-motio. Moi qui me trouve en ce moment bloquée par cette pression, voilà qu'il me faut faire face à un e-motio bien plus laid que tout ce que j'avais rencontré.

L'animal me considère une seconde avant de définitivement marcher dans ma direction. Ce n'est pas mon jour de chance ou plutôt, ma nuit. Je me débats pour m'extirper de ce poids gravitationnel, rien à faire. Si le premier a tenté de me tuer en me trompant, celui-ci ne va certainement pas se faire prier lorsqu'une telle aubaine pointe à sa porte.

Je le considère à mon niveau et me rends compte que son visage est en train de se mouvoir de soi. Tantôt deux yeux, tantôt trois ; une canine étant à droite passe à gauche avant de finir par décroître, pour disparaître dans la bouche du monstre.

Je vire au rouge si je ne retrouve pas tout de suite mes facultés. S'il ne m'attaque pas encore, c'est que je détiens toujours un peu de ma bonne étoile, finalement. Je force sur moi. Mes articulations me font souffrir. Soudain, des flashs m'apparaissent : un homme en costume recroquevillé sur lui-même, un groupe de personne plié sur le parterre d'une pièce se laissant porter par les stimulants éparpillés dans tout l'appartement ; une femme assise sur son lit, en position d'acédie, cherchant à trouver une réponse à un mal.

Je reviens à moi. Je transpire à grosse goutte. Mes lèvres tremblent, je suis prise de convulsion. Je m'incline avant de cracher tout ce qui me reste de vitalité dans le corps. Je ne sens plus cette pression gravitationnelle. À la seconde où j'en suis consciente, mon premier réflexe est de reculer pour placer le plus de distance entre lui et moi. Je n'ai pas la force de me redresser totalement, encore moins de me tourner. J'ai le vertige. Je suis assaillie par une sensation que je ne croyais point être tapie au plus profond de moi : la peur.

Je me place près d'un arbuste et me résigne à passer par la douleur du violent spasme qui m'attend, pour oser lui faire volte-face. La douleur est certes insoutenable, mais elle paye. Lorsque je place un nouveau pas pour pénétrer dans la forêt, je le retrouve devant moi, m'étudiant comme un spécimen de laboratoire.

Je redresse ma face pour mieux le contempler. Il fait de même et durant cette minuscule phase, l'animal me lance des flashs plus intenses que tout ce que j'avais déjà vu : des corps complètement à nu, se déchargeant dans un libertinage des plus insalubres ; un enfant lynché alors qu'un homme, visiblement, le prend par le bras pour l'emmener dans une pièce se refermant. Le cri qui me parvient me glace d'horreur. Le temps a l'air de filer comme la lumière, car je retrouve ce jeune parmi ses êtres au libertinage lâché sur la place publique, comme si tout n'avait plus aucun sens, à ses yeux. Mais je ressens une vive douleur... C'est lui, il se meurt en son fort intérieur, il a beau exciter ses sens, il en veut encore plus. Il n'est plus lui-même depuis longtemps... depuis ce fameux après-midi, dans cette chambre.

J'arrive à lever la face. Cette fois, j'ai mal partout : au bras, aux jambes, aux yeux, aux nez, aux oreilles et même au cœur. J'halète et je transpire. Nos yeux se rencontrent. Je crois sortir un mot avant de finalement m'effondrer dans un sommeil profond.

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