Les autres peuvent bien aller...

By PaigeByPage

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"Un an a faire des efforts pour voir tout voler en éclat en l'espace de vingt-quatre heures." Léonard pensai... More

CHAPITRE UN
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX

CHAPITRE DEUX

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By PaigeByPage

On s'embranche dans un couloir bondé d'élèves qui entrent et sortent des salles de classes à leurs aises. Ce n'est pas difficile de remarquer les regards en coin qu'ils m'adressent tous à mon passage. Mais c'est encore plus facile de les ignorer ou de paraitre menaçant pour les effrayer. Après tout, c'est ce qu'ils attendent de moi, la racaille des bas quartiers.

Au bout d'un moment, on finit par enfin s'arrêter dans un long couloir qui semble desservir de nouvelles salles de cours. D'un côté du mur il y a toute une rangée de casiers et de l'autre, des fenêtres qui donnent sur la cour. Je me retourne vers l'endroit d'où l'on vient. La classe me parait bien loin maintenant. Espérons que je parviendrai à retrouver mon chemin jusque là-bas.

- Voilà. Le 47 pour toi et le 45 pour moi, m'indique Gaspard.

Je baisse la tête vers le casier qui m'est attribué. J'ai toujours celui qui est tout en bas, m'obligeant à plier en deux mes grandes jambes. Je lève les yeux vers celui de mon voisin. Je le regarde, perplexe.

- On échange ? je propose subitement.

Il secoue la tête vigoureusement. J'espère qu'il est seulement soulagé et pas apeuré par moi. Je jette un coup d'œil à ma montre sans vraiment savoir combien de temps il nous reste pour manger.

- Tu sais, monsieur Richer est le prof le plus cool de ce lycée. On a de la veine de l'avoir pour prof principal.

- Mmh. J'attends de voir, je réponds les lèvres pincées.

- Au fait, moi c'est Gaspard.

Finalement il n'est peut-être pas si peureux que ça. Je considère longuement la main qu'il me tend. Est-ce que c'est une bonne idée qu'il soit ami avec moi ? Ou moi avec lui ? Par politesse, je me décide à reconsidérer cette amitié plus tard et à lui serrer la main.

- Léo...

- Léonard Travenner, me coupe une voix dans un haut-parleur. Vous êtes attendu au bureau du CPE.

Je lève le doigt vers cette voix grisante qui répète son message.

- C'est moi.

Je m'éloigne dans le couloir que l'on vient de traverser et soudain je me retourne ne sachant pas où aller.

- Tu ne saurais pas où se trouve le bureau de ce CPE par hasard ?

Gaspard sourit et me rejoint :

- Je t'accompagne.

Cette fois, les gens ne font plus seulement que me fixer mais ils s'écartent pour me laisser passer. Et je souris. Parce que c'est ce que j'aurais fait dans mon ancien bahut. Je n'ai pas peur. Du moins, je ne leur montre pas.

On s'arrête devant une porte. Je remercie Gaspard avant de toquer.

- Entrez.

J'ouvre. La pièce est déjà bien remplie. D'abord il y a le CPE, à son bureau. Un homme plutôt âgé, qui, à la première occasion va revendiquer son expérience et la tradition qui règne dans ce lycée. Derrière lui, mon professeur principal. Puis il y a cette fille, que je ne prends même pas le temps de dévisager. Je m'assois sur le siège libre à côté du sien.

- Léonard. On est très content de t'accueillir dans notre établissement. On espère que tu t'y sentiras à ton aise.

Quand ces petits richard arrêteront de me défigurer à chacun de mes pas, peut-être.

- Nous avons eu vent de ton parcours scolaire. Nous avons préalablement, rencontré Frédérique, ton éducatrice. On a convenu d'un suivi éducatif adapté qui sera composé de deux parties nous concernant.

Mes doigts se resserrent autour des accoudoirs du siège alors que je l'écoute me punir encore un peu plus dès mon premier jour. Il faut les comprendre. Ce type, dans son grand fauteuil et son costume parfait, a la pression. Ils n'ont pas le droit à l'erreur avec moi. Question de réputation. Et pourtant, dès mon premier échec, je suis prêt à parier qu'ils envisageront mon renvoi. « C'est la seule solution » me diront-ils.

Le CPE me tend une feuille. C'est un emploi du temps qui récapitule mes heures de cours et mes heures supplémentaires de soutien.

- En premier lieu, tu t'entretiendras avec Monsieur Richer, à compter d'une heure par semaine.

- C'est juste histoire de discuter des cours, de ton adaptation, il se veut rassurant.

Alors c'était ça ce regard qu'il me lançait tout à l'heure, en classe. Il savait ce qui allait m'arriver, ce qu'on allait m'annoncer dans ce bureau.

