Purple

Von CamilleThomas7

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Dans ce monde apocalyptique en ruines, les Yeux-Morts représentent l'ancienne génération et une menace à anéa... Mehr

Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18

Chapitre 15

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Von CamilleThomas7


Il ne s'attendait pas à se retrouver dans cette situation.

A vrai dire, c'était quelque chose de compliqué à s'imaginer. Bien que son cerveau parfois un peu trop actif eût déjà envisagé l'éventualité de se faire capturer par le camp adverse, le vivre était tout autre chose.

Mais en tout cas, il ne se serait jamais imaginé là, dévoré par la curiosité et l'envie d'en savoir plus, tandis que l'ennemi lui faisait visiter leur maison.

« C'est plus facile de vivre sous terre. C'est pour cela que nous nous sommes réfugiés dans une grande station de métro abandonnée.

-Qu'est-ce que le « métro ? »

-C'était de grands véhicules tout en long servant à transporter une centaine de personnes d'un endroit à un autre. Vous voyez ces rails par terre ? Grâce à l'électricité, ils pouvaient se déplacer à travers toute la ville. A plus grande échelle, on appelait ça un « train ». »

Bien sûr, ils continuaient de prendre des précautions et Alix trouvait ça normal. Ses mains étaient toujours attachées dans son dos, et il était en permanence surveillé par au minimum deux personnes, dont au moins une portant des armes. Victoria lui en avait expliqué la nécessité, mais il l'avait très bien comprise et accepté sans protester. Certes il avait promis, en étant sincère, mais eux ne pouvaient en être sûr après tout.

Mais il ne se formalisait pas de tout ça. Tout ce que lui montrait Victoria l'intriguait un peu plus que cela ne devrait.

Pour l'instant en tout cas, la porte-parole évitait les zones trop fréquentées par les siens ou les heures d'affluences. Alix s'en rendait compte, entendant parfaitement qu'ils évitaient les pièces où beaucoup de personnes se trouvaient. Ils avaient malgré tout déjà croisé quelques habitants dans les couloirs. Les Yeux-Morts fixaient Alix avec beaucoup de méfiance, et parfois de la haine. Il ne leur en tenait pas rigueur pour autant, comprenant bien la peur que les gens ici devaient ressentir à son égard. Victoria les saluait, l'air de parfaitement savoir ce qu'elle faisait et ils se détendaient un peu. Il y avait aussi un certain nombre de leurs enfants aux yeux-violets pareil aux siens. Avec eux, même s'il y avait toujours beaucoup de prudence et de ressentiment, il y avait aussi de la curiosité. La fille nommée Elizabeth les rattrapa pour parler à Victoria de quelque chose concernant la prochaine récolte, et repartit en saluant Alix d'un geste de main.

Ce dernier était d'ailleurs submergé par un flot d'informations qu'il peinait à complètement saisir :

« Comment vous faite pour la lumière ? Et pour l'eau ?

-Je vous en ai déjà parlé dans le potager, mais nous avons réussi à faire fonctionner nos propres générateurs. On ne peut pas vraiment compter sur la lumière du soleil, alors on utilise la force motrice. Pour l'eau, ça a été compliqué au début, sans vraiment savoir si l'eau de pluie était potable ou non. On a réussi à se débrouiller en utilisant les installations encore en état de certaines stations d'épuration et de traitement des eaux. En faisant beaucoup de récupération dans les ruines, et en combinant nos connaissances, on arrive à quelque chose. »

Victoria était très patiente dans ses explications. Elle n'utilisait volontairement pas de termes trop compliqués, de façon à ce qu'il puisse comprendre sans trop de problèmes. Alix répétait souvent les mêmes questions, et elle se contentait de répéter autant de fois qu'il le fallait tout en le faisant visiter.

