PDV Caroline
Le visage inquiet de l'ainé des Mikaelson me frappe de plein fouet dès que j'entre dans le salon.
— Que se passe-t-il ? le questionne Magellan.
— Regarde par toi-même ! lui répond le vampire originel en dévoilant une mèche de cheveux de Katherine.
Mes yeux s'écarquillent. Elle est grise.
— Qu'est-ce qui se passe, Magellan ? lui demande une nouvelle fois Elijah, la voix tremblante.
— Je n'en suis pas sûre ! On dirait que le temps est en train de la rattraper.
— Quoi ? s'époumone Katherine. C'est impossible !
La tranche des mains posée contre ses lèvres, Elijah commence à faire les cent pas dans la pièce.
— Vous voulez dire que parce qu'elle a ingéré la cure, Katherine vieillit à vue d'œil ! je demande.
— Il faudrait faire des analyses approfondies mais cela se tient. À la base, le remède créé par Qetsiyah a été conçu pour guérir du vampirisme mais il n'a jamais été question à l'époque qu'un immortel vive aussi longtemps.
Déboussolée par cette idée, je me tourne en direction de Rebekah et croise son regard. Je sais qu'elle sait ce qui se passe dans ma tête. Si la théorie de Magellan s'avère être la bonne, si j'avais laissé Klaus le boire, je l'aurais condamné moi-même.
Rien que d'y penser, j'en ai la nausée.
PDV KOl
Je ne supporte plus la vue de toutes ces valises qui envahissent l'entrée. Caroline désirait que je l'aide à charger le SUV de Niklaus, pour qui elle me prend ! Son majordome ? Je ne suis pas son larbin.
À force, j'ai bien envie d'y mettre le feu et les regarder se consumer dans les flammes.
Rien que pour l'emmerder, ça fait deux fois maintenant que j'en remonte quelques-unes et cette dernière n'y a vu que du feu. Elle n'est pas blonde pour rien !
La colère agit sur moi tel un parasite. Cette fois, je ne tiens plus ! Après tout, je suis réputé pour être un vampire psychotique.
Alors que tous sont rassemblés au salon, blablatant au sujet des malheurs de Katherina Petrova dont je me fiche complètement, et je ne suis pas le seul, je me dirige vers la cuisine. Après avoir ouvert un tiroir, je souris malicieusement en découvrant une boite d'allumettes.
Revenant sur mes pas, je me place devant les valises de Caroline.
— Excusez-moi ! appelle une petite voix.
Fronçant les sourcils, je lève la tête en direction de l'étage et croise le regard de la jeune sorcière. Désirant ne pas attirer l'attention de Marcel, mes frères ont décidé qu'il était préférable que Davina reste ici pendant quelques jours au cas où Marcel choisirait d'offrir une visite de courtoisie à Sophie. C'est bien le premier endroit où il la cherchera.
— Ouais ! je lâche d'un air peu aimable.
Être perturbé dans mes petites affaires ne m'arrange pas.
Pieds nus sur le parquet, la jeune sorcière tournicote ses mains dans une attitude gênée. Son corps respirant la fragilité me file la nausée. Dans la vieille chiffe blanche qui lui sert de robe, elle me fait songer à un agneau égaré.
— J'ai faim !
Les yeux ronds comme de soucoupes, je me demande si elle est sérieuse. Elle se prend pour qui celle-là ? Une encore qui ne comprend rien à rien. Je ne suis pas un gentil !
— Mon frère Elijah ne t'a-t-il pas apporté de quoi manger ce matin ?
— Si ! m'avoue-t-elle timidement.
Pour dissimuler sa gêne évidente, elle fait mine de replacer une mèche châtain derrière son oreille.
— Et tu lui as jeté le plateau à la figure, n'est-ce pas ? Alors tu sais quoi, tu n'as qu'à te démerder ! Tu m'as pris pour quoi, une œuvre de charité ?
Agacé, j'attrape ma veste et quitte le manoir.
