Johan leva la tête en entendant la clochette du salon retentir pour la première fois de la journée.
-Salut ! s'exclama-t-il à l'attention de son collègue.
-Bon matin ! répondit Zac d'une voix enjouée. Tiens, un latte glacé pour toi, après le week-end que tu as eu et avec le début des beaux jours, je me suis dit que ça pourrait te faire plaisir.
-Oh ouais, t'es génial, merci.
L'horloge indiquait 8h34 et le premier rendez-vous de la journée était à 9h15. Ils s'installèrent alors sur le canapé pour boire leur boisson tranquillement.
-T'es passé chez Carrie ? demanda Johan en reconnaissant le gobelet en plastique.
-Ouais, un peu par hasard en fait, y a eu un accident donc j'ai pas pris la même route que d'habitude et je suis passé devant son café qui était ouvert. Je l'ai trouvée en forme, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vue !
-Oui je sais, faudrait que je pense à l'inviter quand on se fait des apéros ou des petites soirées, je suis sûre qu'elle s'entendrait bien avec tout le monde !
Son meilleur ami approuva en portant sa boisson à ses lèvres.
-Mais t'es prêt à refaire une soirée toi ? demanda sceptiquement le métis.
Johan leva un sourcil interrogateur en direction de son meilleur ami. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre là où le tatoué voulait en venir.
-Oui.
Ce fût sa seule réponse. C'était comme si son sourire et sa légèreté matinale venaient de s'échapper. Il n'avait pas envie d'en parler. Zac allait lui poser des tas de questions, lui faire des reproches et il n'était pas d'humeur à se justifier. Il s'en voulait d'avoir autant perdu le contrôle samedi soir, il le reconnaissait, mais il n'était pas encore prêt à l'admettre à haute voix. Alors il se leva prestement du canapé et regagna son comptoir. Le métis soupira. Une telle réaction ne le surprenait pas de la part du brun. Même si ça lui démangeait de poser tout haut les questions qui tournaient dans sa tête depuis le week-end, le tatoueur se retint. Le moment viendrait. Alors en silence il quitta à son tour le sofa et rejoignit son atelier.
La pause déjeuner était enfin arrivée, pour le plus grand bonheur de l'estomac de Zac qui était bruyant depuis de longues minutes. Emilie avait débarqué en milieu de matinée pour faire un point sur les chiffres du salon, et c'est donc à trois qu'ils s'installèrent autour de la table basse. Un livreur venait de passer, leur apportant leurs pads thaï commandés un peu plus tôt.
-Comment va Naunau ? demanda l'aînée.
-Il est encore chez maman, j'irai le chercher ce soir avant le repas.
La brune fronça les sourcils.
-Tu l'as appelé au moins hier soir ?
-Em, tu vas pas me dire comment éduquer mon fils, répliqua sèchement le jeune père.
-Il passe tout son temps chez sa grand-mère donc je suis pas certaine que tu puisses vraiment dire que tu l'éduques, lâcha-t-elle cinglante.
Les doigts de Zac se crispèrent sur sa fourchette à l'entente de cette dernière phrase. Les choses allaient mal tourner et après cet éprouvant week-end c'était loin d'être ce dont il avait envie.
-Tu vas trop loin Emilie, lâcha froidement Johan.
-Parce que toi tu vas jamais trop loin peut-être ?
Le métis passa une main embêtée dans sa nuque tatouée. Il leva les yeux vers le frère et la soeur qui s'échangeaient des regards assassins. On était lundi bon dieu, n'était-il pas possible d'avoir un peu de repos ?
-On parle plus de mon fils là ou je me trompe ?
Le propriétaire des lieux sentait la colère bouillir en lui. Il avait très bien compris que sa sœur faisait référence à son comportement de samedi soir. Et en particulier son attitude vis à vis de Louise. Mais il n'avait pas besoin de ça pour y repenser. Les souvenirs flous et embrumés occupaient son esprit depuis la veille. Il n'était plus certain des mots qui étaient sortis de sa bouche mais il lui suffisait de fermer les yeux pour voir le visage triste et blessé de la jolie blonde. Il se remémorait la proximité de Marie, et la distance de Louise, ainsi que toutes les émotions contraires qui l'avaient traversé au cours de la soirée.
-Tu peux plus refaire ce que t'a fait samedi, lâcha calmement sa grande sœur.