« Les plus jeunes dorment dans des dortoirs, pour économiser de la place. Ils reçoivent une chambre individuelle lorsqu'ils deviennent adultes. Le réseau sous-terrain est gigantesque, donc nous avons aménagé plusieurs endroits dédiés au repos. Là par exemple, ce sont les dortoirs pour les garçons. Plus au nord, il y a celui des filles.

-Vous faîtes des distinctions de genre ?

-Oui ?

-Pourquoi ? »

A ça, Victoria ne sût pas trop quoi répondre. Elle se contenta de ralentir, tournant la tête vers Alix qui la regardait avec des sourcils froncés. Elle n'avait pas d'explications à lui donner, cela lui semblait simplement naturel. Visiblement, ce n'était pas le cas du jeune homme, qui semblait presque satisfait de pouvoir à son tour lui apprendre quelque chose ;

« Le genre n'a pas de réelle importance chez nous. A la limite dans la caste du mariage, mais c'est tout. Chez les Chiens, c'est même une chose dont on se moque totalement. Ce n'est qu'un détail, nos compétences sur le terrain sont bien plus importantes. »

Attentive, Victoria hocha lentement la tête, observant alors le général s'approcher d'une des parois décorées par les plus jeunes à l'aide de craie et de peinture. Il n'y avait par endroits que des gribouillis maladroits, des fleurs grossières et des bonhommes bâtons, et ailleurs il y avait de grandes fresques bien plus précises et appliquées faites par les plus grands. Alix avait une expression étrangement tendre, observant la frise en souriant légèrement.

« On fait quelque chose de similaire, chez nous. A notre entrée chez les Chiens, on dessine une paire d'yeux violets comme allégeance au système. Ils ne sont effacés qu'en cas de trahison. C'est une façon de rester là, même après notre mort ou notre retraite. »

La porte-parole esquissa un sourire, s'approchant de lui pour regarder elle aussi les dessins fait par toutes les générations s'étant succédé dans ces dortoirs.

« Ces dessins ne sont pas fait pour représenter une quelconque allégeance, précisa-t-elle, mais la finalité est la même. Ça leur permet de se dire qu'ils étaient là, et qu'ils ont laissés quelque chose derrière. »

Alix détourna finalement les yeux de l'œuvre sur le mur, semblant sur le point de poser une question, mais la suite se passa très vite.

Le Chien eu tout juste le temps d'apercevoir un jeune garçon bousculer les deux gardes les suivant, avant de se précipiter vers lui en poussant un cri de rage, tenant un couteau entre ses mains. Aussitôt, ses sens reprirent le dessus ; il bondit en arrière, levant la jambe pour donner un grand coup de pied dans les mains de l'enfant, le désarmant. Malgré ses mains toujours attachées dans son dos, il récupéra le couteau adroitement, l'utilisant pour sectionner la corde entravant ses poignets. Voyant que l'attaquant revenait à la charge, il s'accroupit en glissant sur le sol, attrapant ses jambes pour le mettre à terre, avant d'aussitôt l'immobiliser à plat ventre en pressant son genou entre ses omoplates, maintenant sa tête avec sa main libre, l'autre tenant le couteau. L'enfant, le souffle coupé, s'immobilisa avant de se mettre à sangloter, essayant finalement de se débattre.

« Lâche cette arme et écarte toi de lui ! »

Le cri fit relever la tête à Alix, qui s'aperçut que les deux gardes avaient armés leurs fusils et le tenaient en joue. Victoria, qui n'avait pas eu le temps de réagir, regardait la scène avec de grands yeux, les lèvres entrouvertes de choc.

Pensant à quel point il sera facile pour lui d'immédiatement égorger l'enfant, Alix comprit un peu mieux la panique qu'il lisait dans leurs mains tremblantes. Il se contenta alors de lentement tendre le couteau à Victoria, le tenant par la lame.

« Je ne compte pas lui faire de mal. »

Une fois le couteau dans les mains de la porte-parole, il leva les mains en signe d'apaisement. Alors qu'il s'apprêtait à se lever et à libérer le garçon, il croisa son regard lilas empli de larmes et de terreur ; et seulement là il le reconnut.