PDV Caroline
Si Magellan a raison, Katherine est dans une très mauvaise passe. Plus j'y réfléchis, plus cela me semble cohérent. Alors que je m'apprête à monter à l'étage, je repère Davina.
Lorsqu'elle me voit, elle s'échappe à toute hâte, percute une de mes valises que j'avais pourtant descendues quelques minutes auparavant, puis s'enferme dans la chambre d'amis. Cette enfant est perturbée et ne nous fait pas confiance. Je la comprends. Retenue prisonnière depuis si longtemps, le retour à la vie normale est difficile.
Désormais à l'étage, j'observe ma valise sur le palier.
— Encore là, toi ? je chuchote.
Une fois de plus, je pousse le bagage dans les marches afin qu'il rejoigne les autres.
TOC-TOC-TOC !
Intriguée, je me redresse et me dirige vers l'entrée. Je balaye le salon du regard et constate que les originels ainsi que Magellan ne s'y trouvent plus.
TOC-TOC-TOC !
Ma main posée sur la poignée, j'ouvre la porte et me fige.
— Salut, Caroline !
Il me faut quelques secondes pour retrouver l'usage de la parole.
— Salut ! je réponds.
— Tu as l'air... surprise !
— Je le suis !
— Tu ne le devrais pas ! Je suis ton ami et il est tout à fait normal de rendre visite à ses amis. Sans compter que j'ai eu ta lettre. Je ne suis pas rentré tout de suite alors je ne l'ai découverte qu'il y a quelques jours. Tu m'as beaucoup manqué. Être sans toi à Mystic Falls, ce n'est pas pareil.
Je laisse Stefan entrer bien qu'une partie de moi reste sur la défensive. C'est ridicule mais je ne peux pas m'en empêcher. Son visage hante assez mes nuits. Dans chacun d'entre eux, il tue Klaus de ses mains et je ne l'oublie pas.
— C'est plutôt sympa ! Moins titanesque que leur ancien manoir mais pas mal, quand même !
Tandis qu'il complimente les lieux, je me saisis du tisonnier près de la cheminée.
— Klaus n'est pas là ? me demande-t-il
PAF !
Comme si je jouais au base-ball, je le frappe de plein fouet.
Stefan, à la fois surpris et sonné, s'écroule au sol mais je ne m'arrête pas pour autant et continue à le rouer de coups.
— Caroline ! hurle mon ami.
— Je ne te laisserais pas t'en prendre à lui ! je crache.
— Caroline ? résonne la voix de Rebekah en entrant dans le salon.
Lorsqu'elle me voit faire et constate les dégâts, elle accourt dans ma direction.
— Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu es devenue folle !
À cet instant, je la maudis d'être bien plus forte que je ne le serais jamais. Rebekah s'est saisie de mon arme et m'empêche maintenant d'apporter le coup de grâce.
— Lâche ça, Rebekah ! je rage
— Hors de question ! Tu es en train de massacrer Stefan ! C'est ton ami, bordel !
Revenant petit à petit à la raison, je cligne des yeux et observe mon meilleur ami. Sa lèvre est entaillée et une vilaine blessure s'étend sur son visage.
— Mais qu'est-ce qui t'as pris ? s'époumone Rebekah.
— Stefan ? je demande.
— Mais qui veux-tu que ce soit d'autre ? gronde Stefan.
Comprenant mon erreur, je desserre mon emprise et lâche le tisonnier. Stefan, toujours sonné, se relève.
— Caroline, je ne sais pas ce qui se passe mais...
— As-tu prévu de t'en prendre à lui ? je l'interromps.
— M'en prendre à qui ?
— Klaus ! je souffle.
À ma question, Rebekah, à mes côtés, interroge le Salvatore du regard.
— Pourquoi veux-tu que je lui fasse quelque chose ? Si c'est à propos de ce qui s'est passé entre lui et mon frère lorsque tu es retourné à Mystic Falls, alors non, je ne lui en veux pas ! Damon t'a malmené et j'imagine qu'à sa place, j'aurais fait la même chose. L'essentiel, à mes yeux, c'est qu'il ne l'a pas tué.
