♪ : Arrival of the Birds (Extended)
— Je vous ai mis des miches de pain et des pommes dans votre sac, expliqua Tosmar, le maître des lieux. Combien de temps va durer votre voyage ?
— Seulement quelques jours.
Sa fille lui offrit un doux sourire qui se voulait rassurant et empli de tendresse. Quelques heures s'étaient écoulées depuis leur accord, si bien qu'Aymee n'avait pas eu le temps de faire la connaissance de leur père. À première vue, il lui rappelait un peu le sien. Cela était sûrement dû à l'inquiétude et aux petites intentions qu'il offrait à ses enfants. Après tout, ils allaient traverser la moitié du territoire et qu'ils risquaient de croiser de nombreux obstacles sur leur route. Le berglimo n'était pas la pire des créatures de ce continent. Il y avait également les Irlides, une des deux espèces de trolls, qui n'avaient aucune sympathie et qui étaient incontrôlables. Par chance, ils résidaient sur le territoire de l'Aile d'Acier, qui ne faisait pas partie de leur itinéraire à l'heure actuelle.
— Prenez soin de vous, reprit leur paternel avant de les prendre dans ses bras, une vision attendrissante qui fit sourire la jeune Gardienne. Quant à toi, Aymee, sache que notre porte te sera toujours grande ouverte. J'espère avoir l'occasion d'échanger avec toi, à l'avenir.
Tosmar lâcha ses deux enfants et inclina légèrement le visage en sa direction pour la saluer. Il était vrai qu'ils n'avaient pas eu le temps de discuter davantage et qu'elle se sentait quelque peu redevable. Il avait mis un toit sur sa tête, l'avait nourrie et remit sur pied avec l'aide de ses deux enfants. Une grande complicité pouvait se faire ressentir au sein de cette famille, ce qui la rendit quelque peu nostalgique. Quand arrivait la fin de semaine, son propre père, Thomas, l'emmenait en forêt et lui partageait ses connaissances en lien avec la survie, l'orientation et la chasse. Lorsqu'ils rentraient le soir, sa mère leur préparait toujours un merveilleux repas et s'intéressait à ce qu'ils avaient fait. Aymee avait arrêté de compter le nombre de fois où elle l'avait regardé avec de grands yeux ronds, l'air de dire « Notre fille n'a que neuf ans ! Ce n'est pas le genre d'activités qu'elle devrait avoir à son âge ». Malgré tout, les dîners se terminaient toujours avec des sourires et des éclats de rire. Son père lui manquait tellement... Elle aurait aimé avoir plus de temps. Tous ses souvenirs semblaient si lointains.
— Saluez Elder pour moi.
Il ne fallut que très peu de temps à Aymee pour comprendre qu'il s'agissait de leur grand-frère. Edwin en avait fait mention un peu plus tôt, en disant qu'il avait rejoint la tribu qui vivait dans les montagnes. Des sorciers y résidaient depuis le conflit qui avait divisé le territoire en quatre. Elle se demandait pourquoi Elder les avait rejoints. Elle avait entendu dire que les plus grands mages veillaient à transmettre leurs savoirs à la génération suivante.
Sur Eyama, il existait deux types de magie : rituelle et instinctive. Celle-ci sonnait presque comme un don de la nature. La magie était transmise par les parents, la plupart du temps, et permettait aux chanceux de pouvoir la pratiquer n'importe où sur le territoire. Cet art coulait dans leurs veines, contrairement aux autres qui se contentaient de pratiquer la magie rituelle. Dans cette situation, il fallait être proche d'une source magique et faire appel à différents éléments, tels que des plantes ou même du sang.
Avec ce qu'elle avait pu apprendre sur les enfants de Tosmar, il était évident qu'Elder suivait une formation de magie rituelle. Aucun des autres membres de la famille ne semblait être né avec de telles capacités. Malgré tout, ce qu'elle venait d'apprendre la rendait assez curieuse. Depuis son arrivée, elle n'était tombée que sur une créature magique, qui n'était pas la plus sympathique qu'il soit. Quand son père lui racontait ses missions, il avait su lui mettre l'eau à la bouche en mentionnant l'extraordinaire magie qu'il avait vu sur Eyama. À présent, toutes les aventures qu'il lui avait racontées prenaient vie et les images créées par son inconscient se remodelaient au fur-et-à-mesure qu'elle écrivait sa propre histoire.