« ... Oh, murmura-t-il simplement, incapable de dire autre chose.

-Samuel, tout va bien. Viens avec moi. »

Victoria avait pris un ton bien plus doux, tendant la main pour l'aider à se relever. Samuel eu un temps d'hésitation, mais finit par la prendre, essuyant rageusement ses joues pleines de larmes de son autre main. Lorsqu'il s'aperçut que Alix le fixait encore, il lui jeta un regard plein de haine et s'enfuit en courant. Victoria soupira doucement et se tourna vers l'une des deux gardes, lui tendant le couteau.

« Peux-tu aller vérifier son état ? Je pense qu'il faut mieux éviter de le laisser tout seul dans l'immédiat. »

Sans discuter, elle acquiesça, se saisissant du couteau et partant à la suite de l'enfant. L'autre garde tenait toujours son arme, fixant Alix avec méfiance.

« Est-ce que je dois aller chercher de quoi le rattacher ? »

Sa supérieure hésita un instant, fixant Alix qui s'était redressé, l'air toujours aussi surpris. Finalement, elle secoua négativement la tête.

« Ce ne sera pas nécessaire. Général, vous allez bien ? »

Elle s'approcha à nouveau de lui, interloquée de le voir l'air aussi expressif. Sa question sembla le sortir de ses pensées, car il cligna rapidement des yeux, détournant enfin le regard du couloir où Samuel s'était enfuit. Il reprit un air plus neutre, hochant la tête.

« Oui, j'ai simplement été surpris. De le revoir.

-Le revoir ?

-J'ai tué ses parents. »

C'était la nuit où il avait tué des Yeux-Morts pour la première fois de sa vie. Donc forcément, quelque chose qu'il ne pouvait pas oublier.

C'était il y a un peu plus de quatre ans. Alix en avait quinze, et comme tous les jeunes soldats ayant moins de deux ans d'expériences, il devait entourer le champ de bataille pour que personne ne puisse s'échapper. Le général de cette époque et ses éclaireurs avaient repérés un groupe de huit Anciens. Aussitôt ils les avaient encerclés, et avaient attaqué.

Alix avait pris ses positions, comme à son habitude, les yeux clos et concentré sur les sons du combat qu'il pouvait entendre, analysant chaque bruit, chaque mouvement, dans un état de concentration extrême permanent. Ce fut grâce à ça qu'il entendit les deux personnes partir en courant, franchissant la barrière des Chiots en frappant la jeune fille à côté de lui. Un des Chiens au combat aboya pour signaler une fuite, Alix aboya en retour pour dire qu'il les prenait en chasse et sans plus réfléchir il s'élança à leur suite.

Ils étaient lents, comme si quelque chose les ralentissait. Un homme et une femme. Malgré l'inexpérience de Alix, les rattraper s'avéra une chose extrêmement facile. Les yeux clos, se déplaçant comme s'il y voyait en plein jour, l'homme fut rapidement à sa portée. Sans attendre, Alix dégaina son arme, ouvrit les yeux, et sauta sur son dos en lui tranchant la gorge promptement. Il essaya de parler mais s'effondra dans un gargouillement, le garçon toujours accroché à ses épaules et cramponné à son dos. La femme poussa un cri d'horreur, ses yeux bleus si étranges et si fade pleins de larmes qu'elle ne pouvait retenir.

« Non, pitié ! Pitié ! »

Le Chiot remarqua vaguement qu'elle se cramponnait à quelque chose sous sa longue cape. Se disant que c'était simplement un sac rempli de nourriture, il n'écouta pas sa plaidoirie et ne perdit pas plus de temps. Il bondit en prenant appui sur le corps de l'homme qui avait dû être son compagnon et planta sa dague dans sa carotide. Elle n'eut pas le temps de réagir, poussant un hurlement de douleur en essayant de contenir l'hémorragie. Pour lui éviter de souffrir trop longtemps, Alix l'acheva, la laissant tomber au sol dans un bruit sourd, sans lâcher ce qu'il y avait sous sa cape.