PDV Klaus
Alors que je traverse Jackson Square, je me stoppe dans mes pas. Mon petit frère, Kol, est assis sur un banc en fer forgé. Les coudes appuyés sur les genoux, le regard perdu dans le vide.
Silencieux, je le rejoins et m'installe à ses côtés. La lumière du jour commence à décroitre sérieusement. Les premiers lampadaires s'allument et viennent éclairer la rue pavée. Enfermé dans son mutisme, il ne cille pas. Pourtant, je sais qu'il a senti ma présence. Il ne peut en être autrement.
— J'ai voulu brûler les bagages de Caroline.
Surpris par cet aveu, je tourne la tête dans sa direction et croise son regard. Le mien est devenu aussi froid que la glace dès qu'il a prononcé ces mots.
— Que viens-tu de dire ?
— Tu as très bien entendu ! mon frère me répond sans ciller.
Quelque chose m'échappe. Je n'arrive pas à comprendre. Depuis que Caroline nous a rejoints, à aucun moment il n'a laissé paraître de l'animosité la concernant. Bien au contraire
— On dirait bien que tu es fâché ! lâche-t-il avec sarcasme. Ça tombe bien, moi aussi !
— À quel petit jeu joues-tu, Kol ?
Elijah, Rebekah et maintenant lui. Est-ce qu'un jour nous arrivons à vivre en paix les uns avec les autres ?
— Ce n'est pas un jeu ! Tout ce que je voulais s'était retardé l'échéance de votre petit voyage en amoureux ! Cependant, tu te fiches bien de ce que moi je veux, tout ce qui t'intéresse ce sont tes propres désirs.
— J'espère que tu plaisantes, là !
— Pas du tout ! À quoi va me servir ma seconde chance si toi tu pars ?
Celle-là, je ne l'avais pas vu venir. Abasourdi par sa révélation, je ne sais quoi répondre. À la place, une conversation que j'avais eue avec Elijah lorsque nous étions à Mystic Falls me revient en mémoire :
" — Tu comptes énormément pour lui, même s'il ne le dit pas. Il est venu te trouver car il sait que rien ne t'arrête, il t'a toujours envié tu sais, m'avait avoué Elijah.
— Notre mère n'a cessé de me rejeter..... Trop coupable d'avoir eu une relation avec un autre. Mikael m'a toujours haï... me montrant que je n'étais rien et faible et ça n'a fait qu'empirer quand il a appris que je n'étais pas son fils. Je ne connaîtrais jamais mes véritables origines. J'ai été privé de ma nature de loup garou pendant des siècles parce qu'on avait peur de me donner autant de pouvoir. Ma sœur me haï, je n'ai rien à envier !
— Tu es son grand frère, et les petits frères ont souvent une admiration pour leur ainé !
Un petit rire s'était échappé de ma bouche :
— Vraiment ?
— Bien sûr, peut-être qu'un jour toi aussi tu me le montreras. "
Est-il possible qu'Elijah eût raison ?
— Je ne comprends pas, j'avoue.
Mes défenses sont en train de s'effondrer petit à petit comme un château de cartes.
Kol me fixe avant de confirmer mes pensées :
— Je ne veux pas que tu partes.
Il ne m'en faut pas plus pour détourner les yeux et m'avachir contre le banc en fer forgé. Je n'ai jamais été doué pour les grands discours encore moins pour faire preuve de tact ou de réconfort. Cette partie de moi est morte. Bien que je travaille chaque jour à m'améliorer, j'ai encore du chemin à parcourir.
— Dis quelque chose, Nik ! me demande-t-il
Levant les yeux au ciel, me mordillant la lèvre inférieure afin de contrôler le flux d'émotions qui se bouscule, je reste silencieux. Le loup en moi, ne perds pas une seconde pour les amplifier davantage. Comme ci, j'en avais besoin. Cependant lui, ne l'entend pas de cette oreille. Son instinct pour la meute, pour la famille, il ne peut l'écarter.
