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Je me suis réveillé vers quinze heures après ma petite sieste impromptue et ai décidé de travailler, histoire de me changer les idées. J'ai arrêté de pleurer, prête à accepter qu'une époque s'achève : celle de mon amitié avec Jeff, et par la même occasion, notre trio avec Selena. Je ne sais pas comment elle va réagir lorsqu'elle apprendra tout. Puisque je pars pour New York demain, j'ai décidé que je ne lui en parlerai qu'à mon retour, en espérant que Jeff ne lui ai pas tout raconté avant moi. De toute façon, ce sera de ma faute, peu importe la manière dont ça se termine.
Je tente de travailler un peu, dans l'espoir de noyer mon chagrin dans mes cours mais j'ai du mal. Je ne sais vraiment pas quoi faire pour aller mieux. D'habitude, j'aurais été voir Selena, mais là, je ne me sens pas la force de tout lui raconter, ni d'affronter sa réaction quelle qu'elle soit. Je ne me sens pas non plus d'appeler ma mère, et de lui parler de mes problèmes de cœur. Alors au bout d'un long moment, épuisé mentalement, je pose ma tête sur mon livre de cours, et fini par m'assoupir à nouveau.
Je suis réveillée par un gros claquement de porte et maudit intérieurement celui qui en est responsable, même si de toute manière, il était bien temps que je me réveille. Il est déjà dix-sept heures et je n'ai pas vu le temps passé. Un nouveau bruit résonne, et cette fois, ça ressemble à de la casse, un peu comme des bruits de verre. Je me redresse rapidement et me frotte la joue sur laquelle je m'étais endormie. Un nouveau bruit se fait entendre et je comprends que ça provient de la chambre de mon voisin. Je me lève, attrape un gilet et sors de ma chambre avant de m'avancer devant sa porte, légèrement entre-ouverte. Vu le bruit qu'il y a à l'intérieur, j'hésite à frapper avant d'entrer mais décide finalement que c'est inutile. Je pousse doucement la porte et découvre un Carter qui me tourne le dos, à moitié enragé, en train de balancer des verres – ou des bouteilles, je ne sais pas – contre sa penderie en bois. Je referme la porte derrière moi et m'avance un peu dans la pièce.
— Carter ?
Il ne semble pas m'entendre, puisqu'il fait exploser un nouveau verre contre la paroi en bois. En tournant la tête, j'aperçois une bouteille de Jack Daniel's à moitié vide, posée sur la table. Alors c'est ça ? Monsieur s'est bourré la gueule et maintenant, il est énervé ?
— Carter ? répété-je, plus fort et plus durement.
Il semble m'avoir entendu puisqu'il s'arrête et se retourne lentement. Ses yeux sont rouges, tout comme ses joues. Un petit rictus se dessine sur son visage et je ne sais pas vraiment comment je suis censée l'interpréter.
— Pourquoi est-ce que tu bois ? demandé-je en évitant d'emprunter un ton trop moralisateur.
— Qu'est-ce que ça peut bien te foutre ? lâche Carter avec un drôle de sourire, comme s'il se moquait de moi.
— Tu n'es pas toi-même quand tu bois et tu fais des choses que tu ne devrais pas faire, répondé-je en désignant les verres cassés sur le sol.
Il lâche un petit rire.
— Madame n'est pas contente, attention ! ironise-t-il.
Il ne va clairement pas bien et je décide de changer de stratégie. Il n'a pas besoin qu'on le gronde ou qu'on le raisonne, mais qu'on l'aide. Je m'approche un peu plus de lui, mais il effectue un violent coup de bras dans le vide pour me dissuader de m'approcher.
— Casse-toi ! grogne-t-il durement, tandis qu'une mèche bouclée retombe platement sur son front.
Je décide de mettre ça sur le compte de l'alcool et de ne pas prendre son agressivité au premier degré.
— Carter, parle-moi, soufflé-je doucement.
— Qu'est-ce que tu fiches ici ? Tu ne devrais pas être avec ton petit ami parfait ? À moins que tu ne viennes me voir parce que tu te lasses de lui ?
Le ton de sa voix ne me plaît pas du tout, et à l'évocation de Jeff, une boule se forme dans ma gorge. Il se rapproche de moi, et lorsque je recule, mon dos heurte le mur derrière moi.
— C'est pas parce qu'on s'est emballé deux ou trois fois que tu dois te sentir obligé de venir surveiller le petit Carter qui a trop bu, crache-t-il en me toisant de vingt bons centimètres.
— Tu ne penses pas ce que tu dis, répondé-je en essayant de contenir les larmes qui me montent aux yeux.
— Dis-moi que ce n'est pas vrai ? lance-t-il avec un sourire mesquin en réduisant encore l'espace qu'il y a entre nous. Que tu n'es pas Miss Parfaite, coincée, et première de la classe, du genre à se laisser émoustiller par le moindre petit baiser.
Ma main part toute seule mais je n'entends aucun claquement parce qu'il a réussi à la retenir avant qu'elle ne s'écrase sur sa joue.
— Retourne à ta petite vie tranquille et arrête de te faire chier à essayer de m'aider. Je n'ai pas besoin d'aide.
Je sens une larme couler même si je lutte de toutes mes forces pour ne rien laisser paraître. Je libère violemment ma main de son emprise.
— Va te faire foutre Carter McKinney, lâché-je d'une voix dure.
Il me lâche un sourire des plus hypocrites.
— Avec plaisir Mia Coleman.
Je glisse à côté de lui, ignorant son regard noir, et ouvre la porte de sa chambre. Sans réfléchir, je me retourne rapidement dans sa direction, espérant sans doute qu'il m'annonce être désolé pour tout ce qu'il vient de me balancer au visage. Mais il s'est déjà retourné et a attrapé sa bouteille de whisky. Alors je sors de sa chambre en claquant la porte, avant de rentrer dans la mienne, fondant en larmes pour la seconde fois de la journée.
Une fois dans ma chambre, la porte fermée à clé derrière moi, j'attrape ma vieille valise grise et l'ouvre sur le sol. Je fais une petite liste de tout ce que j'ai besoin d'emporter pour demain, puis commence à tout mettre dans ma valise en prenant soin de bien tout organiser à l'intérieur. Préparer mes affaires est étrangement apaisant. Ça me change les idées. Cette journée me paraît irréelle. Jusqu'ici tout allait bien, enfin je crois. Et aujourd'hui tout est parti en vrille. Je ne sais pas pourquoi mais je ne peux pas m'empêcher de penser que c'était le bon moment pour que tout ça arrive, juste avant le voyage à New York. Ce voyage va être mon échappatoire, une parenthèse dans tout ce bazar émotionnel que devient ma vie.
Pour le moment, j'oublie que ce ne sera que temporaire – durant les deux semaines du voyage seulement – et continue de préparer ma valise en obstruant le plus possible mes pensées sombres en m'obligeant à m'imaginer ce que sera New York. C'est une ville magnifique, tellement vivante et animée. Tout le contraire de comment je me sens à l'heure actuelle.
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Musique : Way Down We Go - Kaleo. Pas besoin de description, la musique parle d'elle-même, c'est une chanson qui est, je trouve, parfaite pour exprimer un "bazar émotionnel" comme le dit Mia ^^
Et voilà le dernier chapitre avant New York ! Vous vous attendiez à ça ? Vous savez pourquoi Carter a vrillé, contrairement à Mia, pensez-vous qu'elle va le découvrir un jour ?
Le voyage a New York va être comme une bulle, une parenthèse, autant dans le roman que dans la vie de nos protagonistes ^^ Et ça arrive lundi ;)