Ça aurait pu s'arrêter là. S'arrêter au sentiment de fierté que Alix ressentait au fond de lui, à l'orgueil qu'il ne pouvait s'empêcher d'éprouver, se disant qu'il avait enfin fait ses premières victimes, qu'il était enfin utile aux Yeux-Violets, et à quel point cela avait été facile de les tuer. Toutes ces heures d'entrainement pour enfin un résultat. Il aurait pu simplement pouvoir retourner auprès des siens et leur raconter son exploit, et recevoir les félicitations des autres. Mais cela ne s'arrêta pas là.

Au moment où le garçon allait repartir, il remarqua du mouvement sous la cape. En se concentrant bien, il détecta alors une respiration qui n'était pas la sienne, une respiration qu'il ne connaissait pas. Se disant alors que la femme cachait une troisième personne sous le tissu, il s'approcha lentement, levant son arme pour égorger quiconque se trouverait en dessous. Attrapant l'étoffe du bout des doigts, il la souleva brutalement, pour rencontrer les yeux lilas d'un enfant terrifié.

Sous le choc, Alix se figea dans son mouvement, le bras toujours en l'air, détaillant le gamin en face de lui. Il était petit, pas plus de huit ans probablement, aux cheveux châtains lui arrivant aux épaules. Pétrifié par la terreur il restait agrippé au cadavre de sa mère, des larmes dévalant ses joues. Il était parfaitement immobile, fixant le soldat face à lui de ses grands yeux violets si semblables aux siens, ces yeux qui avaient arrêté Alix.

Ils auraient pu se dévisager comme ça longtemps, si de longs aboiements n'avaient pas résonnés dans le lointain. L'enfant se cacha le visage, persuadé que sa dernière heure était venue, mais il ne sentit aucune lame sur sa gorge. Surpris, il rouvrit les yeux, pour voir que l'homme en face de lui avait finalement baissé son arme, sans pour autant arrêter de le regarder. Puis, avec un signe de tête presque imperceptible il lui fit signe de s'en aller, ouvrant la bouche pour aboyer. Le plus petit n'attendit par plus longtemps, se levant avec un dernier sanglot et une dernière prière silencieuse adressé à ses parents, avant de s'enfuir en courant. Alix l'observa partir, puis ferma les yeux et de rejoignit ses compagnons.

Victoria semblait comprendre la situation sans avoir besoin de poser plus de questions. Elle voyait bien planer sur le visage d'Alix les fantômes de souvenirs étranges.

« Pourquoi l'avoir épargné ? demanda-t-elle finalement. »

Le général sembla hésiter un instant, se demandant s'il devait répondre sincèrement ou non. Finalement, décidant qu'ici il ne risquait rien pour son acte de trahison, il répondit avec honnêteté en mettant enfin des mots sur ce secret qu'il portait seul depuis des années.

« J'étais jeune et inexpérimenté, mais il était encore plus jeune que moi. Et surtout, il avait les yeux violets. Je me suis dit que nos ordres étaient de tuer les Yeux-Morts, alors tuer un des nôtres me paraissait illogique. Donc... Je l'ai laissé partir, et je n'ai parlé de lui à personne. Je ne savais pas s'il allait réussir à survivre tout seul dans les Terres Inhabitables, ça me paraissait même peu probable, mais j'ai été égoïste. Je n'ai pas pu me résoudre à le tuer de mes mains. »

La plus vieille hocha la tête, compréhensive. Elle avait décidé d'être patiente et d'éviter la moindre trace de rancune à l'égard du garçon. Il était sous lavage de cerveau, et ce n'était pas en étant violente qu'elle arriverait à quoi que ce soit avec lui. Son but premier était de lui montrer ce qu'était réellement la vérité – et non pas de le manipuler à son tour.