Plongée dans la nostalgie, elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle suivait instinctivement Esmeralda et Edwin, à travers d'immenses plaines. Lorsqu'elle était dans ses pensées, elle ne prêtait pas attention à ce qui l'entourait et elle appréciait encore moins d'être dérangée. Ses yeux avaient laissé place à un vide sans nom, perdant de leur étincelle et de leur vivacité. Évidemment, cela n'était que temporaire, puisqu'elle revint à l'instant présent et observa attentivement ce qui les entourait. L'herbe s'étendait à perte de vue, mais n'était pas suffisamment haute pour l'empêcher de voir ce qu'il se passait autour d'eux. Au loin, un homme se promenait à cheval, en compagnie de sa femme. Quelques élevages se dressaient ici et là, constitués principalement de moutons. Une intense sérénité s'émanait de ces terres. Le silence était tel qu'Aymee était en capacité d'entendre les oiseaux chanter et illuminer davantage ces plaines. Il était certain qu'Eyama était bien loin de toute l'agitation que la jeune femme connaissait sur Aphatis. Même lors d'une balade en forêt, elle ne pouvait être totalement déconnectée du monde extérieur, que ce soit avec son Strick ou les personnes qui pouvaient fréquenter les mêmes lieux qu'elle. Sur cette planète, la Gardienne avait l'impression qu'elle pouvait devenir n'importe qui, qu'elle pouvait se construire une vie n'importe où et que, si elle le voulait réellement, elle pourrait le faire loin de toute vie humaine. Eyama était un jardin de possibilités qu'elle n'aurait malheureusement pas le temps d'apprendre à connaître. Une semaine... Le temps donné par le Conseil était bien trop court et elle aurait aimé avoir plus de temps pour profiter des lieux, sans se tracasser pour cette histoire de prisonniers et de cube mystérieux.
— C'est vraiment magnifique, déclara-t-elle à l'attention d'elle-même, attirant tout de même le regard de ses deux compagnons de voyage.
— Tu n'es jamais passée par ici ?
Esmeralda sembla être étonnée que la jeune Gardienne ne connaisse pas ce genre de paysage. D'un simple hochement de tête, elle lui fit comprendre qu'elle n'était pas familière des plaines de l'Aile Ancienne. Après tout, elle ne trahissait pas sa couverture. Le territoire était vaste et elle pouvait très bien venir d'une petite île en marge de la zone de conflit qu'était Eyama.
À en juger par le regard de la grande brune à la chevelure ébène, elle s'apprêtait à lui poser une nouvelle question. Sa curiosité n'avait-elle donc aucune limite ? Avant même qu'elle ne l'oblige à produire un nouveau mensonge, Aymee prit la parole, bien décidée à l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
— Les soins que vous m'avez prodigués étaient vraiment exceptionnels. Où avez-vous appris l'usage des plantes médicinales ? lança-t-elle en joignant ses deux mains derrière son dos.
Edwin et Esmeralda s'échangèrent un bref regard qui laissait sous-entendre qu'elle avait mis les pieds dans quelque chose qui ne leur plaisait pas. Néanmoins, la plus jeune de la fratrie reprit la parole et lui prouva encore une fois qu'elle n'avait de secrets pour personne. La Gardienne ne voyait pas de mal à sa franchise, mais il fallait avouer qu'elle n'irait jamais lui confier quoi que ce soit qui pourrait la mettre dans une situation compromettante.
— Notre mère nous l'a appris, il y a quelques années, avant de... commença-t-elle d'une voix tremblotante qui se brisa au fur-et-à-mesure de ses paroles.
— Je suis désolé, je l'ignorais.
— Elle n'est pas morte, la coupa Edwin, constatant la légère culpabilité qui brillait dans son regard. En vérité, elle a été faite prisonnière, en début d'année, par la tribu de l'Aile d'Acier.
Les sourcils de la jeune fougueuse se froncèrent brutalement. Elle ne comprenait pas ce qu'ils faisaient ici, avec elle, à l'aider pour sa propre quête, alors qu'ils avaient une telle histoire à régler de leur côté. Edwin dut ressentir son scepticisme, parce qu'il poursuivit son discours et rentra davantage dans les détails.
— Depuis des mois, nous préparons une attaque contre sa dirigeante. Nous voulons faire les choses bien, pour ne pas risquer sa vie et celle de d'autres innocents qui se sont retrouvés dans la même situation, expliqua-t-il avec une sagesse qui lui allait si bien.
Sa dirigeante ? L'Institut lui avait fait comprendre que ce territoire était dirigé par un homme depuis des années. La situation avait-elle évolué ? Ses connaissances n'étaient visiblement pas à jour et elle décida de questionner Edwin, en toute discrétion.
— Une femme ? Je pensais que le territoire était dirigé par un homme.
— Ce n'est plus le cas. Quelques opposants vivant sur le territoire l'ont assassiné, il y a quelques semaines, expliqua Esmeralda, visiblement remise de ses émotions.
— C'est sa femme qui a repris le flambeau, mais à ce qu'on dit, elle est plus tyrannique et dangereuse que son défunt époux, souffla l'aîné entre ses lèvres.