— Tu as toujours été l'oisillon qui cherchait à quitter le nid, Kol. À chaque fois que tu en as eu l'occasion, tu en as profité pour fuir. Alors, ce revirement de situation soudain, je ne le comprends pas !
— Tout ce que je voulais s'était arrêté de m'embourber dans cet incessant cauchemar qui me sert de famille ! Le bonheur, ça se mérite ! Et parfois, Nik, il faut se donner les moyens pour l'atteindre.
Je l'ai laissé parlé sans l'interrompre. J'ai écouté chacun de ses mots et étrangement un sourire a trouvé sa place sur mes lèvres.
— Et aujourd'hui, c'est toi qui me reproches d'essayer d'en faire autant.
Les traits crispés de son visage me prouvent qu'il vient de comprendre que les rôles s'inversent.
— C'est différent, cette fois ! J'avais l'espoir que peut-être, enfin, nous deviendrons une famille et que cette malédiction qui pèse sur nous nous laisse l'opportunité de nous unir. Avec Caroline dans nos rangs qui calme ta rage, j'avais bon espoir.
Au fond, derrière tous ces reproches des uns et des autres, ne souhaitons-nous pas tous la même chose ?
— Kol ! je souffle
Dans un geste amical et fraternel, je pose ma main sur son épaule et ancre mon regard dans le sien.
— Mon départ n'est pas définitif ! J'ai dit à Caroline que je l'emmènerai découvrir le monde et je compte bien tenir cette promesse mais il n'a jamais été question de ne jamais revenir. Je vais partager avec toi un petit secret.
À cette révélation, le regard de mon frère s'illumine. Ce n'est pas grand-chose, mais pour lui c'est beaucoup. Lui qui s'est toujours plaint d'avoir été à l'écart.
— Tout comme toi, je nourris l'espoir que notre famille trouve cette paix méritée. Je rêve que nous nous retrouvons tous ensemble à table. De partager un bon repas avec vous tous. Que des éclats de rire rythment ce diner. Sans qu'aucune rancœur, qu'aucun démon ne vienne le perturber.
Un sourire complice apparait sur le visage de Kol.
— Et tu sais quoi ? je demande, augmentant davantage la prise sur lui. Je suis persuadé que nous y arriverons !
Un poids semble se soulever de ses épaules et c'est à cet instant que je sais que j'ai réussi à trouver les mots justes. Dans un geste fraternel, je l'étreins. Dans mes bras, mon petit frère se tend mais finit, petit à petit, à se détendre.
— Si nous voulons tous les deux la même chose pour notre famille alors il est peut-être temps de commencer à écrire cette nouvelle histoire. Tu es libre d'aller où tu le désires, petit frère. J'ai vu à quel point tu étais heureux lorsque tu dansais avec Magellan.
À cet aveu, il se tend à nouveau.
— Ne laisse pas passer cette chance d'avoir le droit au bonheur. Tu sais qu'elle t'aime depuis toujours.
— Nous sommes observés ! m'informe mon petit frère.
Les sourcils froncés, je me retourne et jette un œil au loup roux à quelques mètres où nous nous trouvons. Assis sur son train arrière, on dirait qu'il sourit, d'un air satisfait.
Le spectacle auquel il a assisté lui a-t-il plût ?
Ses longues oreilles dressées sursautent maintenant d'un geste rythmé. Il vient d'entendre un bruit. Et pour cause, Marcel apparait à son tour. En le voyant, mon ancien protégé se fige. Le loup grogne, se redresse avant de faire demi-tour.
Marcel croise aussitôt mon regard. Il attend que je le prenne en chasse afin de s'assurer que je suis bel et bien de son côté.
Je bascule mon attention où le loup se trouvait puis soupire paresseusement. Je n'en éprouve pas la moindre envie. Bien au contraire.
À la place, je lève la main et salue mon ancien protégé d'un geste sournois.
Marcel va le prendre comme un affront. Je viens de ruiner moi-même mes chances à ce qu'il me fasse confiance mais peu importe ! Advienne que pourra !