« Ses parents étaient des gardiens du savoir, ajouta-t-elle finalement au bout de quelques minutes silencieuses. Le groupe que vous avez tué cette nuit-là n'était pas un groupe isolé mais bien des membres du camp principal.

-Qu'est-ce qu'ils faisaient à l'extérieur alors ? s'étonna-t-il.

-Ils cherchaient des traces de notre culture. Des ouvrages, des livres, des œuvres d'art... N'importe quoi pouvant nous permettre de garder une trace de toute notre civilisation. »

Alix avait visiblement des centaines de questions en vue de son regard, mais il n'en posa aucune. Sans doute qu'au fond de lui il y avait une certaine honte qui le faisait se faire petit, maintenant qu'il s'était rendu compte de la conséquence de ses actes. Alors, plutôt que de le laisser attendre, Victoria décida de lui montrer directement.

« Suivez-moi. »

Il ne se fit pas prier, suivant son aîné dans les couloirs. Au bout d'un certain temps, Victoria sembla s'enfoncer un peu plus sous terre si possible, dans un coin isolé et protégé, à l'abri de la moindre catastrophe possible.

« C'est ici que nous gardons les traces de notre culture, dans la bibliothèque. Avant la catastrophe, il y en avait dans chaque ville. Ce sont les gardiens du savoir qui veillent sur elle et qui s'en occupent.

-Qui sont les gardiens du savoir ? demanda-t-il finalement.

-Ce sont ceux qui étaient le plus au contact des connaissances dans leur vie d'avant. Les enseignants et professeurs d'école qui donnaient des cours aux jeunes, les bibliothécaires, les historiens, les libraires, les artistes, les écrivains, les étudiants, les dessinateurs, les éditeurs... »

Le général acquiesça lentement malgré le fait qu'il ne saisisse pas la teneur de la plupart des mots qu'elle énonçait. Ce qu'il comprenait néanmoins, c'était l'importance de ces gardiens, à quel point leur perte avait dû être une véritable tragédie, et la culpabilité se remettait à le ronger doucement.

Finalement ils arrivèrent devant une lourde porte faite de bois, qui s'ouvrit lentement lorsque Victoria la poussa. Aussitôt il fut assailli par l'odeur qui s'en dégageait : une odeur d'humidité et de poussière mais qu'il n'arrivait pas à comprendre. Cette senteur était âcre, forte, pesante, tellement qu'elle lui en faisait presque tourner la tête mais il ne parvenait pas à la décrire ou à l'associer à quoi que ce soit.

La porte-parole se tourna vers le garde les accompagnant encore ;

« Attends-nous ici. »

Il obtempéra sans discuter, et elle entra. Après avoir allumé les différentes lumières de la gigantesque pièce, la bibliothèque apparut enfin aux yeux d'Alix. Partout autour d'eux s'étalaient des livres, couvrant les murs d'étagères pleines à craquer et le sol de piles menaçant de s'effondrer. La vision lui coupa presque le souffle : il y avait tellement à analyser et à voir qu'il ne savait même pas ou regarder. Des choses étaient écrites sur les reliures des ouvrages, mais hormis quelques lettres par-ci par-là, Alix n'arrivait pas à lire quoi que ce soit. Il semblait y en avoir de toutes formes, tailles, couleurs, et tout cela avait l'air passionnant.

« Ce sont des vestiges du monde avant la catastrophe, continua Victoria en s'enfonçant un peu plus dans la pièce pour inviter le jeune garçon à le suivre. Notre plus grand trésor en quelque sorte. Une preuve de l'histoire passée, de toutes ses années, une trace des cerveaux et de l'imagination des toutes les personnes ayant existées avant nous. »

Cette notion de « passé » lui donnait le vertige. Cette curiosité qu'il avait toujours cherché à repousser le plus loin possible revenait au galop. Deux idéaux se confrontaient à présent dans sa tête avec une grande violence – l'idée que le passé n'existait pas, inculquée depuis son enfance, et cette vision de milliers de preuves de cette histoire, juste devant ses yeux. Il se sentait soudain minuscule, terrassé par quelque chose de plus grand que lui, étouffé mais émerveillé.