Aymee secoua légèrement la tête, le parfait reflet de l'intense réflexion qui faisait rage en elle. Ses yeux étaient légèrement plissés et elle essayait de réorganiser tout ce qu'on venait de lui dire à l'instant. Au moins, une chose n'avait pas changé : la tribu de l'Aile d'Acier vivait toujours sous la dictature et l'oppression. Les dirigeants n'avaient jamais pris la peine de se concerter avec le peuple depuis que le conflit avait éclaté et que le territoire était scindé en quatre régions.
Les dernières connaissances de cette tribu, qui avaient été apportées à l'Institut, concernaient les poissons. À ce qu'on disait, les hauts placés utilisaient des poissons ensorcelés pour envoyer des messages ou espionner leurs ennemis. En lisant cela, Aymee avait eu un léger sourire d'amusement et s'était dit qu'ils étaient complètement fous, mais tout de même assez ingénieux. Elle n'y aurait jamais pensé, à leur place. Malgré tout, maintenant qu'elle avait mis les pieds sur ce territoire, elle se rendait compte que cela n'avait pas du tout l'air d'une plaisanterie. Les tensions étaient grandissantes et une guerre allait être déclarée d'un jour à l'autre.
— Est-ce que tu veux que je te montre un peu ce que l'on peut faire avec les plantes des environs ? proposa Esmeralda après de longues secondes de silence, qu'elle avait sûrement fini par trouver pesantes.
— Avec plaisir.
Aymee lui sourit doucement, tout en remarquant qu'elle faisait son maximum pour détendre l'atmosphère qui s'était assombrie après l'histoire de l'enlèvement de leur mère. Elle était bien placée pour savoir l'état d'esprit dans lequel ils pouvaient être. Plus jeune, elle avait passé de longs mois à espérer le retour de son père, qui n'avait jamais eu lieu. L'attente était insoutenable et l'incapacité d'agir restait intolérable. Il n'y avait rien d'étonnant au fait qu'Esmeralda voulait changer de sujet au plus vite. La disparition d'un proche impactait profondément l'âme de ceux qui l'aimaient et en parler ne faisait qu'ouvrir à nouveau une plaie qui avait commencé à se refermer.
Pour l'ensemble de ses raisons, elle avait accepté que la grande brune lui transmette à son tour les connaissances de sa mère. Sa mission en tant que Gardienne des Mondes n'était pas de ramener des nouvelles informations au Conseil, pour remplir et approfondir les ouvrages de l'Institut. Néanmoins, il lui semblait essentiel de se pencher là-dessus pour perfectionner ses quêtes sur ce territoire, mais également pour survivre en cas de blessures graves.
Son interlocutrice lui agrippa le poignet pour l'attirer vers un buisson. L'énergie abondante d'Esmeralda était revenue aussi vite qu'elle avait disparue. Malgré tout, les sourcils d'Aymee ne purent s'empêcher de se froncer à son contact. La mâchoire contractée, elle se retint de lui faire comprendre qu'elle détestait la proximité avec les êtres humains. La gardienne n'était pas dépourvue d'émotions, loin de là. Elle avait seulement pour habitude de prendre ses distances et de se montrer dédaigneuse et froide. Ses amitiés se comptaient sur les doigts d'une seule main et elle n'accordait pas sa confiance facilement. Néanmoins, en dépit de toutes les actions qui lui avaient prouvé qu'elle pouvait le faire avec ce frère et cette sœur, elle restait sceptique.
— Est-ce que tu vois les petites baies orange ? répliqua la benjamine, en lui lâchant finalement le poignet pour lui pointer du doigt l'objet de la discussion. Elles sont très efficaces contre les maux de tête.
Aymee n'avait pas connaissance des bienfaits de ce fruit, mais elle était réellement intéressée. Déposant son sac en cuir sur le sol, elle en sortit un petit récipient en verre et cueillit quelques-unes. Elle n'avait pas souvent mal à la tête, contrairement à son ami Ash. Il aurait dû se spécialiser sur Eyama. Ce n'était pas sur Kolia qu'il trouverait ce type de plantes. À vrai dire, il ne dénichait pas grand-chose là-bas, parce que la planète était ravagée depuis des années. Les plantes et les animaux avaient muté et il valait mieux ne pas croiser leur route. Les fleurs n'avaient aucune propriété curative, bien au contraire. Un simple contact pouvait faire mourir un être humain dans d'atroces souffrances. Vraisemblablement, Ashton et elle n'avaient pas les mêmes goûts en matière de spécialisation des planètes. Kolia devait avoir un charme incompris par la majorité des Gardiens des Mondes. Elle ne voyait pas d'autres alternatives.
*
Hello. Comment allez-vous ?
Voilà un chapitre un peu plus calme, mais je dois mettre en place petit à petit l'action. J'espère qui vous plaira et que je ne vous ai pas écrasé par les informations.
Bonne semaine à tous !