- Effectivement. Et à cela s'ajoute, une heure de soutien scolaire avec Elyse, présente avec nous ce midi.

Je tourne la tête vers la fille. Elle me sourit. Pas d'un sourire faux ou timide. Non, elle semble pleinement consciente de la corde qu'ils sont en train de me mettre autour du cou et elle semble même ravie.

- Elyse est élève en terminale dans notre établissement. C'est une excellente élève et nous sommes persuadé qu'elle pourra t'aider à rattraper ton niveau.

Évidemment, mon niveau était jugé bon là où j'étais l'année dernière. Mais rapporté à ici, on doit être à la limite du passable voire du médiocre.

- Si je résume, tu as rendez-vous avec Frédérique le lundi et le jeudi. Puis avec Monsieur Richer le mardi et enfin, cours de tutorat le vendredi.

Comment gâcher la fin de ta semaine.

- Et si je refuse ?

Tous leurs sourires se mettent à dépérir. S'attendaient-ils à ce que je signe sans protester ?

Je me lève de ma chaise et désignant la fille d'un coup de menton, je conclus :

- Je n'ai pas besoin d'elle.

Sur ce, je quitte la pièce. Derrière la porte, Gaspard se lève de la chaise sur laquelle il s'était assis pour m'attendre et j'intercepte son regard mi inquiet, mi admirateur qui oscille entre moi et le bureau du CPE. Mais aucun d'entre eux ne semblent réclamer mon retour immédiat. En revanche, il y a cette fille. Elle m'appelle encore et encore dans le couloir. Seulement je refuse de me retourner.

- Léonard, est-ce qu'on peut parler s'il te plait ?

Il y a tellement de politesse et de condescendance dans sa voix que ça me fait grimacer. Mais elle parvient à m'attraper par le bras et à se poster devant moi. Cette fois-ci, je prends le temps de la dévisager de la tête aux pieds. Elle est frêle, mais déterminée. Juchée sur ses talons hauts, elle n'est pas loin de faire ma taille. J'ai à peine besoin de baisser les yeux pour voir les siens. Ils ne vacillent pas et toute son assurance en déborde presque. J'ai encore plus envie de grimacer. Qui m'a collé une fille pareille ?

- Il n'y a rien à discuter. Je ne veux pas le faire.

- Mais je veux t'aider moi, elle m'assure.

Ah le revoilà ! Ce sourire conquérant comme si tout lui était dû, que tout lui réussissait, ce que je ne doute pas.

- Et moi je n'ai pas envie d'être une ligne de plus dans ton CV : « a aidé ce pauvre garçon des quartiers défavorisés », je lui balance à la figure en me penchant vers son visage.

Son sourire disparait. J'ai touché dans le mille. Elle ne veut pas m'aider. Elle a besoin que je l'aide pour se faire bien voir des universités dans lesquelles elle veut postuler. Son avenir est entre mes mains et je ne lui donnerais pas ce plaisir.

- Va te trouver un autre cas social.

- Un problème ? me repousse d'une main sur mon épaule un garçon débarqué de nulle part.

Aussi grand que moi mais physiquement mon opposé, brun avec des yeux marron foncé qui me fusillent déjà. Je ne serais pas étonné d'apprendre qu'il a sa petite réputation à protéger ici et qu'il s'applique à s'imposer face à moi, le nouveau, dès le premier jour.

Elyse pose une main sur son torse pour s'interposer. Ils doivent être intimes sinon elle l'aurait pris par le bras, comme elle a fait avec moi quelques instants plus tôt.

- Aucun problème Damien.

Ce Damien en question me dévisage avant de reposer son attention sur la fille entre nous deux.

- T'es sûre ? demande-t-il protecteur.

Elle hoche la tête, reposant son regard sur moi.

- On n'a pas besoin de toi Damien, intervient mon voisin de classe, qui a suivi toute la scène.

- Si. Je crois que ton ami a besoin qu'on lui rappelle qu'ici, il me fixe avec son regard menaçant. Ici, ce n'est pas lui qui fait la loi.

Je rêve ou le roi du lycée vient de me faire son petit numéro de rentrée ? Je lâche un rire et sans parvenir à me détendre, je rétorque :

- C'est ce qu'on verra.

Je le cogne à mon tour à l'épaule en m'éloignant dans le couloir, n'en tenant plus. Lui et les autres peuvent bien aller se faire voir.

J'entre aux côtés de Gaspard dans l'immense self du lycée. Je remplis mon plateau de plats qui semblent pour le coup, vraiment bon. Je laisse mon voisin de classe choisir nos places. Comme je le présageait, il opte pour une table, loin de ce qui semble être le gros groupe influant de terminale, parmi lequel Elyse est installée.