Cherchant à reprendre contenance il détacha son regard des livres pour se concentrer sur la femme aux étranges yeux bleus que soudainement il ne trouvait plus si ternes que ça. Cherchant à rattraper son souffle avant qu'il ne s'échappe d'entre ses lèvres, Alix se força à parler :

« Pourquoi me montrer tout ça ? Me montrer quelque chose que je cherche à détruire depuis des années ? Il serait si facile de mettre le feu à tout ça, et plus rien n'existerait...

-Parce que je sais que vous êtes un homme juste. Vous n'êtes pas fermé. Vous avez dans vos yeux une soif d'apprendre, une lumière qui me prouve que vous ne détruirez pas cette histoire, malgré tout ce qu'on a pu vous dire pendant tout ce temps. »

Alix afficha un léger sourire sans joie, détournant les yeux. Il avait peur que Victoria ne le tienne en trop haute estime. Qu'elle le surestime et qu'il ne finisse par céder à ce qui lui paraissait naturel, qu'il parte d'ici en ayant brûlé chacune de ces traces du passé.

Il était très loin de se douter que, dans ses yeux maintenant rempli de doutes et de peurs, son aîné pouvait deviner les premières barrières du formatage en train de se lever.

« J'ai fréquenté énormément de jeunes au cours de ma vie, continua-t-elle avec une voix un peu plus douce. J'ai confiance en mes capacités d'analyse, et c'est pour cela que j'ai décidé de vous donner mon estime, général.

-Si vous le dites... »

Le garçon s'approcha d'une des étagères, tendit la main pour effleurer la tranche d'un livre, puis la retira comme s'il venait de se faire brûler, la ramassant contre son torse. Un léger sourire effleura les lèvres de Victoria. Elle savait bien qu'Alix n'était pas prêt, mais que sa curiosité gagnait peu à peu du terrain dans son cerveau lavé, alors elle serait patiente. Elle tourna les talons et regagna la sortie pour qu'il la suive, un peu à reculons et ayant du mal à quitter les ouvrages des yeux. Il y fut finalement contraint lorsque la plus vieille éteignit les lumières et ferma la porte.

« Je vais vous raccompagner à votre chambre. »

Alix sembla sur le point de protester mais se ravisa, hochant la tête sagement. Il la suivit alors dans le chemin inverse, essayant de calmer son cerveau qui fonçait à tout allure, sentant déjà des pointes de douleur percer ses tempes.

Il fût de retour dans sa chambre très rapidement. Avant de refermer la porte pour le laisser tranquille, Victoria prit la parole :

« J'irais parler à Samuel. Ne lui en tenez pas rigueur.

-Je ne lui en veut pas. Est-ce que je pourrais... Lui parler ? »

Un sourire désolé aux lèvres, Victoria secoua la tête.

« Non. Un jour, peut-être, mais pas maintenant. Il faudra attendre que lui soit prêt. »

Et sur ce, elle le salua et ferma la porte. Éteignant la lumière, Alix alla s'allonger sur le lit, des dizaines de questions tournant dans sa tête. Il avait beau réfléchir, il ne comprenait pas totalement le sentiment qui grignotait sa peau petit à petit, coulant dans ses veines et tordant désagréablement son ventre lorsqu'il repensait au regard terrorisé de l'enfant. Cela ressemblait au même sentiment que lorsque Cam était morte, ou lorsqu'il avait été obligé d'annoncer à Niel qu'il devait partir de la caste des Chiens.

Il ferma les yeux, la migraine battant contre son crâne, essayant de comprendre s'il ressentait pour la première fois la culpabilité d'avoir tué. 

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