Zac esquissa un faible sourire: peut-être la conversation pouvait être posée et polie finalement. Son regard se tourna vers son meilleur ami et il en douta fortement. On pouvait lire sur son visage crispé à quel point il se contenait. Ses sourcils étaient froncés et son front tendu.
-J'ai pas besoin de t'entendre me dire ce que j'ai à faire et à ne pas faire, j'ai passé l'âge, lâcha-t-il sans céder à la colère.
-Tu vas la casser si tu continues comme ça, le prévint la jeune femme en face de lui.
-Elle est loin d'être aussi fragile que tu ne le penses.
-Elle est amoureuse de toi voyons ! s'exclama Emilie. Alors solide ou pas si tu continues de te comporter comme ça avec elle et de sauter sur sa meilleure amie sous ses yeux, évidemment qu'elle va pas tenir.
Le tatoué écarquilla les yeux, pas certain de bien comprendre les paroles de sa sœur.
-Ne dis pas n'importe quoi, elle n'est pas amoureuse de moi, souffla-t-il.
-Je crois que si Joh, je crois bien qu'elle l'est, répondît-elle sincèrement.
Zac fit la moue. Outre le fait qu'il est quasiment terminé sa portion alors que ses collègues l'avaient à peine commencée, il était lui aussi surpris des mots choisis par la jeune femme.
-Même si elle n'est pas amoureuse amoureuse de toi, c'est évident qu'elle tient à toi et qu'elle a ... au moins des sentiments, intervint finalement le métis.
-Elle t'a parlé de ça ? se tourna Johan vers lui.
-Non, non on en a jamais discuté mais -
-Alors vous vous trompez, le coupa le châtain. Elle ne veut rien de plus qu'une relation amicale avec moi.
-Parce que vous en avez parlé ? s'étonna sa sœur.
Le propriétaire des lieux se rappela alors que les deux personnes en face de lui ignoraient une grande partie de l'histoire: la fin du séjour au chalet. Autrement dit ils n'avaient aucune idée qu'ils s'étaient déjà embrassés avec Lou. Et ce n'était pas aujourd'hui qu'ils allaient le découvrir !
-En quelques sortes, finit-il par répondre.
-Ah bon ? Quand ça ? l'interrogea son meilleur ami très surpris.
-C'est juste Lou d'accord, vous savez comme elle est, il faut que tout soit clair, explicite et bien défini alors on a juste statué là dessus lorsqu'elle en a eu besoin. En gros.
Il espérait que ses explications seraient convaincantes mais les visages de sa sœur et de son meilleur ami ne le rassuraient pas.
-Et toi t'es d'accord avec cette relation amicale ? demanda prudemment Emilie.
Johan s'apprêtait à répondre lorsqu'il se ravisa. C'était bien tenté mais il n'allait pas se laisser aller si facilement à la confession. Sa sœur voulait rentrer dans sa tête et il était hors de question qu'il la laisse faire. Il connaissait la réponse. Bien sûr qu'il n'était pas satisfait de cette relation amicale. Pas alors qu'il avait déjà brièvement gouté à la jeune femme et que tout chez elle réveillait en lui un désir enfouit. Ils se connaissaient depuis des mois et pourtant il avait toujours autant de mal à détacher son regard d'elle. Il adorait se perdre dans ses yeux et l'écouter parler avec ses mots littéraires. Cette singularité qui l'avait peut être un peu effrayé au début l'attirait désormais d'une telle force que ça en était douloureux. Alors non une relation amicale ne lui convenait pas. Mais ça, ça n'était pas une information pour Emilie ni pour Zac.
-Les choses sont ce qu'elles sont et oui ça me va. Et je me comporterai mieux à l'avenir, c'est promis. Est-ce que l'on peut passer à autre chose désormais ?
-Okay, finit par répondre l'aînée.
Johan soupira et attrapa ses baguettes qu'il avait délaissées. Ces nouilles et ces crevettes avaient l'air délicieuses et il était temps qu'il attaque son déjeuner.
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Bonjour bonjour ! Voici la suite de Prudence et Audace avec un chapitre centré sur notre tatoueur préféré.
Que pensez vous de la réaction de Johan face aux mises en garde de sa sœur ? Pensez vous comme Emilie que Louise est amoureuse ?
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Kosmos xx