CHAPITRE SIX

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Je sors de ma chambre et traverse le court couloir qui la sépare de la pièce à vivre. Melissa est déjà attablée devant son petit déjeuner et je tire la chaise à côté d'elle pour m'asseoir. Je prends le bol qu'elle m'a sorti et laisse les céréales s'entasser en tombant du sachet. Après avoir avalé ma troisième cuillérées, je lève la tête pour lancer un regard interrogateur à Melissa qui n'a pas encore décroché un mot depuis mon arrivée.

Ses yeux étonnés font le chemin plusieurs fois entre les vêtements que j'ai enfilé au réveil et ma tête. Elle cherche sûrement à s'assurer de ma pleine conscience d'esprit et se demande si j'ai fait attention à ce que je me suis mis sur le dos. Eh oui, pour une fois j'ai pris le plus grand soin à choisir mes vêtements.

- Quoi ?

- Une chemise ?

Par-dessus mon tee-shirt gris foncé, j'ai passé la chemise vert kaki, sans la boutonnée, qu'elle m'a offerte il y a deux ans maintenant. Je me souviens très nettement de cette journée et pas forcément pour les bonnes raisons. Alors que Melissa m'avait poussé à sortir de mon lit pour m'emmener faire un tour au centre commercial et pour que l'on passe un moment rien que tous les deux comme par le passé, j'ai complètement disjoncté quand elle a voulu évoquer mon comportement au lycée et ma colère s'est intensifiée quand elle a abordé le sujet de maman.

Aujourd'hui je sais que la situation est différente. Le temps a passé encore un peu plus depuis le départ de maman et surtout, Frédérique m'a aidé. Sans son aide, je ne parviendrais toujours pas à me maitriser si Melissa, mon père ou quelqu'un d'autre cherchait à me parler de maman. A l'époque c'était un trop plein d'émotions pour un garçon de quinze ans qui attendait le retour de sa mère depuis ses dix ans. Je ressentais des choses qui me paraissaient incompatibles, que je ne contrôlais pas et qui me faisaient honte. Tellement d'amour, de désespoir, de haine et de rancœur envers la femme qui m'avait mise au monde, celle qui était la première à m'embrasser le matin et la dernière à poser ses lèvres sur mon front le soir pour me souhaiter de beaux rêves. La seule personne qui avait toute ma confiance, tout mon amour. Et qui est parti dès que j'ai eu le dos tourné.

Je m'en suis voulu de m'être disputé avec ma grande sœur dès que j'ai franchi le seuil de ma chambre en rentrant. Mais je n'ai pas trouvé le courage de faire demi-tour tout de suite et après il était trop tard. Trop tard parce qu'elle était déjà repartie et trop tard parce que j'avais de nouveau sombré dans cette colère que je me dirigeais à moi-même et qui était devenu comme la punition que je m'infligeais chaque fois que je dérapais et que j'infligeai aux autres mes erreurs de sentiments.

Melissa m'avait poussé à acheter la chemise parce qu'elle trouvait qu'elle se mariait bien avec mes cheveux blonds et qu'elle faisait ressortir mes yeux verts. Mais je ne l'ai quasiment pas porté en dehors d'occasions exceptionnelles. C'est d'ailleurs ce que suppose Melissa.

- Une occasion particulière ?

- La photo de classe.

Ses yeux se mettent à pétiller et un sourire se dessine sur ses lèvres quand elle pose sa main sur mon bras.

- Tu es très beau.

- J'essaye de me mettre au niveau de ce lycée de bourges dans lequel vous m'avez envoyé.

- Tu devrais rajouter une cravate alors ! Ou un nœud papillon ! Papa doit en avoir un dans ses affaires.

Elle se lève pour se rendre dans la chambre de papa, à côté de la mienne mais je l'en empêche en la retenant par le poignet.

- Pitié, non ! J'aurais l'air d'un clown et ma réputation ne peut pas se permettre de prendre un coup pareil, je lui fais comprendre sur le ton de la plaisanterie.

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⏰ Last updated: Jul 05, 2020 ⏰

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