Claire fut émue et secouée en apprenant la tentative de suicide de Jack. Elle s'était attachée à lui malgré les nombreuses disputes et des comportements repoussants. Sa dernière rupture amoureuse avait provoqué un déséquilibre émotionnel et renforcé un manque de confiance. C'est pourquoi, elle s'était planifiée une année sabbatique afin d'effectuer le tour du monde en solitaire.
Cette dernière nouvelle ébranla et mit un terme à certaines barrières émotionnelles et psychologiques, qui jusque-là, l'empêchait d'avancer dans l'élaboration de son projet personnel. Elle finit très rapidement par prendre son sac à dos et à tout plaquer.
Seulement quelques jours après l'incident, elle rendit les clés de son appartement. Elle regroupa toutes ses économies afin de retirer son billet pour Paris. Elle souhaitait débuter son tour du monde par l'Europe et rêvait depuis toute petite de visiter la ville lumière.
Elle avait renoncé et tiré un trait sur sa relation avec Jack. Cette relation la terrifiait. Elle ne parvenait pas à se projeter dans un avenir proche, dans une relation solide et durable. Elle avait longuement insisté sur le fait que Jack devait se faire soigner car il était particulièrement instable et imprévisible, surtout avec ses mélanges dangereux associant alcool, stupéfiants et médicaments.
Elle préféra lui cacher la réalité de son projet imminent. Elle craignait qu'il ne tente de la retenir en la priant de rester ou même d'engager un chantage démérité.
Elle avait conscience des conséquences de son départ, mais sa décision ,longuement réfléchie, était prise. Elle décida dorénavant de penser davantage à elle. Chose qu'elle ne faisait plus depuis de trop nombreuses années. Elle se contenta de lui glisser tendrement un baiser sur le front, lors de son dernier jour de travail, alors qu'il s'était profondément endormi. C'est le cœur serré et lourd qu'elle se retira pour toujours.
Harry fut également touché par cette tentative de suicide, bien qu'il ne fréquentait plus son ancien collègue et ami depuis son installation chez Claire.
Un samedi soir, Harry se rendit au port de Farnuca aux docks sud où il avait rendez-vous avec un revendeur de cocaïne pour une transaction importante. Il s'était engagé à revendre une certaine quantité de stupéfiants. En retour, il pouvait consommer, à titre personnel, une quantité limitée de drogue. Le rendez-vous fut expéditif afin de n'éveiller aucun soupçons ni regards indiscrets. Il savait qu'il risquait gros avec de telles quantités échangées.
Le week-end suivant, il se rendit au bar qu'il affectionne particulièrement. Ce même bar où il emmena Jack plusieurs fois. Alors qu'il terminait de siroter la bouteille de champagne en compagnie de sa prostituée, il lui vendit quelques grammes de cocaïne en sachets de 2 grammes. Elle profita de cette opportunité, puisque Harry, afin de se développer son propre réseau, lui céda à un prix inférieur à celui pratiqué par Sly, le gérant et propriétaire du bar. Il était également un de ses amis de longue date. Néanmoins, Harry n'avait aucun scrupule ni aucune crainte à oser revendre de la drogue dans le bar de son ami.
«Autant me tirer une balle dans le dos, espèce de traître»
hurlera plus tard Sly en apprenant la nouvelle.
Quelques semaines plus tard, alors que Harry arrivait au bar, l'énorme Baba, un des agents de sécurité, se glissa discrètement derrière lui. Il remarqua aussitôt sa présence fort peu discrète. Alors qu'il était sur le point de se retourner pour lui demander la raison de ce pistage, Baba lui assena un énorme coup derrière la tête avec la crosse de son colt 45.
Harry s'écroula, perdant connaissance. Il se réveilla quelques instants plus tard dans le bureau de Sly. Sa tête le faisait souffrir énormément. Il ne parvenait pas à reprendre ses esprits. Plusieurs longues minutes furent nécessaires pour qu'il revienne à lui.
Sly se tenait là, derrière son immense bureau, avec les pieds posés et croisés sur un des angles. Il fumait un cigare cubain. La fumée et l'odeur du Charruto, variété très prisée de cigare cubain, avait envahi et obstrué les narines de Harry.