Je commence à manger mon assiette si savoureuse. Mais alors que j'étais sur le point de décolérer, juste en face de moi, j'aperçois Elyse s'asseoir sur les genoux du certain Damien. Un bras autour de sa taille, il caresse son dos et elle bascule la tête en arrière en riant. Ils me coupent l'appétit ces deux-là.

Soudain leurs regards à tous les deux accrochent le mien. Il se permet de me provoquer en plus ! Je serre les dents. Je laisse tomber ma fourchette qui cogne dans un bruit strident contre le rebord de mon assiette. Gaspard se retourne et Elyse lui adresse un sourire plus tendre.

- Alors tu la trouves comment ?

- Qui ça ? je reporte mon attention sur lui.

- Ma sœur.

- C'est qui ta sœur ? je lui demande sans comprendre.

- Ben, Elyse.

Mon regard passe de lui à Elyse derrière son épaule.

- C'est ta sœur ?

- Ouais, il hoche la tête comme si la réponse allait de soi.

- C'est ta sœur qui va me dispenser ces putains de cours de soutien ?

- Ouais. Depuis quinze jours, c'est son seul sujet de conversation. Et mon élève de soutien par ci, et mon élève de soutien par-là, il l'imite, sans l'engouement qu'elle doit adopter.

- Elle va vite déchantée. Je n'ai aucunement l'intention de passer une heure par semaine avec elle.

Il ricane.

- C'est mal connaître ma sœur.

Je me penche par-dessus mon assiette pour qu'il daigne enfin me regarder dans les yeux et lui rétorque d'un ton froid :

- C'est aussi mal me connaître.

Je lève la tête une dernière fois vers notre couple de Barbie et Ken officiel qui a cessé de nous espionner.

- Et le gars avec elle, c'est qui ? Son petit ami ?

- Damien ? Non. Enfin je ne crois pas.

- Si ce n'est pas encore fait, ça ne devrait pas tarder, je lui laisse savoir.

En seule réponse, il hausse les épaules. Visiblement, je me suis trouvé un compère qui n'est pas beaucoup plus bavard que moi. Ou alors je l'effraie encore un peu trop.

****

Après une après-midi rasoir de cours, et un trajet interminable en bus, j'arrive à l'appartement. Melissa peut me déposer au lycée le matin mais elle ne peut pas venir me chercher le soir. Quand j'entre, je trouve papa, installé à la table de la cuisine, une tasse de café fumante à la main. Je n'ai plus besoin de voir son emploi du temps qui est en permanence affiché sur le frigo pour connaître ses horaires. Il a adopté des habitudes que je suis capable de déchiffrer sans problème avec des années de pratique. Le café à cette heure-ci ça signifie qu'il est de nuit. Il ne va pas tarder à partir.

Je m'avance vers lui, sans grande conviction. J'accroche mes mains au dossier de la chaise devant moi.

- Alors cette rentrée ? me demande-t-il.

- Une rentrée comme une autre, je hausse les épaules.

- Tes professeurs te plaisent ?

Nouveau haussement d'épaules.

- On verra.

- Bien, baisse-t-il les yeux sur sa tasse.

C'est toujours la même scène entre nous. On a rien à se dire.

- Melissa est là ? je demande.

- Non, pas encore.

Je hoche la tête. Depuis qu'elle a quitté le club de rink-hockey de La Vendéenne et publié son deuxième livre, elle a repris un travail pour soulager papa. Ce sera seulement pour quelques mois puisqu'en janvier, elle s'envolera vers l'Italie. Elle va y faire un nouveau semestre d'étude et par la même occasion, retrouver Maximilien. Pour la deuxième année consécutive, elle partage sa vie entre gérer sa famille merdique et vivre d'amour dans les bras de Maximilien.

Je l'envie. Je l'envie tellement de pouvoir quitter les quatre murs de cet appartement. Et d'un autre côté, je lui en veux de me laisser en tête à tête avec papa pendant une si longue période. Ça ne s'est pas très bien passé l'année dernière et à voir la conversation passionnante que l'on vient d'avoir, les choses s'annoncent aussi palpitante que la dernière fois.

- J'ai acheté des lasagnes pour ce soir.

Nouveau hochement de tête.

- J'ai des devoirs, je m'éloigne vers le couloir.

- Vas-y, je ne te retiens pas.

C'est bien ça le problème. Il ne me retient jamais. A quand remonte notre dernier moment père-fils, où l'on a partagé une activité en s'amusant ?

Je referme la porte de ma chambre derrière moi etbalance mon sac par terre, près de mon bureau. Je retire mes chaussures etm'affale sur mon lit. Je remets mes écouteurs et me laisse enfin emporter parla musique et le sommeil qui me guettait à chaque heure de la journée.

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Léonard démarre une nouvelle année de première entre de bonnes mains visiblement !

Qu'en avez-vous pensé ? Ana Paige :)

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