Sly, apercevant son ami reprendre connaissance,commença:
- «II y a 15 ans, suite à la mort de mon père, j'ai racheté ce bar avec la résolution d'amasser un maximum d'argent. Peu importe les moyens et la manière, j'en avais rien à foutre. Mon père a travaillé toute sa vie comme un acharné dans le bâtiment. Alors qu'il commençait à profiter d'une retraite, arrivée bien trop tardivement, les médecins décelèrent un cancer de la peau dû aux saloperies de produits qu'il manipula toute sa vie sans se protéger»
- «Mais pourquoi me racontes-tu tout ça Sly?»
questionna Harry surpris d'être pieds et mains liés à sa chaise.
- «Ferme ta gueule, ne m'interromps pas. Juste avant sa mort, il demanda à me parler, son seul et unique fils.
C'est là qu'il me dit: Fiston, ne termine pas comme moi, tu mérites mieux que toute cette merde. Soit droit et va toujours au bout de ce que tu entreprends. Ne laisse personne se dresser et se mettre sur ton chemin. Il y en aura toujours un qui essayera de te baiser. Tu feras ce que tu dois faire et ce qui te semble juste. Ne suis pas mon exemple mon fils, j'ai été un larbin toute ma vie et au bout du tunnel, j'ai le droit à un précipice. C'est la fin pour moi. Je serai toujours fier de toi»
Harry commençait à comprendre où voulait en venir Sly. Il parvenait à justifier désormais la présence de ses deux énormes gorilles, de chaque côté de son bureau.
Sly se leva et se servit un whisky. Il porta délicatement le verre à sa bouche sirotant avec une patience exigée ce délicieux breuvage. Il s'approcha de Harry et s'agenouilla à ses cotés.
- «Quant Slavana me confia que tu lui avais vendu 5 sachets de cocaïne dans mon bar, sous mon nez, à un prix inférieur au mien, je ne l'ai pas cru un instant. Je lui ai répondu que mon ami Harry ne ferait pas une chose pareille. Soit il est con, soit il est fou. Elle me jeta alors les sachets ici même sur mon bureau. J'ai alors compris que t'as voulu me baiser, mon père m'avait prévenu»
- «Sly, j'ai voulu monter un petit business pour me faire un peu plus de blé, c'est tout. Je t'en prie crois moi, déconne pas. Je me suis dit que ce n'était que des miettes comparé à ce que tu brasses»
- «Tu pensais que je ne le saurais pas. De source sure, je sais même que tu as revendu de la dope auprès de certains clients, au bar directement. Tu crois quoi? Que j'allais te donner une médaille pour ça? Que j'allais te dire: Bravo Harry, t'es un bon gars. Tu vois c'est pas compliqué de vendre de la merde et de faire de l'oseille»
- «Laisse-moi partir Sly et je disparaîtrais à tout jamais. Tu n'entendras plus parler de moi. Je n'interfèrerais plus dans tes affaires. Combien veux-tu pour te dédommager? Ton prix sera le mien»
Sly se releva de nouveau regardant en direction de ses gardes du corps qui souriaient étrangement et sadiquement.
S'adressant à baba, Sly prononça:
- «Il se fout vraiment de ma gueule ou il me prend pour un connard. Il pense vraiment qu'il peut me baiser et m'acheter avec ses quelques euros de misérable»
Il continua de sourire nerveusement encore quelques instants, regardant Harry au fond des yeux. Il hurla:
«Tu sais ce qu'il te reste à faire Bouibouille. Proprement et discrètement»
Baba raccorda un silencieux à son colt 45. De sang froid, comparable à une machine qui exécute l'ordre transmis. Il appuya sur la gâchette, transperçant la tête de ce pauvre Harry qui terminera sa soirée, enveloppé dans une couverture de survie. Ils prirent ensuite la direction du fleuve.
Jack resta en réanimation quelques jours. Un des infirmiers lui apprit le départ de Claire. Il se sentit profondément triste et angoissé à la fois. Il ressentait de profonds sentiments. De plus, elle représentait son seul et unique espoir à la sortie de l'hôpital.
Quelques jours plus tard, il apprendra également par les médias et par les bruits de couloir la mort de Harry, retrouvé assassiné dans le fleuve de Farnuca, certainement un règlement de compte.
Le médecin psychiatre de l'hôpital décidera d'envoyer Jack en maison de repos pour quelques semaines afin de garantir un rétablissement optimal et durable. Ce dernier insista bien-sûr pour que le séjour soit le plus long possible prétextant un risque évident de rechute.
Jack, quittant l'hôpital, continuait de penser que le mauvais sort de s'acharnait de plus en plus sur lui. Son avenir lui semblait terriblement incertain s'assombrissant de jour en jour.